Depuis une dizaine d'années la philosophie est descendue de sa tour d'ivoire et a enfin trouvé son public.
Plus précisément certains auteurs bousculant les professeurs de philosophie académiques, qui depuis ont aussi investi la filière, ont fait oeuvre de créativité et de pédagogie et la « foule sentimentale attirée par les étoiles les voiles que de choses pas commerciales » s'est oxygénée à un air plus pur.
La philosophie ce n'est pas la bibliothèque du « Nom de la Rose » réservée à une petite élite capable de lire en vo les « systèmes » d'auteurs canoniques.
A l'image de Socrate la philosophie a pour vocation première de questionner, d'essayer de percevoir, d'appréhender en deçà, au-delà des apparences.
Dans cet esprit, on ne compte plus les essais récents invitant à relire, sous un angle philosophique, le quotidien, les produits de grande consommation. Certes, des auteurs comme
Roland Barthes,
Henri Lefebvre,
Jean Baudrillard avaient déjà investi cette problématique mais leur propos n'étaient pas une relecture sous le prisme des interrogations fondamentales de la philosophie mais de se servir du quotidien pour proposer leur(s) théorie(s) ou de promouvoir une éco
le (marxisme…).
Le livre de Gilles Vervich « Star wars la philo contre-attaque » offre conjointement une ambition plus modeste (pas de pierre philosophale pour déchiffrer le côté obscur de la société et le pouvoir) mais plus dynamique, plus ouverte en multi dimensions, interpellant le lecteur en une cascade de questionnements.
Il est impossible de recenser et encore moins de développer tous les points abordés par cette étude.
On peut mentionner à la volée quelques sujets.
La force précisément qui inspire et offre un guide spirituel au jedi, un souffle qui ressemble beaucoup au tao..prendre ses distances avec la technologie, se fier à son intuition inspirée par la force..au moment de frapper le coeur de l'étoile noire dans l'opus n°IV quand Luke déconnecte ses instruments de visée high tech pour faire appel à son esprit, il se laisser guider par l'énergie, le souffle du tao,.
L'équilibre dans l'univers non écrit, non codifié, vital mais indicible, c'est celui du tao te king. C'est aussi à un degré moindre la signature du stoïcisme.
Autre emprunt à la sagesse orientale, le vénérable maitre Yoda, yoda/yoga… petit et aux apparences chétives qui semble sorti d'un de ces tableaux estampes où à des années lumières des gros plans narcissiques de la tradition picturale occidentale les personnages sont délicatement posés dans le paysage. Yoda et son style d'expression mythique, aphorismes « à la manière de » paraissent également extraites du tao te king.
Mais la référence à l'Asie c'est aussi naturellement Mace Windu, la maitrise des arts martiaux.
On trouve également une signature philosophique dans ce thème majeur de la saga, le destin. Existe-t-il un déterminisme dans les événements ? Existe-t-il une liberté de l'homme ou la prétention à peser sur le cours de l'histoire n'est–il pas pure vanité ? La destinée d'Anakin est-elle pré-écrite ? Dans « l'empire contre-attaque » en interrompant sa formation de jedi, Luke en pensant faire un acte de liberté individuelle pour porte secours à ses amis ne provoque-t-il pas au contraire ce que le destin a « programmé » ? Nous sommes dans l'univers du stoïcisme et nous le sommes encore davantage quand Luke, lors de cette initiation par Yoda, pénètre seul dans la grotte et rencontre Dark Vador dans un combat chimérique au sabre laser. Luke est entré avec son sabre et sa peur, pour le stoïicisme la souffrance est d'abord celle provoquée par une mauvaise interprétation des faits. Luke a du gérer ce combat avec Dark Vador dans la grotte, présence qui n'existait que dans sa tête, parce qu'il s'est laissé submergé par ses émotions et sa peur.
Dark Vador… celui qui doit rétablir l'équilibre dans l'univers et qui doit être au préalable sacrifié dans les flammes à l'issue de l'épisode III….celui qui a été enfanté sans père….un rapprochement évident…
Impossible aussi de ne pas établir des connexions en philosophie politique avec l'agonie de la République dont le ressort démocratique n'a plus aucune consistance, pétrifié dans des procédures suicidaires, instrumentalisées par la quête du pouvoir et le mercantilisme de quelques-uns comme cette belliqueuse et irresponsable Fédération du commerce
Si les multiples passerelles philosophiques inventoriées et analysées par l'auteur sont pertinentes Il reste qu'il ne faut pas idolâtrer cette saga à cet égard.
Elle demeure fondamentalement un aimable divertissement, un immense succès commercial, un événement spectacle pour lequel les spectateurs de ma génération ont beaucoup d'affectif, ayant pu vivre les sorties de tous les épisodes « en direct ». Ni plus, ni moins. C'est déjà beaucoup
Mais lorsque
Gilles Vervisch part du constat, fait aussi par d'autres philosophes comme
Jean Pierre Dupuy (cf. «
La marque du sacré »), que la société occidentale moderne a cru pouvoir sacrifier le spirituel en toute impunité sur l'autel de la pensée dominante au service d'intérêts financiers et qu'une oeuvre cinématographique comme star wars viendrait combler ce manque essence-ciel à l'homme, c'est de mon point de vue survaloriser la mission de maitre yoda .
A lire donc pour les aficionados et les padawans philosophes ; à noter dans le même registre le très intéressant n° spécial de philosophie magazine
A lire donc pour les aficionados et les padawans philosophes ; à noter dans le même registre le très intéressant n° spécial de philosophie magazine