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EAN : 9782809712476
224 pages
Editions Philippe Picquier (06/04/2017)
3.93/5   27 notes
Résumé :
Li Juan a pris ce qu'elle appelle le « chemin sauvage » une vie et une écriture aussi loin que possible du système, sur les hauts plateaux de l'Altaï. Là où le ciel est d'un bleu étincelant, la lumière éblouissante sur les étendues immenses de la steppe. Elle y a ouvert avec sa mère et sa grand-mère un petit atelier de couture qui fait aussi épicerie, et suit les éleveurs kazakhs dans leurs transhumances. Tout a une histoire pour Li Juan, tout a une vie digne qu'on ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Éteignez télévisions, ordinateurs et téléphones portables, coupez la radio, éloignez les journaux, vous avez avec ce petit livre « Sous le ciel de l'Altaï » une manière poétique et simple de vous dépayser totalement et de perdre vos repères aux confins de la Chine.
Déconnexion salvatrice et précieuse, de temps à autre, en ces temps anxiogènes. Rien qu'un regard sur la couverture choisie par les éditions Picquier, et aussitôt le mauve des montagnes vous enlace de sa quiétude. Regardez, ouvrez, respirez. Ce livre vous promet une belle récompense : le dernier chapitre qui est d'une beauté à couper le souffle…

Li Juan a acheté avec sa mère et sa grand-mère un petit atelier de couture qui fait aussi épicerie sur les hauts plateaux de l'Altaï, « là où le ciel est d'un bleu étincelant, la lumière éblouissante sur les étendues immenses de la steppe ». Loin de tout. Pour y accéder il faut d'abord traverser une grande partie du désert de Gobi puis une grande chaine de montagne. Un mode de vie sauvage et nomade puisque toutes trois suivent les éleveurs kazakhs dans leur transhumance. Ce sont ces récits, écrits entre 1998 et 2003 dans cet atelier semi-ambulant, ses témoignages de cette vie rude et solitaire qui nous parviennent, empreints de poésie, de fraicheur et d'humilité.
Ce processus créatif qu'est l'écriture permet à l'auteure d'atteindre une plus grande harmonie, une vie plus sereine et plus lucide et de conserver les beaux sentiments de ce passé à la fois difficile et beau que les femmes de la famille ont choisi, en toute conscience, pour s'éloigner du système.

« Dans ces montagnes, la vie se déroule sous un voile indécis, comme si le temps ne se mesurait qu'à l'aune des fêtes ou des aléas du climat, sans que jamais se fasse sentir le cycle des jours. Cependant, même si on ignore quel jour on est, il passera tout de même ce jour, il passera comme une ombre ».

La vie de Li Juan est une vie de travail, souvent même de dur labeur (le métier de couturière nous est décrit avec détails et, dans cette vie dénuée de tout, n'est alors pas une activité facile, quant à celui d'épicière, il les met en contact avec beaucoup d'hommes complètement ivres) mais aussi de bonheurs simples basés sur le moment présent, même si les conditions de vie sont rudimentaires, précaires, et que espace de travail et espace de vie personnelle se confondent.
Cette lecture nous permet de relativiser en ces temps troubles, nous invite à plonger dans un monde d'un autre temps, le monde d'avant, sans technologie, sans surconsommation, sans compétition…et la poésie qui imprègne la description des paysages nous abreuve de douceur, de caresses particulièrement bienvenues.

« La rivière traverse ce bois lumineux comme une plongée dans la nuit. Sous l'épais couvert des arbres, les eaux sont obscurcies par la pénombre, mais les ombres mouvantes laissent passer des éclats de lumière. Quand la rivière traverse le bois, elle semble plus limpide que lorsqu'elle coule en plein soleil. Les rochers qui affleurent au milieu du courant, lavés par les eaux, ne portent ni poussière, ni lichen ».

