Signoret Montand : Deux vies dans le siècle

"Ivo monta! monta..." lui criait sa mère de sa fenêtre, lorsqu'il trainait trop dans les rues de son quartier marseillais d'immigrés italiens.
Cette injonction à monter, Ivo Livi, fils d'un métayer communiste qui a fui le fascisme de l'Italie, en a fait son nom de scène Yves Montand et le moteur de son ambition professionnelle. Coiffeur, docker, chanteur...son combat pour la survie et sa rencontre avec Edith Piaf propulseront sa carrière vers le cinéma.
Née elle aussi en 1921, Simone Kaminger, fille d'un juif polonais "élevée dans la haine de l'occupation" suit en France l'exil de sa famille. C'est le nom Signoret de sa mère catholique qu'elle choisira comme nom d'artiste lors de ses premiers films avec Yves Allégret qu'elle épousera et dont elle aura une fille Catherine.
Signoret Montand: Deux vies dans le siècle de Pierre Lherminier (auteur et directeur de collection chez L'Harmattan) étudie dans le détail le parcours croisé de ces deux "personnalités marqueuses de la vie artistique et politique française" de leur coup de foudre à La Colombe d'or de Saint Paul de Vence à leurs succès cinématographiques, leur engagement politique (contre la dictature,le fascisme,l'injustice,la haine),leur déchirement lors de l'affaire Marilyn (où trahie elle reste digne), leur affection (même si elle n'est plus passionnée) qui restera solide jusqu'à la mort de Simone.
Plus que deux biographies en parallèle accompagnées d'une filmographie (plus théatre et chansons) l'intérêt de Signoret Montand:Deux vies dans le siècle, est de camper deux portraits forts de deux excellents acteurs à la personnalité hors du commun.
Lui: ambitieux,séducteur,méticuleux,rigoriste,travailleur, flambeur au poker qui souffre de la voir souffrir mais interprète de génie au registre multiple (Z, César et Rosalie, L'aveu..) sous la direction des plus grands réalisateurs.
Elle:admirative qui se veut discrète groupie,cultivée,sensible, féministe,généreuse, qui joue vrai dans ses rôles (de Casque d'or à Thérèse Humbert ou Police Python 357...)
Un couple complémentaire qui donne une belle leçon d'amour.
Mais trop de fusion ou de drames ne conduisent-ils pas à l'autodestruction?
L'acteur ne joue-t-il pas un jeu pour se cacher et cacher à l'entourage d'autres facettes?
Elle n'aura de cesse de devenir la vieille Juive gardienne d'enfants Madame Rosa dans La vie devant soi, un rôle qu'elle joue avec tant d'authenticité qu'il lui vaudra un César.
Il mourra d'un infarctus comme le héros de L'île aux pachydermes qu'il est en train d'interpréter.
Le parcours d'une vie n'est-il qu'un chemin initiatique qui mène au coeur de la vérité, sa propre vérité?
En tous cas cet album est fort beau et accompagné de superbes photos, pour la plupart en noir et blanc, de l'intime (comme leur mariage à La colombe d'or de Saint Paul de Vence) à des plus professionnelles cinématographiques.
A lire et à voir!

Yves Montant, ce grand maladroit sincère et fantasque; Simone Signoret, toujours prête à agir, intervenant sans relâche, jusqu'à ses derniers jours où elle retrouva la beauté de sa jeunesse. Ce qu'il a fait, ce qu'elle à fait, tous les deux ils l'ont fait pour rien, ou, plus exactement, pour ce qui n'a pas de prix. Pour ce qu'en quoi la vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue. Pour le signe donné à l'autre. Pour le geste, sans autre considération, sans calcul; par sentiment, ou bien ce qu'on est bien en droit d'écrire par amour.