Ce roman de presque 400 pages est paru en Roumanie en 2001, ce qui le rend, par certains aspects, un peu dépassé. Il s'intitule, de manière provocatrice, «
Siméon l'Ascenseurite, roman avec anges et Moldaves». S'il n'y a pas trop d'anges finalement, des Moldaves y il en a en grand nombre: des personnages eux-mêmes, puisque l'action se déroule dans un immeuble de huit étages de la rue des Moutons à Bacău, durant quelques jours de l'automne 1997.
Pour revenir au titre et à sa référence à Siméon le Stylite, notre personnage éponyme est un cordonnier qui décide de s'enfermer dans l'ascenseur bloqué au huitième étage pour une bien étrange ascèse, d'où le néologisme plein d'humour «ascenseurite». C'est le roman d'un profond changement de statut pour Siméon qui devient d'un banal occupant d'une garçonnière au rez-de-chaussée dudit immeuble, un parfait ascète, pour disparaître ensuite, en compagnie de l'enfant Thémistocle, devenu son disciple, on ne sait où…
Une impressionnante galerie de personnages, qui sont donc, les occupants de l'immeuble ou bien des personnes en lien étroit avec eux, avec en prime des mentions fréquentes de Moldaves (mais pas que) célèbres et de tous horizons professionnels. Pour ne donner qu'un seul exemple
Tristan Tzara (p. 190) né à Moinești. de généreuses notes de bas de page de la traductrice éclairent utilement ces cas de figure.
On rit beaucoup, mais on rit jaune, quand on ne pleure pas, dans ce microcosme de la société roumaine de la première décennie après la révolution de 1989. Les discussions sont enflammées et concernent des sujets aussi divers que la politique, les problèmes du quotidien, des questions culturelles qui appellent des noms comme
Kant,
Nietzsche, Kirkegaard et
Stéphane Lupasco,
Horia-Roman Patapievici ou
Mircea Cartarescu. Ce bavardage polyphonique est d'un grand comique. L'autre moteur du comique est le contraste entre le dérisoire de la situation des occupants de l'immeuble et la métamorphose spirituelle de Siméon, l'Église orthodoxe étant (faut-il le rappeler?) omniprésente dans la société roumaine.