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EAN : 9782348069024
220 pages
La Découverte (22/09/2022)
4.13/5   138 notes
Résumé :
Derrière les façades de luxueux immeubles parisiens, les immenses grilles de châteaux, les baies vitrées de vastes villas de la Côte d’Azur, se cache un personnel invisible mais présent quotidiennement au service des grandes fortunes. Gouvernantes, majordomes, femmes de chambre et de ménage, lingères, nannies, cuisiniers ou chauffeurs travaillent du matin au soir, et souvent la nuit, pour satisfaire les besoins et désirs des millionnaires qui les emploient à leur do... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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♫ Master and servant..♫

Elle cherchait un job étudiant, elle sera nounou dans une riche famille, prendra des notes, gardera le contact avec patrons et domesticité, suivra deux écoles pour apprendre à servir les riches et finira par en faire son sujet de thése de doctorat. Ce livre est une version diluée de ce travail de fourmi, réalisé sur des années et sur plusieurs continents...

C'est que les riches, voyagent, ont plusieurs maisons, et il leur faut du personnel pour gérer tout ce qu'ils n'ont pas la possibilté, le temps ou l'envie de gérer. Ils déléguent donc, à des majordomes, cuisiniers, bonnes à tout faire, nounous, chauffeurs, jardiniers...
Que font-ils de ce temps dégagé ?
Et bien : ils ne font rien ou travaillent beaucoup, beaucoup -
(Je pense à cette femme chef d'entreprise ,mariée à un tradder ,qui ,la semaine bosse au moins 10 h par jour et qui le dimanche,au lieu de s'occuper de ses enfants et voir son mari, s'occupe d'un comité pour un musée...).
Je pense à l'inverse, à cette femme au foyer russe mais vivant à Paris, qui demande à travers la porte à sa bonne, un jus de fruit, pas capable de presser une orange ! Orange, que tient à sa disposition, sa bonne ainsi qu'un citron, et un pamplemouse au cas, où sa patronne choisirait l'un plutôt que l'autre !
Les patrons déléguent pour mieux sociabiliser aussi , ils reçoivent ou sont reçus, afin d'étendre leur réseau et ainsi maintenir leur niveau de vie...
Ils sont tradders, chefs d'entreprise, hauts fonctionaires d'état, patrons du Cac40, aristocrates, héritiers...
Du côté des patrons, on a "l'impression " de bien traiter le "petit" personnel, mais qu'en est-il vraiment ?

Les domestiques sont souvent mieux payés que s'ils faisaient le même job pour une entreprise, mais tous ne comptent pas leurs heures, alors l'un dans l'autre, ils sont à majorité perdants...
Ah mais, ils sont logés, nourris, reçoivent des cadeaux, ou des primes !
Mais bien souvent ce n'est que la face visible.
Souvent le patron ne déclare qu'un mi-temps, ou ne déclare rien, préférant payer au black des étrangers sans papiers, qui de toute façon ont fui une vie bien plus misérable dans leurs pays et ont l'impression d'avoir gagné au loto... Un autre patron déclare frauduleusement son domestique comme employé dans un de ses magasins...
Certains employés n'ont aucune garantie de retraite , mais ont , par contre, la possibilité de perdre leur travail du jour au lendemain.Ils ont des journées qui n'en finissent pas (les 35h sont inconnues) . Ils habitent souvent près ou au domicile du patron, et ne décrochent jamais. Aussi pour certains, ce n'est pas avec quatre pauvres dimanches par mois, qu'ils vont avoir une vie de famille ou des amis... Beaucoup sont maltraités.
Certains ont l'impression de vivre la vie de leurs patrons, ont l'impression de faire partie de la famille ou d'être ami , la chute n'en sera que plus brutale.

Il arrive que certains patrons soient plus que correct.
Je pense à ce majordome payé 15 000€ par mois qui en échange, gére tout pour lui, et doit le suivre partout , mais qui a réussi à acquérir un véritable patrimoine immobilier, conseillé par son patron, qui n'a pas ménagé sa peine... C'est la seule "jolie histoire" de cet essai...

A la fin du livre , on est un peu écoeurés tout de même par le comportement des grandes fortunes dont certains sans vergogne , pratiquent l'esclavage "moderne"... Même pas peur des contrôles sur les conditions de travail ! Il n'y a pas assez de fonctionnaires et puis ils connaissent du beau monde ou ont les moyens de s'en sortir grace aux meilleurs avocats...
A la fin de cet essai, on se dit aussi, qu'entre les voyages d'affaires, les voyages plaisir, les barraques sur tous les continents, l'écologie, avec les grandes fortunes, a du mauvais sang à se faire...
Un livre très instructif et très agréable à lire.


