Le président Roosevelt, comme avant lui l’avait été le président Wilson, était un utopiste. Il avait réuni à Yalta une conférence de triste mémoire, à laquelle avaient participé : pour l’Angleterre, Churchill, pour la Russie, Staline et lui-même pour les Etats-Unis. La France n’avait pas été invitée à cette conférence. Reconnaissant la part importante qu’avait prise la Russie soviétique à la lutte contre l’Allemagne, Roosevelt, qui présidait la conférence, avait proposé ce qu’on a appelé plus tard les zones d’influence. Roosevelt avait attribué de vastes territoires en Europe, tels que la Roumanie, la Yougoslavie jusqu’à l’Adriatique, où Staline n’avait pas manqué de préparer tout un chapelet de puissances qui, du nord au sud, comprenaient la Pologne, une partie de la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce, véritable glacis protecteur d’armées appartenant au pacte de Varsovie, qui défendraient la Russie en cas d’attaque de l’Occident.
Turtucaïa, un nom qui sonne pour les Roumains comme un coup de clairon dans les ténèbres. Pourquoi comme un coup de clairon ? Parce qu’il évoque des épisodes glorieux pour les unités qui ont été engagées du 3 au 7 septembre 1916 (calendrier julien). Pourquoi les ténèbres ? Parce qu’un voile d’ombre a été tendu sur cette campagne de Dobroudja, si mal exécutée, parce que n’avait pas été décelée à temps la trahison bulgare.
Vint le jour où Mihaïl Ier crut avoir gagné la partie, le jour où Staline le décora de l’ordre le plus haut de la Russie soviétique, pour avoir pourchassé les Allemands en maints combats victorieux, jusqu’aux frontières de la Tchécoslovaquie.
A la fin de la Première Guerre mondiale, la Roumanie, déclarée victorieuse au même titre que les Alliés, le royaume de Roumanie avait reçu tous les territoires qu’il considérait comme faisant partie intégrante de son propre territoire, inclus dans ses frontières naturelles et peuplés exclusivement, depuis l’expédition de l’empereur Trajan (de 98 à 117 de notre ère) vainqueur de la Dacie, de Romains colonisateurs, purs Latins, devenus les Roumains, la Valachie, la Moldavie (outre les principautés danubiennes ayant jusque-là formé la Roumanie proprement dite), la Bukovine, le Banat de Temeswar, une partie du quadrilatère de la Dobroudja (sud de Turtucaïa) et enfin la vaste Bessabarie, au-delà du Pruth, jusqu’au Dniestr et au-delà du Danube, à Sulina.
L’invasion de la Roumanie, puis l’occupation par les forces armées de la Russie soviétique ont été les conséquences de deux lourdes erreurs :
— La première de la part du président Roosevelt avec sa Conférence de Yalta, en février 1945 (rappelons encore une fois que la France n’y fut même pas invitée), où Roosevelt, en accord avec Staline et Churchill, fixa les limites de ces fameuses zones dites « d’influence », dans lesquelles l’Amérique et la Russie soviétique seraient habilitées à remettre de l’ordre dans l’Europe en désordre, par les moyens qu’elles jugeraient nécessaires. C’était faire une singulière confiance aux communistes. L’Amérique devait s’en repentir.
— La seconde par la déclaration (après entente et alliance avec l’Allemagne nazie) de guerre, bien inopportune, à la Russie soviétique par le royaume de Roumanie, c’est-à-dire par le roi Mihaïl Ier, petit-fils du roi Ferdinand Ier. La reine Marie régnante n’aurait jamais commis un manque de jugement pareil.
René CHAMBE, Général
Jacques CHANCEL s'entretient avec le général
René CHAMBE : ses souvenirs d'aviateur pendant la
guerre 14-18 ; les risques actuels de conflit mondial ; sa traversée de la Russie en 1917 ; son goût pour la
chasse ; jugement sur la
jeunesse, les militaires et la
bataille de la Marne ; son livre Adieu Cavalerie