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Marcelle Sibon (Traducteur)
EAN : 9782743616359
301 pages
Payot et Rivages (07/02/2007)
3.7/5   95 notes
Résumé :
La veille de Noël, à la soirée du club sportif où fréquente l’aristocratie industrielle de Gibbsville, Julian English lance son verre à la figure de Harry Reilly…pour rien, simplement parce que Julian en a assez de la figure de Harry. Et, par ce geste, apparemment dénué de sens, Julian a fixé sans le savoir ce rendez-vous qui ne saurait s’annuler. Il mettra deux jours à s’y rendre, pas plus. Et tout ce qu’il fera, la moindre de ses paroles, au cours de ces 48 heures... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre s'ouvre sur une citation de W. Somerset Maugham, mise en exergue. Mon billet ne pouvant que faire de meme, la voici:
La Mort parle : À Bagdad, un jour, un marchand envoya son serviteur acheter des provisions au marché, mais il vit bientôt revenir, blême et tremblant de peur, le serviteur qui lui dit : « Maître, il y a un moment, je me trouvais sur la place du marché et une femme m'a bousculé dans la foule ; or, en me retournant, j'ai vu que c'était la Mort qui venait de me bousculer. Elle a fait vers moi un geste de menace. S'il vous plaît, prêtez-moi votre cheval, afin que je fuie cette cité pour échapper à mon destin. Je galoperai jusqu'à Samarra et la Mort ne m'y trouvera pas. » le marchand lui prêta son cheval et le serviteur le monta, lui enfonça ses éperons dans les flancs et s'éloigna au grand galop. Alors, le marchand descendit jusqu'à la place du marché et, lorsqu'il me vit, debout dans la foule, il vint à moi et me demanda : « Pourquoi as-tu fait à mon serviteur un geste de menace en le rencontrant ce matin ? – Ce n'était pas un geste de menace, répondis-je, ce n'était qu'un sursaut de surprise. J'étais très étonnée de le voir à Bagdad, car j'ai rendez-vous avec lui, ce soir, à Samarra. »


Tout est dit. le lecteur sait d'avance que ca va mal finir pour Julian English, le pitoyable heros de ce roman. Il a fait une connerie, oh pas une grosse, mais il se monte la tete quant aux consequences, qu'il amplifie au fur et a mesure que se deroulent les quelques jours decrits dans ce roman. C'est pourtant un commencant prospere, un membre de la “good society" de Gibbsville, petite ville des environs de Philadelphia, et un des piliers de son Lantenengo country club (c'est bien connu, les gens riches ne font pas partie de “la societe des riches" mais de “la haute societe", ou ce qui est encore plus significatif, donc mieux, “la bonne societe". Mais tout langage reste prudent, et les moins riches ne seront quand meme pas estampes "mauvaise societe"). Il mene une carriere sereinement prometteuse et forme un beau couple, envie de beaucoup, avec Caroline, quand il entreprend son road-trip vers l'autodestruction, qui le menera au suicide. Chronique d'une mort annoncee par un dry martini.


C'est un fait-divers? Oui, mais aussi un cas de figure. Pour l'auteur, John O'hara, c'est la societe americaine, telle qu'elle s'est developpee dans les annees 30 du siecle dernier, qui peut amener, peut-etre meme qui implique, l'autodestruction de l'individu. Surtout dans les petites villes provinciales comme Gibbsville (qui ressemble etrangement a Pottsville, ou O'hara est ne), ou tout le monde ou presque se connait, s'epie, se juge. Ce livre est a mon sens un requisitoire contre une societe ou c'est par l'avoir, bien sur, mais tout autant par le paraitre, qu'elle jauge l'humain. En une prose sobre, une ecriture serree, seche et realiste a la Hemingway, O'hara accuse. Preuves en main, c'est a dire par une accumulation de details. Il rejoint dans cette veine de grands ecrivains de l'epoque, Dos Passos, Steinbeck, Sinclair Lewis qui les a precedes, et d'autres qui ne me viennent pas en ce moment a l'esprit (ils me pardonneront).


Une accumulation de details qui permet au lecteur de se representer cette petite ville, les differents quartiers des differentes classes sociales, qui se cloisonnent en alimentant des stereotypes meprisants; les tensions entre les differentes communautes religieuses, qui se disputent les ouailles; et enfin, un peu en retrait, la petite maffia de bootleggers dependant de la grande ville voisine, Philadelphia.


