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EAN : 9782267031355
336 pages
Christian Bourgois Editeur (14/03/2019)
5/5   3 notes
Résumé :
« La plume est plus forte que l’épée. » Nous aimerions le croire, mais est-ce bien vrai ? Quel est le poids de la parole face aux armes ? C’est la question que pose Frank Westerman. Pour tenter d’y répondre, il entraîne le lecteur dans des situations très variées, comme dans un road movie, avec du suspense et non sans une pointe d’humour.
Enfant, Frank Westerman a été témoin, dans la petite ville où il habitait, de la prise d’otages d’un train par des Moluquo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le communiqué de presse qui accompagnait ce livre reçu dans le cadre d'une opération masse critique et pour lequel je remercie chaleureusement l'éditeur mentionne dans la catégorie « genre » : « Narrative Nonfiction ». Voici donc 336 pages que j'ai littéralement dévorées, tant le sujet est intéressant. C'est un travail d'investigation de grande qualité que l'auteur a terminé, selon la dernière ligne du livre, le 30 mars 2016. Pour le synopsis je renvoie dans un premier temps à la présentation éditeur qui me semble très bien construite. Je ne connaissais rien sur les Moluquois avant cette lecture édifiante à plus d'un titre sur le combat mené par eux pour l'indépendance de la République des Moluques du Sud. Leurs actions terroristes aux Pays-Bas sont tracées symboliquement sur une carte en page 23 (5 prises d'otages en 1975, 1977 et 1978) et décrites, analysées et commentées tout le long de l'ouvrage. Pour comprendre brièvement qui sont le Moluquois je cite un assez long passage (p. 61-62) :
« Leurs pères étaient officiers dans la Koninklijk Nederlandsch-Indisch Leger, (l'armée royale des Indes néerlandaises) ou KNIL, fidèle à la Maison d'Orange. Pendant les "actions policières”, deux guerres coloniales en 1947 et 1948, fidèles à leurs maîtres hollandais, ils ont vaincu les combattants pour l'indépendance. Leur position a basculé quand, en 1949, l'Indonésie s'est libérée du joug des autorités néerlandaises. Les Moluquois, dans leurs uniformes de la KNIL, ont alors été précipités du mauvais côté de l'Histoire : chrétiens dans un pays musulman, et collaborateurs de l'ennemi chassé du pays. La plupart des officiers moluquois souhaitaient être démobilisés à Ambon, la République autoproclamée des Moluques du Sud mais, en décembre 1950, ce minuscule État, la RMS, fut, après une courte période d'existence de sept mois à peine, violemment repris par le nouveau pouvoir indonésien.
En 1951, sur ordre de l'armée, les militaires de la KNIL, n'ayant d'autre échappatoire, embarquèrent pour Rotterdam, eux et leurs familles. Une solution provisoire, selon les autorités. Sur le quai, à peine descendus de la passerelle, les militaires furent informés de leur licenciement avec effet immédiat. En l'espace d'un instant, ils se retrouvèrent dégradés, chômeurs et apatrides. Ce groupe de 12 500 âmes fut dispersé à travers le pays sans plus de cérémonie, relégué dans les baraquements, notamment les anciens camps de concentration nazis de Vught et Westerbork.»
Suit un travail complexe de recherches et de réflexion sur les implications socio-politiques de ces actions terroristes qui comporte des comparaisons, notamment avec la Tchétchénie, mais pas uniquement.
La conclusion du livre est, en peu de mots, celle de la page 315 : « "La police protège la démocratie. Dans les situations d'urgence, elle intervient en s'imposant. Là où d'autres reculent, les hommes de la police avancent. Par la violence s'il le faut.”
Tandis que je recopie ces lignes, j'ai envie de les compléter. Je me rends compte que le policier est aussi un verbalisant. Il rédige des procès-verbaux. Il ramène une situation de violence à des mots, que le juge confrontera à la loi. La langue n'est pas le tissu conjonctif d'une société libre et ouverte, elle en est la musculation.
L'épée ne peut se passer des mots. Mais l'inverse est vrai également : la plume a besoin de l'épée. Un attentat est une tentative d'aliénation collective, de prise en otage. La réponse de Mahatma Gandhi – climb to the moral high ground and cling to it (affirmer sa hauteur morale et s'y agripper) – ne suffit pas, mais celui qui ne l'applique pas tombera inévitablement.»

