« Notes de l'auteur : Alors que je dînais à Bozeman – un bled perdu dans le Montana - j'ai pour la première fois entendu parler de la vie extraordinaire d'un jeune italien de dix-sept ans, héros inconnu de la Seconde guerre mondiale. Ma première réaction fut de ne pas croire un mot de l'histoire de Pino Lella. Ses aventures au cours des vingt-trois derniers mois du conflit semblaient trop incroyables pour être véridiques ».
Pino Lella, c'est Giuseppino Lella, dix-sept ans, longue silhouette dégingandée d'un mètre quatre-vingt-cinq pour soixante-quinze kilos, très beau garçon, plus préoccupé par les filles et la musique que par les évènements qui l'entourent. Et puis un jour, il y a « le coup de foudre » celui qui modifie votre vision de la vie, qui vous obsède jour et nuit ! Elle est très belle Anna, elle est veuve et a quelques années de plus que lui. Oui mais l'Histoire se rappelle à Pino : l'appartement de ses parents est bombardé. Pour le préserver des dangers de la guerre qui se font de plus en plus prégnants, ses parents l'envoient dans le pensionnat du Père Re, à Motta, « La Casa Alpina » bien connu de la famille, près du col de Splügen reliant les Alpes du Nord à la Suisse. Il y retrouve son frère de quinze ans, Mimmo.
Pino, c'est un passionné de montagne, il la connait par coeur la montagne depuis le temps qu'il vient y séjourner, il est un skieur émérite ! Et il a le physique « ad hoc » ! le Père Re le sait et il échafaude des projets pour Pino.
Ce garçon n'a que dix-sept ans mais c'est à cet instant que son destin bascule et qu'il rentre dans une filière catholique clandestine qui évacue des juifs italiens en les faisant passer en Suisse. Cette expérience transforme l'adolescent en un résistant convaincu. Par la suite, les circonstances vont l'amener à devenir le chauffeur attitré du Général Leyers, bras droit d'Hitler et certainement l'un des hommes les plus puissants d'Italie du Nord qu'il va espionner pour le compte de la Résistance italienne.
C'est difficile d'écrire un commentaire sur ce livre exceptionnel qui m'a beaucoup émue ! C'est le témoignage d'un homme qui aura vécu une destinée hors du commun. Exceptionnel par son contenu : Pino a vécu soixante ans sans jamais témoigner ! Il a refoulé son histoire au plus profond de son inconscient. Des souvenirs trop compliqués à gérer. Exprimer l'un d'entre eux, c'est en même temps réveiller des sentiments, des blessures entremêlés d'héroïsme, d'amour, de joie, de souffrance, de violence, de trahison. Il fallait bien tourner la page coûte que coûte. Jusqu'au jour où, en Italie, dans les années 1990, il se sentit prêt à ouvrir son coeur à un américain, rencontré inopinément, partageant le même amour de la montagne.
Quant à l'écriture, elle est addictive, fluide, très facile à lire. Elle nous immerge dans l'ambiance milanaise des années 43 et 44 jusqu'à l'épuration sauvage ! Pour les passionnés d'Histoire, ce récit est à la fois un témoignage important, atypique, et en même temps une fiction pour les besoins du livre. On vit avec Pino au plus près des évènements. Lorsque celui-ci, de nuit, en pleine montagne, guide des personnes à travers des sentiers insensés, les descriptions sont d'une telle précision, que c'est le lecteur qui ressent le poids de la responsabilité de Pino : sauver des vies humaines malgré les patrouilles, malgré la montagne ! Et les rencontres Leyers – le Duce sont de même factures, nous y participons !
Mark Sullivan a fait un énorme travail d'enquête sur dix ans. Il a rencontré plusieurs fois Pino, a fait plusieurs séjours en Italie pour parfaire son ouvrage. En fin du livre, l'épilogue nous éclaire sur le devenir de tous les protagonistes : il n'y a que le rôle du Général Leyers qui reste ambigüe. Une adaptation de ce roman est prévue au cinéma ; ce qui n'a rien de surprenant tant l'histoire s'y prête. Il faut espérer que les faits seront respectés.
J'ai une pensée émue pour Alberto Ascari qui apprend à conduire à Pino. Ce grand pilote remporta le Grand Prix mondial de 1952 et 1953 au volant d'une Ferrari et j'entends mon père en parler avec admiration !
Quant à moi, je ne pourrai plus me promener dans Milan et encore moins visiter la Scala, la région de Bolzano où la région des lacs sans penser à ce que ce livre m'a appris, sans me remémorer les scènes qui s'y sont déroulées.
« Etait-ce l'alcool, ou parce que cette histoire m'obsédait depuis trop longtemps, toujours est-il que Pino m'apparaissait alors comme une porte ouverte sur un monde ancien où les fantômes de la guerre et du courage, les démons de la haine et de l'inhumanité, les arias de la foi et de l'amour existaient toujours dans cette âme bonne et honnête qui avait survécu pour raconter ce récit. J'ai eu des frissons en pensant au privilège et à l'honneur qui m'étaient accordés d'avoir pu entendre ses confessions.
Son regard s'est perdu au-delà du lac, vers ses Alpes bien aimées qui se dressaient comme des cathédrales improbables dans le ciel d'été. Il a repris du chianti. Ses yeux se sont voilés et le silence est retombé. le vieil homme était loin, très loin ».
Arrivederci Giuseppino ! La Pace sia con te !