Li Juan nous conte ce qui fait son quotidien depuis les rigueurs hivernales, le fonctionnement surprenant et erratique d'organisations telles que la banque ou la poste, le comportement en société des hommes et des femmes, celui des enfants, les succès et les déconvenues du commerce familiale, sa brève histoire d'amour avec un transporteur, Les difficultés de s'occuper d'une grand-mère vieillissante, les réactions imprévisibles d'une mère un peu sauvage.
Mais aussi, sur un plan plus ethnographique, les moeurs, les us et coutumes des musulmans kazakhes qui sont une inépuisable source d'étonnement pour elle qui est han, ainsi que le bonheur procuré aux habitants lorsqu'un nouveau vêtement est coud et donc le sens de ce métier dans une région où il est rare de s'acheter un nouveau vêtement. Un tableau accepté, ni rejeté, ni idéalisé, décrit seulement, avec ses différences nuances de gris et ses aplats de couleurs.

Les chapitres s'enchainent comme de petites nouvelles à déguster, de petites aventures dont certaines ne manquent pas d'humour ou de tendresse. La toute dernière, comme évoqué en préambule, est une véritable pépite de Nature Writing au temps suspendu, une errance dans ces paysages où « l'être humain approche en un clin d'oeil l'éternité et la mort ». Nous est dévoilé un monde merveilleux, vaste, proche, authentique avec lequel et dans lequel on se sent être en connivence.

« Ce que je cherche à exprimer, c'est que ce monde dépasse tout ce qu'on peut imaginer de bienveillant, de juste et de beau. Ici est ma vie (…) le monde est à portée de ma main. Dès que je me couche, le sommeil vient. J'ai de quoi me nourrir et me vêtir. Je ne vois pas ce qui pourrait me manquer. Si, je n'ai pas d'amour. Mais est-ce bien vrai ? Quand je vois celui qui vient vers moi, quel est cet élan qui jaillit soudain dans mon coeur ? ».

En ouvrant ce livre, vous allez plonger dans la littérature chinoise certes, mais surtout dans la singularité d'une littérature kazakh aux accents très poétiques, une littérature de l'Altaï, des steppes et des yourtes, un récit qui permet de s'évader, de couper avec les technologies et avec le cycle du temps. Une littérature salvatrice.

« C'est un mode de vie très ancien qui a traversé les siècles avec aisance, qui est en accord avec l'environnement, en étroite relation avec lui, si bien qu'il est devenu aussi naturel que la nature elle-même. Les enfants qui grandissent dans ce milieu, j'observe leur résistance, leur innocence, leur douceur, leur calme ; ils sont faciles à contenter, il leur en faut peu pour être heureux : et ça aussi, c'est en accord avec la nature ».

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Je me retrouve au fin fond ou aux confins de la Chine, dans une région plus près du Kazakhstan que de la véritable Chine, un territoire où mon regard se pose vers un horizon sans bornes, sans limites, découvrant ainsi sur des kilomètres la poussière se lever sous le vent assourdissant. Là-bas, j'aperçois au loin, une fumée qui s'élève vers le sommet des cieux, comme un point de repère, j'imagine ce premier feu matinal, la marmite qui chauffe, un premier bol de riz pour les bergers, les promeneurs, les routiers de ces grands espaces.

Les premières neiges tombent d'ailleurs sur cette poussière des steppes, le vent se fait plus froid, les vêtements plus chauds, un nouveau feu s'allume au milieu de la yourte. Là, une jeune couturière travaille avec sa mère et sa grand-mère, au gré du vent et des migrations humaines. le temps d'un voyage en terre inconnue, où justement le temps n'existe plus - tout comme l'espace, je pénètre l'intimité de ces femmes, leur mode de vie et celle aussi de ce coin retiré du monde, un monde presque encore ancestral où la préoccupation première serait de balayer devant sa tente la poussière de la vie et de regarder, observer les profondeurs de la nature, ses couleurs, ses parfums, ses nuages – de pluie, de vent, de poussière -, ses silences.

Un regard émerveillé sur cette vie m'habite tout au long de ce roman, à l'inspiration quasi autobiographique. Il vaut autant pour l'histoire que pour son intérêt ethnographique – harmonia mundi – cela faisait longtemps que je n'ai pas trouvé un tel plaisir, un tel enchantement vers la littérature « chinoise » - qui ici se retrouve presque être une littérature kazakhe, une littérature des steppes, une littérature de la poussière. Partager cette vie nomade et découvrir ce monde avec un autre regard presque vierge de toute technologie, celui d'un autre temps.