Et une accumulation de dialogues et de pensees qui annoncent, signalent, ponctuent, persistent, ne laissant aucun doute au lecteur, au cas ou il aurait ignore la citation en exergue, au cas ou il se serait fait des illusions: le rendez-vous sera honore, comme fixe d'avance, la rencontre aura lieu, comme convenu. Avec la mort.


C'est le premier livre publie par O'hara, un ecrivain peu connu hors d'Amerique. Il parait que c'est son meilleur. En tous cas, 85 ans apres sa parution, avec l'asperite de ses descriptions et ses dialogues alertes, il n'a rien perdu de sa force, il reste d'actualite, en Amerique et ailleurs. A decouvrir ou redecouvrir.
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Premier roman de John O'Hara, publié en 1934, c'est aussi son oeuvre la plus célèbre, celle qui a le moins mal traversé les décennies. de son temps il a été un écrivain reconnu, proche d'Hemingway et de Fitzgerald, qui ont encensé ses écrits, mais qui de ce côté de l'Atlantique au moins, est nettement moins lu maintenant, même si plusieurs de ses livres sont accessibles.

Nous sommes aux USA en 1929, dans une petite ville, Gibbsville. le prospérité de la ville s'est bâtie sur les mines, mais elles sont en cours d'épuisement. La crise ne touche pas encore trop la bonne classe moyenne de la ville, même si certains commencent à éprouver des difficultés. le personnage au centre du roman est Julian English. Fils de médecin, il a refusé de suivre la même route, et il dirige une concession Cadillac, sans grande passion. Il a épousé Caroline, dont il semble très amoureux, au point de montrer une jalousie parfois envahissante. Une vie confortable, à priori sans soucis véritable, bien intégrée à la communauté. Mais tout déraille à une soirée de la bonne société. Julian balance le contenu de son verre à Harry Reilly, sans raison véritable, sauf en avoir marre d'entendre une fois de plus les histoires sans grand intérêt que raconte Reilly. A partir de cet incident, tout s'emballe, et la vie de Julian paraît craquer de tous les côtés.

Le livre décrit une mécanique impitoyable et imparable qui se met en marche, une sorte de tragédie à l'issue prévisible. L'incident de départ est révélateur de toutes les fissures, de toutes les insatisfactions, renoncements, toute la vacuité de l'existence de Julian. Tous les aspects de son existence obéissent à des rituels obligés, à des conventions sociales. Il doit les suivre pour avoir une place. Par exemple, pour pouvoir vendre ses voitures. Mais l'incident est aussi révélateur du côté factice de la concorde sociale, de la convivialité apparente. Reilly est Irlandais, catholique, et le geste de Julian est vite interprété comme l'expression d'une agression communautaire, d'une forme de racisme. Car la société de Gibbsville est profondément ségrégationniste, chacun demeure dans sa communauté d'origine, même si les gens peuvent sembler cordiaux, les haines et rejets sont là, très près de la surface policée, prêts à surgir. le rejet des autres est omniprésent, et l'essentiel est de rester à sa place, celle que la naissance vous a assignée, sinon on déchoit. Mais tout cela doit rester un non-dit, il ne s'agit surtout pas de mettre les choses en lumière. le geste de Julian, qu'il ne comprend pas lui-même, dont il ne voit pas la raison, brise les apparences, et ce pourquoi il est inacceptable. La pression mise par son entourage, en particulier sa femme, et le malaise qu'il éprouve lui-même, amènent Julian à dérailler de plus en plus, à commettre d'autres « inconvenances », comme si une digue avait cédé définitivement.

C'est un tableau brillant et très prenant d'une petite ville, de sa classe favorisée, enfermée dans une sorte de ghetto doré, où toutes les aspirations personnelles doivent céder la place à une forme de reproduction mutilante. Il s'agit de garder ses privilèges, son mode de vie, et de ne surtout pas faire place à des gens qui ne sont pas né dans ce milieu. Rejet du juif, de l'étranger, place subalterne de la femme, qui est un véritable objet. de la même manière que le caïd de la pègre local met sous surveillance sa maîtresse, les bonnes gens s'approprient leurs épouses. Pègre et bonne société faisant d'ailleurs très bon ménage, car les maffias ont leur utilité, par exemple pour fournier en alcool tout ce beau monde.

