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Anna Gavalda (Traducteur)
EAN : 9782842636449
380 pages
Le Dilettante (31/08/2011)
4.08/5   385 notes
Résumé :
Fils de paysan, William Stoner débarque à l'université du Missouri en 1910 pour y étudier l'agronomie. Délaissant ses cours de traitement des sols, il découvre les auteurs, la poésie et décide de se vouer à la littérature, quitte à décevoir les siens. Devenu professeur alors que la Première Guerre mondiale éclate, cet homme solitaire et droit traversera le siècle et les tumultes de sa vie personnelle avec la confiance de celui qui a depuis longtemps trouvé son refug... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (93) Voir plus Ajouter une critique
4,08

sur 385 notes
Stoner, publié sans succès en 1965 et considéré par certains comme un des secrets les mieux gardés de la littérature américaine, est l'histoire de William Stoner, fils unique d'un couple de paysans du Missouri. Alors que l'attend un destin de fermier tout tracé , un concours de circonstances le parachutera à l'université de Missouri pour des études d'agronomie. Il en ressortira professeur de Littérature anglaise.
Située au début du siècle dernier, on y suit la vie ordinaire d'un homme solitaire à travers une vie confinée aux enceintes d'un milieu académique austère et puritain. Il y rencontrera sa femme, et plus.....dans un milieu où les contraintes sociales, les rapports de force, les frustrations et ambitions personnelles inhibent toute possibilité d'amitié, d'amour et de bonheur, et pourtant.....Un homme calme et paisible, stoïque, souvent passif, mais qui prendra quand même des décisions courageuses, même si leurs conséquences deviendront les parois de sa prison. Un homme intelligent que j'ai personnellement beaucoup aimé avec ses faiblesses et ses principes, un personnage réel, humain, qui n'a rien de fictif.

Un livre faussement simple, une narration superbe ( v.o.) où à travers les détails descriptifs, surtout de physionomie, très visuels, comme ceux des traits du visage, des mains, de la position du corps..... on capte l'atmosphère, les personnages dans leurs angoisses, leurs tensions, leurs peurs....Chaque phrase, chaque mot est choisi avec précision et pourtant une prose très naturelle qui ne donne aucune sensation d'être travaillée. Une économie de mots qui simplifie le complexe sans en changer ni le contexte ni le fond, comme la description de la cérémonie de mariage, court et simple avec une scène finale éprouvante, "Ce n'est qu'une fois dans le train qui devait les porter à Saint Louis pour la semaine de leur lune de miel, que William Stoner se rendit compte que tout était fini et qu'il avait une femme".
Stoner c'est aussi une histoire sur l'amour, les divers formes d'amour, amour pour le savoir, la littérature, sa fille, les femmes.....et tout ce que s'y oppose, (“Ce(l'amour) n'était pas une passion ni de l'esprit ni de la chair, mais une force qui comprenait tous les deux, comme s'ils n'étaient pas que la matière de l'amour mais bien sa substance spécifique. À une femme ou à un poème , il disait simplement: Voilà ! Je suis vivant."**).

De tout ses romans, il paraît que, bien que non autobiographique, c'est celui qui est le plus proche de la propre vie et carrière de John Williams ( 1922-1994 ). Il vient aussi d'un milieu rural du Texas et dédiera sa vie aux livres et à l'écriture à l'Université de Denver. Stoner est un livre dense, intemporel, un classique dont il ne faut absolument pas passer à côté.


"Brian Wooley:-Est-ce que la littérature est écrite pour divertir ?
John Williams :-Absolument. Mon Dieu, lire sans joie c'est stupide. "
( Interview donné à Wooley en 1985)

**It was a passion neither of the mind nor of the flesh; rather, it was a force that comprehended them both, as if they were but the matter of love, its specific substance. To a woman or to a poem, it said simply: Look I am alive.

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« Il avait quarante-deux ans. Il n'y avait rien devant qui le motivât encore et si peu derrière dont il aimait se souvenir… » Voilà notre homme…je vous présente William Stoner…une vie triste, grise, solitaire, ponctuées d'illusions perdues, ça ne donne pas franchement envie n'est-ce pas ? Pourtant, voilà un chef d'oeuvre. Cinq étoiles, un vrai cinq étoiles.

