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EAN : 9782757848036
240 pages
Points (16/10/2014)
3.4/5   97 notes
Résumé :

Ce récit personnel et biographique, nul mieux qu’Irène Frain ne peut prétendre le présenter : "Un jour, un journaliste m’interpelle : Vous qui êtes sortie de rien…". Quel rien ? La misère qui fut celle de mon père ? Je retourne en Bretagne.

Le fil du passé n’est pas encore rompu, les gens se souviennent, un monde stupéfiant ressuscite, un lignage archaïque dont j’ignorais l’existence, rudesse et merveilles, austérité et truculence, cocasserie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
3,4

sur 97 notes
Certains intellectuels parisiens croiraient encore à l'équation "Bretonne arrivée à la capitale = Bécassine" ? Allons, allons... Parce qu'elle s'est sentie humiliée publiquement lorsqu'un journaliste l'a présentée comme 'sortie de rien', Irène Frain est partie à la recherche de ses origines paternelles. de cette quête est né ce témoignage sur le parcours de son père breton.

Cet ouvrage m'a beaucoup appris. Qu'il est bon de renoncer à ses a priori, notamment. J'avais relégué Irène Frain dans mes indésirables - une auteur de romans démagos et faciles, une femme exubérante et prétentieuse. A tort. Sa plume est élégante et simple et bien que le récit soit autobiographique, l'auteur n'englue pas le lecteur dans les méandres de l'introspection. On y découvre la vie d'un homme d'origine modeste né dans les années 1910, on apprend sur la culture et la société bretonnes (les Rouges et les Blancs, et moins connus, les Noirs - les descendants de protestants). J'ai retrouvé des points communs avec mes aïeuls de cette génération, notamment sur les années de guerre : les hommes prisonniers en Allemagne, les femmes seules avec des enfants en bas âge, les retrouvailles difficiles pour ces couples. --> « Les premiers moments d'euphorie passés, ma mère n'eut qu'un commentaire à son propos : 'Il est devenu dur'. A plusieurs reprises, dans ses courriers de la fin 1944, il l'avait prévenue : 'Tu risques de ne pas me reconnaître. Toi aussi, tu auras changé. Je ne parle pas de nos corps, mais de nos esprits. Ils ne seront plus jamais les mêmes. Il faudra nous adapter, nous comprendre.' »

A lire pour en savoir plus sur la Bretagne, sur les conditions de vie dans les milieux modestes dans les premières décennies du XXe siècle. Et parce que cet ouvrage est une belle déclaration d'amour d'une femme à son père.
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Une soirée avec remise de prix pour récompenser un chemin de vie particulier, exceptionnel. L'animateur, dont l'attitude et le discours lui ont instinctivement déplu, perd toute crédibilité aux yeux d'Irène Frain au moment où il déclare « Oui, vraiment, je tiens à le répéter, vous qui êtes venue de nulle part et sortie de rien… »
Elle ressort irritée, mortifiée, sa fureur contenue par son impuissance à réagir face à ces paroles choquantes.
Ce « Rien », quel est-il ? Est-ce finalement une vérité ? Cette maladresse de l'animateur lui revient quelque temps après pour finalement, des années plus tard, chercher « l'histoire qui avait déterminé la mienne : celle de mon père. »

Les lieux ont forcément gardé des traces de son père, Jean le Pohon, au pays de Cléguérec dans le Morbihan. C'est donc là qu'elle est allée voir l'exploitation où, à l'âge de onze ans, il a été placé comme beutjul, gardien des vaches. Elle y rencontre « deux trésors vivants de la mémoire du pays » et le passé de ce petit bout de terre bretonne se réveille. Une rivière y coule paisiblement aujourd'hui mais à l'époque elle marquait une frontière entre les terres riches et le pays de la forêt et des pierres. Baignée dans l'intolérance religieuse, la Bretagne scindait son peuple en Blancs, le côté des curés, ou en Rouges du côté laïc, mais ici, du côté de la forêt, il y avait aussi les Noirs, des protestants dont ses aïeux.
Riche de cette information, l'autrice se replonge dans tous les écrits laissés par son père. D'une petite valise de carton noir, elle exhume des carnets remplis à différentes époques, des lettres postées à sa femme pendant la guerre, quelques photos, des agendas annotés. En mémoire, quelques échanges avec son père lui reviennent, des paroles de sa mère, et le « Rien » se définit, se comble.
Au fur et à mesure de sa quête, ce zoom sur le parcours de son père dévoile un pan historique de la Bretagne rurale de l'entre-deux-guerres. Alors que tout le monde se parle en breton, cette langue ne doit pas franchir les portes de l'école, c'est « la langue des arriérés ». Jean s'y pliera mais, brillant élève, ne pourra aller au-delà du certificat d'étude. Il doit rapporter les quelques sous nécessaires à la survie de la mère. À la ferme, il loge dans le grenier, au-dessus de la soue aux cochons dont on imagine l'odeur. Il grandit, déterminé et droit, des traits de caractère qui en feront un homme taciturne, sévère mais toujours respectueux des règles. Pour échapper à la misère, ses soeurs font face à la colère maternelle et prennent le large, direction Paris où de nombreux bretons et bretonnes tentent leur chance.

