À cette époque, et pendant plusieurs années encore, je suis très embarrassée de mes origines juives, que la consonance de mon nom de famille m’empêche d’ignorer. Malgré mes cheveux et mes yeux foncés, ma physionomie n’est pas typiquement sémite, mais mon nom ne laisse aucune place au doute. Cette honte peut […] être perçue comme la preuve d’une faiblesse de caractère […] mais il m’est impossible de m’en défaire. Les Juifs n’ont pas à avoir honte, ce n’étaient pas eux les bourreaux pendant toutes ces années de guerre où on les a ostracisés et assassinés. Et pourtant, je ne peux m’empêcher d’être heureuse lorsque quelqu’un ne reconnaît pas mes origines. Cela n’a rien à voir avec la peur, mais je crois qu’il est peut-être difficile d’accepter son appartenance à un groupe longtemps persécuté.
C’était l’été 1939, le dernier été avant la guerre. Cette guerre qui a bouleversé la vie de millions de gens, sans parler de ceux à qui elle l’a enlevée. J’avais neuf ans.
Et pendant que les grands discutaient de l’imminence de cette guerre et cherchaient comment faire pour s’en protéger, j’étais occupée à tout autre chose.
C’étaient les dernières vacances en temps de paix, et nous, les enfants, jouions comme d’habitude, sans nous rendre compte que cela ne se reproduirait plus jamais.
Je n'ai jamais cessé de penser aux morts, aux survivants, à la grandeur et bassesse humaines. Et toujours la même question me hante : Qu'aurais-je fait à leur place? Comment me serais-je comportée? J'avoue ne pas avoir encore trouvé de réponse.
L’homme est capable des pires crimes, mais aussi des plus grands actes d’héroïsme.