Je me suis prise de passion pour ce William Stoner, cet homme ordinaire, stoïque, au physique un peu disgracieux, «voûté dès son plus jeune âge», supportant, toute sa vie durant, des échecs et surtout de multiples humiliations. Comment peut-on dévorer un livre, le déguster, l'aimer, alors que ce livre relate la vie confinée d'une sorte d'anti-héros ? Comment peut-on finir le livre, être émue au point de se murmurer « merveille…» ?
Sans aucun doute l'écriture feutrée, délicate et ciselée de l'auteur y est pour quelque chose, sans parler de la traduction d'Anna Gavalda qui a réussi à rendre compte du génie de John Williams. La présence d'éclats lumineux traversant la vie de Stoner nous font également soupirer d'aise, comme autant de notes d'espoirs et d'étoiles saupoudrées, venant illuminer le roman. Enfin et surtout William Stoner est proche de nous, il parle de façon intime à notre façon de faire face à nos propres illusions perdues. Il est profondément humain au point de ne plus être un personnage fictif.

L'histoire se déroule au début du XXè siècle. Stoner vient d'une famille paysanne du Missouri. Alors que son destin de fermier semble tout tracé, son père, contre toute attente, le pousse à tenter l'université de Columbia pour, au départ, des études courtes d'agronomie permettant de l'aider à produire davantage. A la suite d'un cours de littérature anglaise, où il comprend que « le poème de Milton qu'il lisait – ou l'essai de Bacon, ou encore la pièce de Ben Jonson – changeaient l'humanité qu'ils avaient prise pour sujet et la changeaient pour la seule raison qu'ils en étaient dépendants », il décide de changer de cursus et deviendra professeur de Littérature anglaise. Il ne quittera jamais le campus, se liera d'amitié avec deux collègues. Et tombera amoureux d'Edith avec laquelle il se mariera vite et aura une fille, Grace. Témoin lointain des soubresauts de l'histoire (les deux guerres mondiales, la crise de 1929), son mariage sera un fiasco, sa vie conjugale se révélera être très vite âpre et amère, son rôle de père sera entravé et gâché, son métier, dans lequel il va se révéler peu à peu, sera ponctué d'embuches et de frustrations. Il devra renoncer à son véritable amour, découvert tardivement à l'âge de 43 ans. Une suite d'illusions perdues pour cet homme plongé dans un milieu où les contraintes sociales étouffent toute velléité de bonheur.

Cet homme m'a tant touchée. S'il semble hésitant, peu engageant de prime abord, indifférent au monde qui l'entoure, passif, il s'avère être de plus en plus calme et rassurant. Il saura prendre des décisions radicales et courageuses même si ces décisions auront pour conséquences de l'isoler davantage. Étonnamment, il se révèle également être un grand amoureux. Amoureux de la littérature, du savoir, amoureux de sa fille et amoureux de Katherine. Un amoureux aux multiples facettes, la passion, la flamme, la foi seront toujours présents, intenses et inébranlables. Oui, quelle tendresse et quelle proximité j'ai eu pour cet homme studieux, pour ne pas dire besogneux, stoïque, sensible et habité par une passion inébranlable des livres ! « Il n'avait jamais perdu de vue le gouffre qui séparait son amour de la littérature de ce qu'il était capable d'en témoigner. »

La poésie, présente tout au long du livre, souvent pour capturer la beauté des paysages, est au sommet de son art quand Stoner observe la femme qu'il aura aimé profondément, Katherine : « Ses yeux, qu'il avait vus brun sombre ou noirs étaient en réalité d'un violet très profond. Leur éclat s'irisait lorsqu'ils accrochaient le faible halo de la lampe et comme ils changeaient sans cesse de nuance selon l'angle sous lequel il les regardait, même fixes ils vivaient encore. Quant à son teint qui, de loin, semblait si pâle, il cachait sous son masque d'albâtre une carnation d'un rose intense et délicat. On avait l'impression qu'un rai de lumière traversait un verre dépoli. Et comme c'était toujours le cas avec ces peaux si fines, la maîtrise, le calme et la réserve qui, avait-il cru, trahissaient sa nature profonde masquaient en réalité une gaieté et une ardeur dont l'intensité était d'autant plus vive qu'elle était ainsi tenue secrète. »

