La démocratie électorale ressemble beaucoup au monde de la Bourse ; dans un cas comme dans l'autre il faut opérer sur la naïveté des masses, acheter le concours de la grande presse, et aider le hasard par une infinité de ruses ; il n'y a pas grande différence entre un financier qui introduit sur le marché des affaires retentissantes qui sombreront dans quelques années, et le politicien qui promet à ses concitoyens une infinité de réformes qu'il ne sait comment faire aboutir et qui se traduiront seulement par un amoncellement de papiers parlementaires.
Les uns et les autres n'entendent rien à la production et ils s'arrangent cependant pour s'imposer à elle, la mal diriger et l'exploiter sans la moindre vergogne : ils sont éblouis par les merveilles de l'industrie moderne et ils estiment, les uns et les autres, que le monde regorge assez de richesses pour qu'on puisse le voler largement, sans trop faire crier les producteurs ; tondre le contribuable sans qu'il se révolte, voilà tout l'art du grand homme d'État et du grand financier. Démocrates et gens d'affaires ont une science toute particulière pour faire approuver leurs filouteries par des assemblées délibérantes ; le régime parlementaire est aussi truqué que les réunions d'actionnaires.
Remarquons d'abord que les moralistes ne raisonnent presque jamais sur ce qu'il y a de vraiment fondamental dans notre individu ; ils cherchent d'ordinaire à projeter nos actes accomplis sur le champ des jugements que la société a rédigés d'avance pour les divers types d'action qui sont les plus communs dans la vie contemporaine. Ils disent qu'ils déterminent ainsi des motifs ; mais ces motifs sont de la même nature que ceux dont les juristes tiennent compte dans le droit criminel : ce sont des appréciations sociales relatives à des faits connus de tous.
Beaucoup de philosophes, principalement dans l'Antiquité, ont cru pouvoir tout rapporter à l'utilité ; et s'il y a une appréciation sociale, c'est sûrement celle-là ; - les théologiens placent les fautes sur le chemin qui conduit normalement, suivant l'expérience moyenne, au péché mortel ; ils connaissent ainsi quel est le degré, de malice que présente la concupiscence, et la pénitence qu'il convient d'infliger ; - les modernes enseignent volontiers que nous jugeons notre volonté avant d'agir, en comparant nos maximes à des principes généraux qui ne sont pas sans avoir une certaine analogie avec des déclarations des droits de l'homme ; et cette théorie a été très probablement inspirée par l'admiration que provoquèrent les Bills of Rights placés en tête des constitutions américaines.
L'histoire de la démocratie nous offre une combinaison bien remarquable d'utopies et de mythes.
Les compagnons de Sorel et de Péguy
Pour cette série d'
entretiens croisés, les diverses personnalités interrogées évoquent la
mémoire de deux hommes qu'ils ont rencontrés et qui les ont
guidés :
Charles PEGUY et
Georges SOREL. Leurs commentaires permettent de mieux cerner le caractère de chacun. Certains comme Stanislas FUMET,
Henri HOPPENOT,
Giuseppe UNGARETTI gardent le souvenir d'un
Charles PEGUY vaniteux, tourmenté,...