Les pas d'Irène Frain ont effleuré avec une grande délicatesse ces traces laissées par son père. Discrète et attentionnée, elle rend un bel hommage à la détermination et la force de cet homme, à son « énergie du pays de la forêt et des pierres » dont elle a héritée. Non, elle n'est pas fille de Rien !
Il est grand temps d'arrêter de considérer que celui qui n'est pas né à Paris mais dans une famille modeste de la province bretonne, que l'on appelle prudemment aujourd'hui un « territoire », n'est pas forcément sorti de rien.
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Suite à une phrase d'un journaliste « Vous qui n'êtes sortie de rien », le sang d'Irène Frain ne fait qu'un tour.
Colère, humiliation, indignation…..
Et elle se lance dans la réhabilitation de ce « rien » outrageant en racontant l'histoire de son père, « dernier de dix », fils de paysan breton, prisonnier de guerre, maçon consciencieux……
Un magnifique hommage !
Se rendant à Lorient et dans les lieux où il vécut, elle trouve des témoins de l'existence de sa famille, se plonge dans les lettres et les cahiers de son père.
Pari réussi, ce n'était vraiment pas « rien » son père.
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Prise à parti par un journaliste qui l'a présentée comme "sortie de rien" lors d'une remise de prix, Irène Frain, célèbre auteure du "Nabab", "Secrets de Famille", piquée au vif, a décidé de partir à la recherche de ses origines. Une quête qui va l'amener à traverser la Bretagne et évoquer longuement la vie de son père, Jean le Pohon, le dixième et dernier enfant d'une famille modeste. La mère se retrouvant sans soutien, le jeune Jean a dû travailler très jeune et s'est retrouvé gardien de vaches (beutjul dans la famille Le Bourhis), avant de changer de métier et devenir maçon.
Au moment de revenir en ville, sur Lorient, il devra réapprendre le français, l'ayant oublié au profit du breton pendant plusieurs années.
Un grand hommage rendu à ce père volontaire, courageux, qui noircissait de notes ses carnets pendant sa captivité en Allemagne. Il apprend l'allemand pendant cette période, n'hésitant pas à choquer ses camarades prisonniers, voyant surtout ainsi la facilité de la communication avec ses geôliers.
Au travers de ce portrait haut en couleurs d'un père marqué par une enfance difficile, c'est aussi le portrait de la Bretagne de la première moitié du 20ème siècle, une Bretagne divisée entre les Rouges (les socialistes), les Blancs (les religieux) et les Noirs (ceux vivant dans les zones de forêt (les errants, les bardes, ceux qui cherchent à s'instruire). Un tableau étonnant d'une Bretagne moins connue, celle des esprits, des rochers du diable, de la poésie.
Un beau roman qui est aussi un vibrant hommage familial.
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"Vous qui venez de nulle part, qui êtes sortie de rien..."

Voici les mots prononcés, avec une certaine condescendance, par un journaliste célèbre lors d'une remise de trophée, à l'écrivaine Irène Frain. Il souhaitait par là souligner son mérite et la féliciter pour son parcours hors norme. Quelle maladresse ! Quelle humiliation !

Comment peut-on sortir de rien ?
Hérissée, piquée au vif Irène Frain a souhaité dans ce livre très personnel revenir sur ses origines et sur celles de sa famille paternelle. Tout de suite après l'altercation, elle a décidé de retourner en Bretagne, dans le Morbihan, sur la terre de ses ancêtres pour investiguer et découvrir le passé de ses grands-parents et de son père, "ce rien dont elle est la fille".

Rencontres avec des "anciens" qui se souviennent, histoires, souvenirs, légendes, témoignages ... tout un monde rude, austère mais profondément humain s'est offert à elle.

Des traces matérielles laissées par son père subsistent encore : des livres, carnets, récits, lettres écrites alors qu'il était en captivité en Allemagne, également des énigmes familiales et des secrets dévoilés tels des pièces d'un puzzle à reconstituer.