PS: au début du livre, l'auteure parle de livres et films qui illustrent une révolte de la domesticité. Elle cite" La Cérémonie "de Claude Chabrol, en oubliant qu'au départ c'est tout de même un roman de Ruth Rendell " L'analphabéte", cela m'a chagrinnée, j'aime beaucoup Ruth Rendll...
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Comment vivent les domestiques aujourd'hui ? Dans notre imaginaire, les bonnes en tenue noire et petit tablier blanc, ainsi que les majordomes en queue de pie portant un plateau d'une seule main, semblent appartenir au passé. Les grandes richesses continuent pourtant d'avoir du personnel de maison, et ce livre, entre reportage et essai sociologique, nous dévoile ce qui se passe dans ces grandes maisons inaccessibles.

La première chose qui frappe, c'est le sentiment de reconnaissance des domestiques envers leurs patrons : vivre dans des lieux inaccessibles à leur classe sociale, apprendre à leur contact (les codes sociaux, le « bon goût », gérer son argent, …). L'identification aux patrons est forte : on remarque dans les discours des « nous » qui incluent les riches et leurs domestiques, contre le reste de la société moins fortunée. Que ce soient chez les jeunes diplômés (car oui, désormais on peut être BAC+5 et servir les grandes fortunes) ou chez les immigrés qui parviennent à se faire embaucher, le discours est le même : « quelle chance ! » d'avoir un bon salaire, le logement et le repas offert, et des petits cadeaux à la pelle. du côté des patrons, même discours : « ils font partie de la famille » ou « je les considère comme mes enfants ». A priori donc, c'est du gagnant-gagnant.

Cette belle vitrine se fissure pourtant au fur et à mesure du récit. « Faire partie de la famille », ce n'est en fait pas le bon plan. Car être logé, nourri et recevoir des cadeaux, ce n'est pas la même chose que percevoir seulement un salaire : on entre dans une logique de don et contre-don, et le domestique doit « rendre la pareille » avec un dévouement sans borne. Après tout, quand on aide un ami à déménager, on ne négocie pas des pauses régulières et un strict respect des règles de sécurité. Et la relation ici est profondément asymétrique : si l'employé se sent très chanceux, redevable et n'ose rien réclamer, l'employeur n'hésite pas à changer de domestique au premier relâchement.

D'autres pratiques sont très déshumanisantes. J'ai été assez frappé par le racisme assumé des riches : « les noires sont costaudes et travaillent beaucoup », « les arabes cuisinent bien mais sentent mauvais », « les asiatiques sont fourbes ». On renomme aussi les nouveaux employés avec les prénoms des précédents, pour ne pas devoir se fatiguer à les apprendre. On remarque aussi un profond isolement social des domestiques : avec quelques heures de sommeil par nuit et un seul jour de congé par mois, difficile de tisser ou d'entretenir des liens. L'employeur devient donc effectivement la seule « famille » qu'ils leur restent, car les relations deviennent impossibles avec le monde extérieur.

Pourquoi ces domestiques restent-ils donc à leur service ? L'effet « cage dorée » est très marquant. En partant, ces personnes quitteraient un emploi dur, abusif mais bien payé pour un emploi dur, abusif et mal payé. Les contrats de travail sont généralement faits pour être payé un maximum au noir, ce qui signifie un droit au chômage presque nul et une retraite ridicule. Les personnes immigrées ne sont pas certaines de pouvoir rester dans le pays si elles perdent leur travail. Certains employés viennent des gros chantiers ou de la prostitution de rue : faire le ménage et supporter des caprices peut sembler un sort plus doux en comparaison.

Si on avait l'impression d'un double jeu de dupes au départ (certains domestiques semblent penser « les avoir » en jouant le rôle qu'ils attendaient d'eux), on constate que comme toujours dans ces situations, les riches s'en sortent mieux que les pauvres.
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« Penser l'envers des faits, c'est donner à voir les ressorts les mieux dissimulés du monde social, en restituant toute son épaisseur humaine ».
Servir les riches : les domestiques chez les grandes fortunes, d'Alizée Delpierre, fait partie de la collection « L'envers des faits », des éditions La Découverte. L'auteur, sociologue, chercheuse au Centre de sociologie des organisations, s'est plus particulièrement intéressée aux domesticités, aux grandes fortunes et aux travailleuses immigrées.