Je conseille vivement cette lecture.
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Les soldats de la parole, ce sont les négociateurs. C'est du moins ce que l'on peut imaginer comme point de départ de cet excellent ouvrage, à la croisée de l'essai et d journalisme d'investigation.

Frank Westerman commence par quelques souvenirs personnels. Il est enfant, les chars passent non loin de chez lui. Motif? Une prise d'otages dans un train en rase campagne hollandaise.

Nous sommes dans les années 70, et les revendications indépendantistes ou anti-capitalistes fleurissent en Europe. La bande à Baader, les RAF, l'IRA, l'ETA... Ici, ce sont les Moluquois. Ils sont jeunes, idéalistes, ils veulent un avion, de l'argent, retrouver leur pays... un pays, en fait, qu'ils n'ont jamais connu et qu'ils idéalisent. La prise d'otages sera sanglante. Exécutions ultimatums... Ce sera la première expérience hollandaise, la création du "modèle hollandais". En l'occurrence, on négocie. Et qui négocie? Un psychiatre.

Parenthèse, les revendications nationalistes des Moluquois prennent leur source dans l'exode massif obligatoire qu'ont connu les Moluquois lorsque les Hollandais ont quitté l'Indonésie. Forcés de partir, puis exclus de la société, mis au ban, reniés... les Moluquois n'ont pas pu profiter de la manne d'un des pays les plus prospères d'Europe à l'époque.

C'est là que le livre de Westerman prend une dimension exceptionnelle. D'un focus sur les négociateurs, propos avoué du livre, on dérape... le racisme, l'intolérance, le respect deviennent des sujets du livre. Westerman oppose le modèle russe (on dézingue tout et le Soviet Suprême reconnaîtra les siens) et le modèle hollandais. Puis il place le modèle hollandais dans la perspective de l'Histoire. Que fait-on aujourd'hui? On ne négocie plus. Westerman reconnaît que ses convictions ont évolué.

Car il y a plus fort encore ! Par petites touches, Westerman se livre à une confession intime. Il a été bénévole à Cuba. Il a rencontré une ex des RAF. Il a même posté une lettre d'elle à son retour de Cuba. Lettre destinée à ses anciens coreligionnaires. Anecdotique? Pas vraiment. Autre moment fort: le "jeu de rôle" dans un avion où est simulée une prise d'otages, avec intervention des forces de police.

En alternant passé et présent, intime et enquête, idéaux et réalité... Westerman dresse un portrait de ce qu'il est devenu, de ce que sont devenus ses pairs, de ce que sont devenus les idées de tolérance et de liberté. C'est puissant et terriblement actuel.

Je remercie Babelio Masse Critique (février 2019, je pense), et les Editions Belfond pour cette superbe lecture. Je conseille vivement ce livre boulversant, bien plus intense que bien des thrillers dont j'ai pu (hélas) croiser la route...
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L'essai de Frank Westerman couvre une large période d'enquête basée sur différents types d'actions armées et d'actes terroriristes, nous découvrons « la méthode hollandaise », cette volonté d'une issue sans violence ou au moins avec le minimum d’agissements brutales possibles.

La terre natale de l'auteur est très présente dans la première partie du livre avec la découverte du village d'Ossendrecht 2, utilisé comme espace d'entraînement pour la police et les futurs médiateurs.

L'auteur pour écrire ce livre a pris le chemin de l'immersion complète fréquentant les lieux qui lui permettront de mieux comprendre la naissance et l'évolution du rôle de négociateur et l'évolution du terrorisme.

En décembre 1975 au Pays Bas, a lieu une double prise d'otage par des réfugiés Moluquois au consulat général d'Indonésie qui fait un mort et la prise en otage d'un train — la première du genre — dure treize jours. le bilan sera de trois morts. La reconstruction de cette dernière action est minutieuse et permet aussi de connaître l'histoire des Moluquois.

Après le déclin de la Compagnie de Indes Orientale Hollandaise, nombre de Moluquois intégrèrent les rangs de l'armée Néerlandaise. Ce ne fut pas sans conséquence après l'indépendance de l'Indonésie dans les années 50 quand ils tentèrent de créer une république autonome violemment combattue par l'Indonésie, alors qu'ils étaient abandonnés par les Hollandais. Une importante communauté Moluquoise Chrétienne s'enfuit aux Pays-Bas où leur situation est assez comparable à celle des Harkis en France.