Et surtout quel fabuleux dernier chapitre, l'un des plus beaux, des plus sauvages, des plus émerveillant que j'ai pu lire ces derniers temps. Sublime et magnifique, un silence à couper le souffle, une poussière qui prend vie, des herbes folles et sauvages dans l'infini des pâturages et des rochers montagneux. le soleil assèche la terre, j'ai soif, j'entre dans la yourte, elle me sert une bière, bien fraîche, salvatrice. Un petit bonheur dans la poussière des steppes.
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Une oeuvre très poétique, qui nous narre le quotidien d'une jeune fille dans le Xinjiang. Par son écriture sublime, Li réussi à nous rendre cette terre aride, désertique, un endroit où l'on aimerait se trouver l'espace d'un instant, pour refaire la paix avec soi-même. Un livre qu'il faut lire comme nous regarderions une photographie... c'est à dire un instantané figé dans le temps, un moment de vie capturé à jamais. Une vie racontée, avec mère, grand-mère et petite soeur... Où le temps passe, où tous deviennent vieux trop rapidement. Un endroit coupé du monde, mais où la vie persiste... C'est beau, c'est simple, mais pas toujours. Une lecture transcendante, qui nous amène complétement ailleurs... Une très belle lecture.
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Vivre dans une yourte. Suivre les éleveurs dans leur transhumance, à la frontière de la Chine et du Kazakhstan. Juan Li, sa mère et sa grand-mère ont mené cette existence nomade pendant des années. Couturières et épicières ambulantes, ces commerçantes n'ont pas hésité à se frotter à un environnement hostile très éloigné du leur. Les contraintes climatiques, le mode de vie des autochtones, les journées à l'inéluctable monotonie, les gigantesques steppes herbeuses entourées de montagnes à arpenter, autant d'éléments auxquels il a fallu s'adapter pour trouver sa place dans une communauté en perpétuel mouvement.

Juan Li relate son quotidien : les rigueurs de l'hiver, les rencontres, les animaux, les infrastructures quasi inexistantes (banque ou poste), les ravages de l'alcool, la typologie bien plus diversifiée qu'il n'y paraît de sa clientèle. Elle raconte aussi sa brève histoire d'amour avec un camionneur, la difficulté à s'occuper d'une grand-mère vieillissante et le comportement imprévisible de sa mère. Au final, elle dresse un tableau ni cauchemardesque ni idyllique, malgré l'isolement, l'ennui et les obstacles pour faire prospérer le commerce familial, malgré les longues balades dans une nature sauvage à la beauté éblouissante et les petits moments de bonheur quotidiens.

Recueil de courts textes louant le silence, la lenteur et l'immensité d'un univers où l'homme se sent minuscule, Sous le ciel de l'Altaï est une autobiographie pleine de sensibilité qui souligne la rudesse d'une existence loin de la folie et des vicissitudes du monde moderne. Dépaysant, instructif et très touchant.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Jolie évocation de la vie d'une jeune fille et sa mère en China, au fin fond de l'Altaï. Dans cette région désertique qui semble abandonnée des dieux,
les troupeaux et leurs bergers passent et prodiguent un peu de compagnie pour quelques heures ou quelques jours,
les enfants grandissent avant l'heure sous les responsabilités...mais restent débordant d'imagination et d'innocence en demandant "est-ce qu'elle revient, l'eau des rivières?", l
es amitiés ne durent guère...emportées par le vent, ou plutôt les transhumances au fil des saisons,
les anciens sont respectés et choyés même s'ils vous rendent la vie impossible.