Servir les riches est une enquête sociologique qui a pour but d'étudier les domestiques et les riches qui les emploient ; Alizée Delpierre a réalisé, sur une période de plusieurs années, de nombreux entretiens avec les domestiques et leurs patrons. Elle a également travaillé « en immersion » comme domestique dans plusieurs familles. Elle a pu pénétrer ce monde clos, faire la connaissance de domestiques, recueillir le témoignage de gouvernantes, femmes de chambre et de ménage, lingères, nannies, majordomes, cuisinières et chauffeurs, autant de personnes invisibles, dont on ne connaît pas le nombre exact. Ces domestiques occupent en général une activité à temps plein ils sont à la disposition de leurs employeurs et enchaînent les heures de travail, ne disposant que de quelques jours de repos par mois. En échange de leur disponibilité et de la grande qualité de leur travail, ils peuvent bénéficier de salaires élevés pour leur qualification, de cadeaux, de prise en charge médicale, de billets d'avion… Il s'agit pour ces domestiques, qui sont souvent issus de l'immigration et sans diplôme, mais pas toujours, d'une opportunité d'ascension sociale quelquefois fulgurante. On parle d' "exploitation dorée". de leur côté, les employeurs fortunés recherchent un personnel totalement dévoué, auquel ils confient l'ensemble des tâches domestiques, ce qui leur permet de se consacrer seulement à leur travail ou aux occupations qu'ils choisissent. Pour satisfaire besoins et désirs ils fixent les règles du jeu, des règles souvent extrêmement contraignantes voire insensées.

J'ai beaucoup aimé découvrir l'étude sociologique d'Alizée Delpierre, dont la lecture m'a été conseillée par une des bibliothécaires de la médiathèque où je me rends habituellement. Je ne connaissais pas du tout le monde décrit par la sociologue ; son parcours, la méthodologie qu'elle a utilisée sont décrits et vraiment intéressants. J'ai lu tous les entretiens qui sont rapportés, et j'ai eu quelquefois du mal à m'imaginer que tout ce qui était rapporté était vrai, et se déroulait à notre époque. J'étais certainement naïve, et j'ai beaucoup appris. J'ai aimé le fait qu' Alizée Delpierre rapporte des faits, et se garde de porter un jugement critique sur ces relations particulières employées/employeurs. Tout au long de l'étude, elle montre comment chacun des groupes, au final, trouve sa place au sein de mécanismes complexes.

Une bibliographie très fournie nous permet d'aller plus loin ; au terme de notre lecture, nous disposons de tous les éléments pour mener à bien notre propre réflexion sur le fait de servir et d'être servi. Et c'est édifiant.