C'est un constat glaçant. Ces thématiques ont souvent été abordées dans la littérature américaine, mais John O'Hara l'a fait très tôt, et avec une grande efficacité et conviction. Un auteur à découvrir.
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Il y a des classiques qu'il faut lire pour ce qu'ils sont : des classiques, c'est-à-dire des livres qui ont compté - et qui parfois comptent encore - dans l'histoire littéraire d'un pays, d'une époque ou d'un genre. Souvent ça accroche, parfois moins. Pas grave : la culture classique s'enrichit, les références augmentent et le sens critique s'aiguise.

C'est un des grands intérêts de la bibliothèque de l'Olivier, une collection de semi-poches née à l'occasion des 30 ans de l'arbre et qui joue depuis les prolongations. Tant mieux. Titre après titre, elle fait ressortir du riche fonds de la maison des oeuvres qui ont compté, les rhabillant au passage de sublimes couvertures.

Rendez-vous à Samarra de John O'Hara – traduit par Marcelle Sibon - vaut essentiellement pour le témoignage sur cette époque de l'entre-deux guerres aux USA où la crise de 29 n'avait pas touché la belle société de Pennsylvanie de manière uniforme, et où la fête continuait comme si de rien, sur des bases pourtant vacillantes.

Petit geste, grandes conséquences : il suffira que Julian jette un verre à la figure de Harry lors d'une soirée arrosée au club où se réunit habituellement l'aristocratie de Gibbsville pour que s'enclenche la spirale inéluctable de son déclin, social, moral, conjugal. Et vital.

Dans ce microcosme huppé de Gibbsville, c'est à une véritable étude anthropologique que se livre O'Hara, décortiquant les équilibres relationnels ancestraux qui structurent la société « provinciale » américaine de l'époque. Et comme tous les équilibres, ils ne demandent qu'à se rompre dès que l'époque elle-même vacille.

Si l'écriture est précise et élégante, le livre n'évite pas quelques longueurs dommageables lors de ses nombreux flashbacks, abusant un peu trop du procédé. Mais il sait vous récupérer par la suite en construisant une étonnante empathie pour Julian, embarqué dans un cyclone qui le dépasse.

On a souvent Gatsby en tête en lisant O'Hara mais aussi le Jay Gladstone de Mécanique de la chute (pour qui Greenland a forcément lu O'Hara). Et l'envie au final d'en lire un second pour découvrir davantage cet auteur de l'âge d'or américain.
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***

A Gibbsville, petite ville de Pennsylvanie, ce sont dans les différents clubs que les couples se rencontrent, s'épient, se jugent. Lors d'une de ces soirées, Julian perd le contrôle et jette son verre au visage d'Harry. Ce geste signe alors sa fulgurante descente aux enfers…

Sans le bookclub du @prixbookstagram, je n'aurais jamais découvert John O'Hara. Et même si ce roman n'est pas un coup de coeur, l'écriture et l'univers de l'auteur mérite qu'on s'y arrête.

Dans ce rendez-vous à Samarra, c'est le regard méprisant, arrogant, hautain de la soi-disant haute société industrielle qui est mis en lumière.
A travers différents personnages, et grâce à une écriture fine et tranchante, John O'Hara nous entraîne dans les profondeurs nauséabondes de l'antisémitisme, de la ségrégation, de la haine de l'autre. Qu'il s'agisse de dialogues ou de réflexions intérieures, chacun ne se sent fort qu'en écrasant un peu plus son voisin. Les mots claquent, ils sonnent justes…

Mais j'y ai trouvé aussi beaucoup de flottements, des passages qui traînent en longueur et une fin trop abrupte. On ne peut pas dire que la psychologie des personnages était le point fort de l'auteur !!