Des chapitres comme autant de nouvelles. Une jeune fille raconte son quotidien auprès de sa mère, de sa grand-mère. Couturière et gérante d'épicerie.
Un vent de fraîcheur mais aussi de nostalgie souffle sur les pages de court roman.
De jolies évocations
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Certes, la pièce était exiguë, mais il suffisait d’y allumer le poêle pour qu’une douce chaleur se diffuse. A la fin du printemps, il n’était pas rare que dehors le vent souffle en furie, ciel et terre s’obscurcissaient alors, et dans cette purée de pois, on devinait à peine la silhouette des arbres qui ployaient follement. Graviers et grêlons soulevés par le vent s’abattaient sur les carreaux avec un claquement sec qui n’en finissait pas… Mais chez nous, il faisait si bon et l’atmosphère était si paisible que chacun éprouvait du bonheur : de la marmite où mijotait la viande de mouton séchée s’échappait un fumet qui déposait sur les murs comme une pellicule croustillante qui finirait par s’effriter. Le fumet de mouton couvrait le parfum des petits pains qui rôtissaient sur le poêle. Sans discerner leur odeur, on voyait l’éclat de leur jaune d’or, leur léger rougeoiement qui flattait l’œil. Dans le magnétophone tournait une cassette dont nous avions mille fois entendu les chansons. Les paroles avaient perdu leur sens d’origine, seul demeurait un sentiment de douceur.
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Beaucoup des tissus qu’on nous apporte sont anciens, avec des motifs et une texture d’un autre temps ; ils sont imprégnés de l’odeur de la femme qui nous les présente. Cette femme a des manières désuètes, son port naturel évoque des couleurs douces et fanées ; elle est paisible, posée et néanmoins profonde, si profonde… Nous prenons ses mesures – épaules, poitrine et hanches – et au contact de la chaleur de son corps, de sa poitrine qui se soulève, nous sommes comme plongées dans un sentiment d’immuable éternité.
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Dehors, l’herbe croît avec plus d’exubérance. Quand on l’observe longuement, on a l’impression qu’elle bouge, non sous l’effet du vent, mais parce qu’elle pousse. Elle bouge comme si elle se débattait, les feuilles veulent échapper aux autres feuilles, les fleurs veulent s’écarter des autres fleurs, les tiges veulent s’éloigner des autres tiges : c’est une volonté de libération, une tension, un élan vers un point inaccessible, et le bleu du ciel aussi s’efforce de s’extraire de ce bleu pour devenir encore plus intense, plus bleu, plus bleu… La forêt aussi, dont la luxuriance s’épanouit, rassemblant ses forces, est sur le point d’explorer à tout moment. Le torrent aussi, dont le cours est si rapide qu’il semble vouloir sortir de son lit ; et les rochers immobiles au milieu des flots, frappés par une vague après l’autre, impavides, et pourtant, j’observe que dans cette impassibilité, au milieu de ce calme même, ils s’enflent, se dilatent dans une expansion sans limite. Tel et le monde que j’ai sous les yeux ! Et seule en ce monde, je me sens impuissante, comme muette, comme morte, je ne peux rien faire, rien… Je reste un moment sous l’ardeur du soleil éblouissant, le visage brûlant, mais c’est tout ce que je peux faire…
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La rivière traverse ce bois lumineux comme une plongée dans la nuit. Sous l’épais couvert de arbres, les eaux sont obscurcies par la pénombre, mais les ombres mouvantes laissent passer des éclats de lumière. Quand la rivière traverse le bois, elle semble plus limpide que lorsqu’elle coule en plein soleil. Les rochers qui affleurent au milieu du courant, lavés par les eaux, ne portent ni poussière ni lichen.
Quand la rivière sort de ce bois de saules, je m’arrête au-delà des arbres, à quelques mètres de là ; d’en face, je la regarde qui coule en silence ; elle se rue vers une vaste clairière, passe devant moi, agitée de tourbillons, et sans un mot, elle s’éloigne. Depuis la lisière, je regarde la rivière sortir du bois, et elle me semble surgir d’une longue, longue histoire…
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Quand le ciel crépusculaire passe du bleu ardoise au bleu cobalt, la lune dévoile enfin son charme authentique : de blanc argenté elle vire au doré. La nuit tombe, les premières étoiles apparaissent ; l’atmosphère qui, une heure plus tôt, nous inclinait à toutes sortes de rêveries, s’est dissipée. Cette longue nuit est redevenue aussi paisible qu’à l’ordinaire.
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