Même si l'on en apprend beaucoup sur les conditions de vie dures et précaires des habitants de Bretagne au début du XIXème siècle, sur les traditions et les clivages sociaux, j'ai trouvé que le début de l'enquête piétinait un peu et comportait quelques longueurs. Mais dès que l'autrice a commencé à raconter l'enfance puis la jeunesse de son père, j'ai été littéralement happée par son récit. Jean était le dixième et dernier enfant de la famille, "le dixième de dix". Un garçon sérieux, intelligent, discipliné, à fort potentiel. Un destin brillant semblait lui être promis, hélas l'extrême pauvreté de ses parents en décida autrement. Sa vie fut courageuse, jalonnée d'embûches mais jamais il ne baissa les bras. Compétent, rigoureux, avide d'instruction il se mobilisa toujours pour résister et optimiser.

J'ai beaucoup aimé le portrait qu'Irène Frain dresse de son père dans un style fluide et sec. Pas de grands sentiments, mais un récit factuel et un bel hommage d'une fille à son père.

#Challente illimité des Départements français en lectures (56 - Morbihan)





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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Dès ma prime enfance, j'ai su que la Bretagne était divisée en deux couleurs ennemies. Non le "gwen ha du" - blanc et noir - du drapeau breton, mais deux couleurs aussi essentielles qu'irréconciliables : les Rouges et les Blancs.
J'ai sucé ça avec le lait : interdit de fricoter avec les enfants de Blancs, le "parti des curés". Même chose pour les enfants de Blancs, pas le droit de frayer avec les filles et les fils de Rouges, ceux qui allait à "l'école du diable", l'école laïque ; ceux aussi dont les parents, aux jours d'élection, votaient "ouvrier" - personne ne disait "à gauche", dans nos milieux.
Cette farouche guerre des couleurs n'empêchait pas que les enfants de Rouges soient baptisés aussi bien que les Blancs. Ni qu'ils suivent le catéchisme et qu'à grands coups de passages à confesse ils soient admis à faire leur communion et leur confirmation : "On ne veut pas qu'ils soient embêtés plus tard quand ils se marieront", se justifiait mon père, comme la plupart des chefs de famille rouges. Ma mère enchaînait immédiatement avec l'argument massue, celui que seules les femmes étaient autorisées à proférer puisque, rouges ou blanches, elles avaient hérité avec leur sexe d'une connexion secrète avec les forces de l'au-delà : "Et puis comme ça, quand on est mort, on a le droit de passer à l'église."
Car, Rouges ou Blancs, la grande affaire de la vie, c'était la mort. Ou plutôt "l'Autre Côté", ce qu'il y avait après, le Paradis ou l'Enfer.
(p. 47-48)
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- années 1920 -
Depuis qu'il va à l'école, il est régulièrement assailli par l'angoisse du rejet. Ça a commencé dès la petite classe ici même, dans le périmètre sacro-saint de l'école : un matin, au beau milieu d'une phrase en français, il a lâché, sans même s'en rendre compte, trois ou quatre mots de breton. Le maître a fondu sur lui puis l'a affublé d'un sautoir auquel pendait une queue de vache.
« A toi le symbole ! »
Pas besoin de se creuser la tête pour comprendre de quelle infamie le symbole est la marque : la vie à ras de la terre et des pierres qui fut celle de ses aïeux. Puis le maître lui apprend qu'il ne pourra s'en défaire qu'en dénonçant un camarade qui, comme lui, aura laissé échapper un mot de la « langue des arriérés ».
(p. 95)
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Ça n'a jamais été la passion, avec Simone [ma mère]. Malgré tout, il l'a aimée, je crois. A sa façon, tout en écart. Cinq minutes de confidences, des heures de silence. Elle n'entendit que le silence. (p. 160)
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"Vous qui venez de nulle part, qui êtes sortie de rien..."
J'ai su tout de suite qu'il fallait que je me taise. Ne rien dire, ne pas protester. L'animateur a donc continué de dérouler son discours. J'ai eu l'impression qu'il l'avait appris par cœur.
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parlant de son père :
Grâceà la maladie car il est des grâces dans la maladie,
il avait définitivement vaincu son écart.
L'espace de quelques secondes, nousavons partagé , lui et moi,
uneconfiance proche de l'enfance, absolue, rayonnante.
De celles qui font avancer, quoi qu'il arrive.
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Vidéo de Irène Frain
Entretien sur les origines et l'étymologie du mot ÉCRIRE entre Irène Frain, écrivaine, et Caroline Fourgeaud-Laville, hélléniste.
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