Rendez-vous à Samarra est un tableau cruel de la société américaine des années 30 dans une petite ville où le regard de l'autre compte plus que le bonheur… Et où les apparences dictent d'une seule voix leurs lois implacables…
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John O'Hara, contemporain et ami de Ernest Hemingway et de Scott Fitzgerald, est un écrivain un peu disparu des radars qui a réapparu en France dans les années 2000.
Rendez-vous à Samarra, sûrement son roman le plus connu, est la descente aux enfers en 48h d'un homme de 30 ans Julian English, "bien sous tous rapports" au demeurant, marié à une femme qu'il aime, et gérant d'une concession automobile dans une petite ville de Pennsylvanie.
Les difficultés de Julian English commencent quand il jette un verre de whisky avec glaçons, et le détail a son importance, à la tête d'une de ses connaissances à qui il a emprunté une somme d'argent l'année passée.
Nous ne saurons pas grand chose des raisons précises qui l'ont amené à commettre ce geste, ni des démons qui le rongent, le vouent à un alcoolisme destructeur et l'enferment dans une spirale infernale, et c'est ce qui fait le charme de ce livre.
Julian English est-il une victime expiatoire qui paye pour les péchés d'une société américaine qui sort de la crise de 29, rongée par les rancoeurs entre les communautés religieuses, par le racisme et l'antisémitisme, noyée sous des flots d'alcool qui n'ont jamais autant coulé que pendant la prohibition ?
Est-il condamné car il n'a pas respecté la hiérarchie des classes sociales et n'a pas répondu aux ambitions de son père ?
John O'Hara nous dépeint un petit monde hypocrite et fermé sur lui-même, où la haute bourgeoisie côtoie la pègre, où les relations entre les hommes et les femmes sont tendues, mais dont les apparences sont sauvegardées.
Rendez-vous à Samarra est un livre exigeant, pas simple d'accès, qui emprunte aux codes du roman noir américain, mais dont les très beaux dialogues vifs et percutants, nous entraînent à suivre le chemin de croix de ce personnage au destin qui le dépasse.

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critiques presse (1)
LeMonde
29 juillet 2022
On n’échappe pas à son destin, c’est ce que le roman, aux allures de thriller psychologique, s’emploie à montrer en une « mécanique de la chute » inexorable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Voilà que ça le reprenait : les domestiques, les flics, les serveurs au restaurant, les ouvreuses de théâtre, il pouvait les haïr plus que les gens susceptibles de lui causer un réel tort. Il se haïssait lui-même après s'être emporté contre eux mais, nom de Dieu, ces gens qui avaient si peu à faire, ne pouvaient-ils pas le faire correctement au lieu de lui compliquer la vie ?
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Ceci est une histoire sans fin.
Vous tirez la pointe d'une grenade à main : quelques secondes plus tard elle explose, et dans un rayon restreint, des hommes tombent, tués ou blessés. Résultat : cadavres à enterrer, malades à soigner. Veuves, enfants sans père, parents privés de leurs enfants. Ce qui déclenche le mécanisme des pensions et développe chez les uns l'esprit pacifiste, une haine durable chez les autres.
Un autre homme, qui s'était arrêté, deux minutes avant, à l'endroit même ou l'engin devait sauter, se met désormais à croire en Dieu, ou prend pour fétiche une patte de lapin.
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Aussi, lorsque le liquide le frapperait, il garderait tout juste ce qu'il faut de contrôle sur lui-même, c'est probable, pour se rappeler qui le lui avait lancé et sans doute ne dirait-il pas les choses qu'il aurait envie de dire. Ce fils de garce au sang de navet, il sortirait probablement son mouchoir et il essaierait en riant de faire passer ça pour une plaisanterie, ou, s'il voyait que personne d'autre ne trouvait la chose comique, il jouerait le rôle du monsieur impassible et froidement indigné et dirait : "Quelle saloperie d'avoir fait ça ! A quoi ça rime ? ... Hein ?". "Et moi, se disait Julian intérieurement, j'aimerais pouvoir lui dire qu'à mon idée, il était grand temps que quelqu'un s'avisât de la lui boucler".
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Quant à la question Caroline, Julian avait foi dans un procédé mental qui consistait à s'élever d'avance contre une chose, à la précéder dans le temps (que ce soit la crainte de se couper en se rasant ou celle de voir prendre sa femme par un autre homme). Si l'on y réussit, le danger est écarté. Mais ça ne peut pas arriver, parce que ces choses-là ne sont connues que de Dieu ; et, si vous avez un fort pressentiment, ça ne veut rien dire, parce que Dieu est Dieu et qu'il ne fera certainement pas cadeau d'un de ses pouvoirs à Julian McHenry English.
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"-Oh! Je trouve que tu es de mauvaise foi. Je trouve ton manège ignoble et tu recommences toujours. Tu me mets en colère et puis, tout à coup, tu refuses de poursuivre la discussion et, au lieu de ça, tu prends un air folâtre et tu parles d'amour et de coucheries. C'est dégoûtant, parce que, si je refuse de dire que je t'aime, c'est toi qui deviens la personne offensée, et tout. C'est lâche et déloyal et tu le fais continuellement."
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