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Aujourd'hui je vais évoquer Servir les riches, essai sociologique décapant d'Alizée Delpierre sous-titré Les domestiques chez les grandes fortunes. Cette enquête sociologique du quotidien est une mine d'informations et permet par le biais de cette approche théorique de pénétrer des mondes sociaux méconnus. Cet essai explore, de manière bien différente et par l'unique prisme de la domesticité, le champ de recherche qui a occupé Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot pendant de nombreuses années.
Servir les riches est une plongée dans le milieu de l'aristocratie et des nouveaux riches. le terrain de recherche d'Alizée Delpierre (principalement en France avec un crochet en Afrique du Sud) est celui de cette frange ultra-riche de la population, dominante (économiquement) qui a les moyens de payer de nombreux employés pour effectuer les tâches domestiques qu'ils délèguent (ménage, courses, éducation des enfants, entretien du jardin ou de la piscine, organisation de l'emploi du temps et des réceptions, confection des repas, etc.). Il s'agit à la fois des majordomes, des gouvernantes, des lingères, des chauffeurs, des nannys et autres cuisinières. Celles dont il est question ici, car ce sont principalement des femmes, sont au service continu de leurs richissimes patrons. La plupart d'entre-elles vivent à proximité ou sur place et semblent taillables et corvéables à merci ; elles n'ont pas d'horaires et travaillent souvent plus de douze heures par jour. La sociologue a profité d'une expérience personnelle au service d'une famille (garde d'enfants) pour réaliser des observations in situ. Elle a également conduit de nombreux entretiens avec d'une part des domestiques et de l'autre des patrons. Elle rapporte assez peu de verbatim mais reconstruit au fil des chapitres les données qu'elle a compilées ou observées. Cette enquête est passionnante et malgré la nécessaire anonymisation des protagonistes le lecteur est troublé et se demande parfois de qui il est question. Les témoignages sont souvent édifiants et permettent de proposer une typologie des domestiques et de leurs tâches. La question de la rémunération est au coeur de la recherche. Force est de constater que si certaines s'en sortent honorablement, pour la plupart les conditions de travail sont exigeantes et éprouvantes et une partie de la rémunération n'est pas déclarée. Tous les domestiques n'ont pas de contrat de travail ! Les patrons apparaissent comme hors sol, peu scrupuleux des règles et se positionnant au-dessus des lois. D'ailleurs l'inspection du travail ne couvre pas ce domaine de la domesticité, ils peuvent donc dormir tranquilles. Les relations entre patrons et domestiques sont bien documentées, le tableau n'est pas toujours réjouissant. Un mépris de classe est souvent lisible, les employeurs n'hésitent pas à se débarrasser de leur personnel sans préavis, les abus et violences existent. Sans évoquer les extravagantes demandes (cet homme contraint de se travestir en femme par exemple). du côté des domestiques, force est d'être surpris par leur attitude et discours parfois paradoxaux : les patrons sont souvent considérés comme leur famille et les serviteurs affichent un dévouement et une serviabilité assez impressionnants, nimbé d'un respect lié au sentiment grâce à cet emploi d'avoir réussi dans la vie. Il existe une part de rêve liée à ces professions qui permettent de côtoyer le luxe et la réussite sociale par l'intermédiaire d'autrui.
Servir les riches est un essai qui montre bien le miroir aux alouettes que constitue pour certains l'ambition de travailler au service des très riches. Être domestique est souvent considéré comme une forme d'ascension sociale et n'est étrangement pas le domaine réservé de personnes immigrées sans diplôme ni qualification : bien entendu il y en a mais la sociologie des domestiques est beaucoup plus variée que ce stéréotype.
Voilà, je vous ai donc parlé de Servir les riches d'Alizée Delpierre paru aux éditions La Découverte.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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L'étude sociologique livrée dans ce livre est l'aboutissement d'une enquête menée par l'auteure avec la rigueur nécessaire à cette tâche de recherche. Mais l'auteure a su rédiger avec de tels filtres que la lecture est très agréable et bien loin d'un ouvrage universitaire.
Le sujet étudié est les serviteurs de la bourgeoisie et des ultras-riches mais on peut aussi y voir en creux de nombreux aspects de la vie de la grande bourgeoisie. L'auteure su gagner la confiance des uns et des autres et a ainsi recueilli des paroles sincères et sans retenue. J'ai été ému par la solitude de ces serviteurs entièrement consacrés à leurs patrons, finalement dindons de cette farce sociale. J'ai été choqué par ces aristocrates finalement près de leurs sous, payant mal et dans la limite des avantages fiscaux pouvant être tiré de la situation. Nos ultras riches se vantent de travailler beaucoup, c'est vrai mais toute leur vie est par ailleurs prise en charge. Finalement, en terme d'activité , la journée d'une personne gérant l'entièreté de son quotidien peut être plus longue et sa charge mentale toujours plus conséquente. Certaines paroles bourgeoises font montre d'un racisme décomplexé absolument ahurissant. Il est heureux que les employés sachent jouer de leurs compétences acquises pour progresser en poste et en salaire en changeant d'employeur. Néanmoins, je n'ai vu aucun constat réellement positif d'une vie passée au service des riches dans ce livre.