Quelle récit basé sur la rencontre avec Abé Sahetapy, le terroriste qui se faisait appeler Carlos dans la prise d'otage du train de 1975 et qui, après avoir purgé sa peine, devint poète et exemple de déradicalisation, sa vie mériterait un livre qui lui soit dédié.

Le voyage se poursuit avec l'analyse des attentas de Moscou en 2002 suivi nos tout récents actes accablants perpétrés à Paris en 2015 on y voit la difficulté de négocier avec des terroristes qui ont déjà décidé que mourir est plus qu'une option.

L'écrivain nous entraine dans son investigation grâce à sa solidité journalistique mais également grâce à sa plume et sa façon brillante de nous décrire son incursion dans le monde de la parole contre la violence.

Je terminerai par une citation qui se trouve dans Les annales du Disque-Monde, tome 2 le huitième sortilège de Terry Pratchett :

« Ainsi Quimby périt-il sous les coups d'un poète mécontent au cours d'une expérience menée dans l'enceinte du palais pour prouver la justesse controversée du proverbe : « La plume est plus forte que l'épée », lequel proverbe on rectifia en sa mémoire par l'ajout de la phrase : « Seulement si l'épée est très courte et la plume très pointue »».

L'usage de la contrainte et d'interventions armées est bien évidemment parfois nécessaire et inévitable néanmoins, les émissaires de la parole, les porteurs du dialogue restent une force dont nous avons besoin.

Je crois à la supériorité du verbe, du savoir et de la tolérance sur toute forme de violence, À Paris où l'imagination fut brièvement au pouvoir en 1968, comme le dit l'auteur l'espérance d'un monde de dialogue reste présente.

Livre intéressant qui permet une réflexion importante sans jamais donner de leçons, 335 pages qui se lisent avec plaisir, je le conseille vivement.


Merci à Babelio et aux éditions
Christian Bourgois pour cette découverte !
Lien : https://blog.lhorizonetlinfi..
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critiques presse (3)
LeDevoir
17 juin 2019
Frank Westerman s’intéresse à sa façon au pouvoir des mots.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Liberation
13 mai 2019
Mélangeant souvenirs, enquête, entretiens avec d’anciens terroristes et des spécialistes de la négociation pendant la prise d’otages, Frank Westerman tente de comprendre comment s’articulent langage et terreur.
Lire la critique sur le site : Liberation
Liberation
13 mai 2019
Soldats de la parole est un récit fragile, incertain. Il avance de biais, à petits coups, comme on rabote sous tous les angles un bout de bois.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
J'ai longtemps pensé que les photos étaient comme des piquets de tente qui fixent les souvenirs dans notre mémoire, mais c'est faux. Les photos remplacent les souvenirs. Inconsciemment, nous les intégrons à nos souvenirs et il ne nous reste en réalité que de vagues réminiscences de la réalité telle que nous l'avons vécue. Le diaporama qui se déroule dans ma tête est sans aucun doute composé en partie d'images venues plus tard le compléter.
(p. 35)
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Une prise d'otages est toujours suivie d'une deuxième : un enserrement par un cordon de police. Les preneurs d'otages braquent leurs armes sur les captifs, mais sont eux-mêmes dans la ligne de mire des policiers, devenant otages à leur tour.
(p. 43)
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Le reportage ne contribue pas à rendre le monde meilleur, je ne me fais pas d'illusion là-dessus, mais renoncer à informer ne pourrait que l'empirer, de cela je suis certain. Un correspondant a pour mission de noter ce qu'il voit et de décrire les événements dont il est le témoin direct. Les faits qu'il révèle son précieux–ils fournissent le combustible indispensable au dialogue et au débat, à l'empathie et à la compréhension.
(p. 18)
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« Négocier [avec un preneur d’otage], c'est avancer collectivement sur la corde raide au-dessus des chutes du Niagara. », répond Havinga quand je lui demande quelle est sa définition à lui. « La corde est glissante et le vent souffle. Tu avances, pas à pas, avec maintes précautions. Tu prends d'énormes risques. Parfois, tout le monde atteint l'autre rive, d'autres fois pas. »
(p. 52)
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Les statistiques sont impressionnantes. Le nombre de détournements d'avion, dans les années hippies, bat tous les records. […] Au début des années 1970, les détournements d'avion se succèdent au rythme d'un à deux par mois, soit quinze à vingt par an.
(p. 80)
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