Au premier abord,
Sophie Divry semble discuter savamment avec ses pairs, de cuisine littéraire, un peu haut par dessus nos têtes de lecteurs. Sauf à considérer qu'il n'y a pas de lecteur sans auteur, et réciproquement.
Tout compte fait, L'essai de
Sophie Divry pourrait être rebaptisé : Les droits imprescriptibles de l'écrivain.
Droit de changer de nom, droit de changer de style, droit de changer d'éditeur, droit de changer de genre littéraire, droit de ne pas changer le monde, droit de dénoncer les horreurs ou les abus de ce même monde, droit de dire le vrai, droit de dire le faux, droit de faire rêver, droit de ramener à la réalité, droit d'être théoricien de son art, droit d'être un artiste, droit de s'affranchir des règles, droit d'être de son temps, droit de s'échapper de son temps, droit d'écrire au passé simple quand c'est considéré comme ringard et daté, droit d'échapper à la mort du roman, droit d'écrire un essai contre la « mort du roman ».
De quoi passionner les lecteurs de Babelio, dont les critiques sont toutes en rapport avec l'une ou l'autre de ces problématiques, et dont les propres droits imprescriptibles ont été énoncés par
Daniel Pennac à qui j'ai emprunté l'usage de la formule, transposée à l'auteur.
Je ne connaissais pas la romancière, j'entre dans son oeuvre par la porte de l'essayiste.
Je ne peux qu'applaudir l'idée qu'un roman doit être romanesque, c'est à dire comporter une dimension narrative et des mises en situation de personnages dont la psychologie peut-être fouillée ou seulement esquissée, du moment qu'ils existent. le Nouveau Roman, que j'apprécie, a permis à l'écriture de s'affranchir des règles narratives, de dialogue, du choix de la perspective bref d'un classicisme qui aurait à terme étouffé le Roman. Je ne crois pas à la mort du roman, au sens où ce genre littéraire serait condamné à se dessécher à force d'interdits aussi contraignants que les règles d'écriture d'antan. le roman peut vivre et palpiter en restant connecté à son époque. Cette époque lance des défis aux écrivains romanciers. L'évolution des relations humaines transitant par les échanges numériques, les « contacts » remplaçant les relations « physiques » (que d'ambiguïtés !) la disparition programmée du support papier, tout cela nous propulse sans que nous ayons le choix, dans un après Gutenberg mais aussi dans un après Nouveau Roman.
Le métier de romancier, c'est l'invention, qu'elle passe ou non par la fiction, la disparition de la subjectivité des personnages, l'abandon de certains temps et modes de conjugaison.
Un écrivain, un lecteur. A partir de ce degré zéro du roman, tout est possible.
J'ai adoré cette problématique que je résume à travers le filtre de ma subjectivité. La seconde partie de l'ouvrage ne m'a pas passionnée, car je la trouve trop proche d'un cours de Français. Je la conseille aux étudiants, ou même aux lycéens, désireux d'aller plus loin que le simple usage d'une « boîte à outils » (quelle horreur) ou le décryptage savant de l'art, ou du génie.Même si un peu de mystère ne nuit pas., explorer les nouvelles directions que pourrait prendre le roman présente aussi son intérêt.
Tel que, ce livre est fort recommandable et je le recommande à ceux qui aiment l'écriture autant que la lecture.
Merci à Babelio, grand
merci à Pierre Krause, aux Editions noir sur Blanc, et bien sûr à l'auteur,
Sophie Divry.