Toutes ces appréciations viennent de ma lecture. L'auteure, elle, constante dans sa rigueur universitaire ne porte aucun jugement alors que l'émotion est forte devant certaines situations que je préfère laisser découvrir.
Je n'imaginais pas certains comportements encore possibles de nos jours et à quel point, à l'abri des ses hauts murs, notre bourgeoisie peut être méprisable. Quel naïf je fait.
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critiques presse (2)
NonFiction
20 décembre 2022
Rempli de récits éclairants, ce livre ne sera donc pas inutile à qui découvrirait le sujet et il ne fait nul doute qu’il s’avérera de nature à renforcer les convictions de celles et ceux qui partagent l’optique manifestement très ancrée de l’auteure. Qui connaît relativement bien le domaine restera quelque peu sur sa faim.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Bibliobs
22 septembre 2022
Dans « Servir les riches », Alizée Delpierre rentre dans l'intimité des « grandes maisons » pour suivre le travail des majordomes, chauffeurs et employés de ménage. Que se passe-t-il quand la domination se fait à touche-touche ?
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Dire que les domestiques sont des membres de la famille, montrer qu'on leur sauvé la vie et qu'on est responsable de leur bonheur autorisent les riches à se faire servir et à exercer leur domination.
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L'argent, c'est du temps
Si Charles peut investir dans la rose de luxe, c'est certes parce qu'il en a les moyens, mais c'est surtout parce que son argent lui permet d'avoir à son service six domestiques qui s'occupent d'entretenir son château et son jardin, pendant que lui s'attelle à la création de son entreprise. S'il devait à lui seul faire le ménage dans chacune des pièces, ramoner ses quatre cheminées, nettoyer les tapis et tapisseries qui ornent le sol et les murs, préparer du pot-au-feu et de la tarte aux pommes pour la douzaine d'invités qu'il reçoit tous les deux jours à dîner, tailler ses nombreux rosiers, tondre ses hectares de pelouse, laver les draps et faire les lits des dix chambres, s'occuper du matin au soir de ses onze petits-enfants lorsqu'ils sont en vacances chez lui, il n'aurait probablement pas le temps de gérer son entreprise. Les domestiques ne servent pas qu'à exhiber la fortune de leurs patrons et à assouvir leur besoin d'exceptionnalité et de reconnaissance. Plus prosaïquement, elles sont une main-d'oeuvre quotidienne qui leur libère du temps pour faire autre chose : travailler, sociabiliser, prendre soin de soi et des autres, monter des projets, sortir ou se reposer.
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" Ils n'ont pas de jours de repos fixés à l'avance, on voit ça avec eux, au feeling", m' explique Juliette, qui assure que ses domestiques réclament peu de jours de repos car "ils finissent par s'ennuyer, sinon ". D'ailleurs, avec un total de deux jours de repos sur l'année qui précéde notre rencontre, un salaire avoisinant les 1300 euros par mois, et une petite chambre de 10 m2 qu'ils partagent, Juliette estime que deux de ses domestiques, un homme et une femme sri lankais, bénéficient de beaucoup d'avantages en compensation de leur centaine d'heures travaillées par semaine : "Ils sont bien contents car au Sri Lanka, jamais ils n'auraient eu tout ça !", ajoute-t-elle.
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Les rapports entre patron et domestique ne se résument pas à une relation professionnelle classique. Ils sont à mi-chemin entre ceux d'un professeur avec ses élèves, et ceux d'un parent avec ses enfants. Ils comportent une dimension socialisatrice, qui nourrit un autre aspect de l'illusio : faire partie d'une même famille, à défaut d'être du même monde. En entrant au service des riches, les domestiques s'entendent dire qu'elles sont des membres de la famille. L'argent qu'elles gagnent, les cadeaux qu'elles reçoivent, la chambre dont elles disposent, les livres qu'elles lisent, la musique qu'elles écoutent, l'art de dresser la table et la manière de s'habiller pour faire le service d'un dîner mondain émanent des comportements paternalistes de leurs patrons. Être prises sous leur aile alimente des rêves qui expliquent l'émotion avec laquelle elles se sentent redevables de leurs patrons. De leur côté, les patrons entretiennent assidûment leur rôle de passeurs ou de conseillers, que ce soit en matière d'argent, de codes, de valeurs ou de goût.
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" Vous pensez qu'elle serait mieux à dormir sous un pont ? " m'a demandé un jour un employeur, après que je lui avais exprimé ma surprise d'apprendre que sa domestique dormait dans un cagibi. Vu sous cet angle, cette domestique était certes mieux lotie que losqu'elle était sans domicile fixe. Mais cet angle n'a rien d'évident, et pas grand-chose d'humain.
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Vidéo de Alizée Delpierre
À l'occasion des 40 ans des éditions La Découverte, rencontre avec Alizée Delpierre et Céline Bessière autour de leurs ouvrages "Servir les riches" et "Le genre du capital". Entretien avec Sandrine Rui.
Retrouvez les livres : - Servir les riches : https://www.mollat.com/livres/2642315/alizee-delpierre-servir-les-riches-les-domestiques-chez-les-grandes-fortunes - le genre du capital : https://www.mollat.com/livres/2809487/celine-bessiere-le-genre-du-capital-enqueter-sur-les-inegalites-dans-la-famille
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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