Une lecture indispensable à tous les amoureux des livres. La soif de savoir et de lecture y est flamboyante ; elle ne connait ni loi, ni âge, ni limite et sera la seule passion qui ne trahira pas Stoner même dans les pires moments de sa vie. Les livres, ces compagnons salvateurs. Ce sera d'ailleurs le dernier geste de tendresse qu'il aura juste avant de mourir : celui de prendre et de caresser un livre…

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Ne vous laissez pas berner par la couverture, ce livre n'a pas été écrit par Anna Gavalda mais bel et bien par le brillant John Williams - auteur trop peu connu à mon goût -. Anna Gavalda, elle, n'en est que la traductrice ou, comme je me plais a appeler les traducteurs "un passeur de mots". D'ailleurs, je suis très heureuse qu'elle soit l'instigatrice de ce projet car il aurait été extrêmement dommageable pour nous, lecteurs, que cet ouvrage nous glisse entre les doigts et que nous passions à côté de cette superbe lecture, ouvrage que je considère réellement comme un chef-d'oeuvre. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai fait traîner ma lecture le plus possible (alors que je l'avais pratiquement terminé au bout de deux matinées de lecture) pour en savourer le plaisir jusqu'au bout et que je savais, qu'une fois terminé et même s'il m'arrivait de le relire un jour, je ne ressentirai plus jamais cette joie que j'ai eu en le découvrant et en tournant les pages pour savoir ce qu'il allait se passer derrière. Un ouvrage qui m'a pas moments fait penser au film puis à l'adaptation livresque qui en a découlé "Le cercle des poètes disparus".

Bref, parlons maintenant un peu de l'intrigue. Cette histoire se déroule au tout début du XXe siècle à l'Université du Missouri. William Stoner personnage qui a donné son nom au titre de ce livre, fils de fermiers, y ait rentré à l'âge de dix-neuf ans afin d'étudier les bases techniques de l'agriculture, en plus de s'instruire dans d'autres matières, afin, de pouvoir plus tard mieux aider son père, au durs travaux de la ferme et l'aider à améliorer leurs pratiques et ainsi, leur production. Ce qui devait n'être au départ qu'un court cursus universitaire se prolongea finalement bien plus que prévu tant Will (le diminutif de William, je suppose que vous l'aurez tous compris) se passionna pour la littérature anglaise et décida de changer complètement d'orientation. Cela, il le doit à l'un de ses professeurs qui lui donna ce goût-là et à ses deux camarades, David Masters (dit Dave) et Gordon Finch. Ils devinrent rapidement un trio inséparable jusqu'à ce que l'entrée des Etats-Unis s'engagent à leur tour dans la Grande Guerre et que, tous, jeunes et bien trop naïfs, eurent à faire des choix...

Voilà pour la première partie de l'histoire et je ne me risquerai certainement pas à vous en dire plus car ma critique risquerai de s'étendre sur des pages alors que parfois, un simple petit mot suffit à tout dire : Superbe !

L'écriture est fluide et limpide (certes, on ne peut jamais réellement juger d'après une traduction...dans ce cas-là, l'idéal serait de lire tous les ouvrage dans leur langue originale, ce que nous sommes bien entendus bien incapables de faire car nous ne pouvons absolument pas tous parler couramment toutes les langues mais seulement certaines), l'histoire entraînante et passionnée. Attention préparez vos mouchoirs mais c'est une lecture que je ne peux (excusez-moi d'insister) que vous recommander vivement !

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Eloge de la discrétion, de l'humilité et de la bonté, Stoner est un roman qui m'a touché en plein coeur et me tient encore chaud aujourd'hui. John Williams nous fait découvrir et aimer un homme ordinaire qui a le courage de quitter le milieu rural où il a grandi et sa zone de confort pour vivre sa passion des livres et la transmettre à ses élèves.

Stoner est à la fois un homme comme tout le monde et un héros de l'ombre, un de ceux à qui on n'adresse pas spontanément la parole pour cause de trop peu d'importance. Un héros, parce-qu'enseigner c'est se jeter dans l'arène et accepter qu'on ne maitrise jamais tout, même si on maitrise ses matières. Aussi sa passion pour la littérature l'élèvera autant que l'amour le fracassera.

Stoner mérite bien plus que ces quelques lignes. C'est un de mes romans préférés et paradoxalement un de ceux dont j'ai le plus de mal à parler. C'est une babeliote, que je salue au passage, qui m'a soufflé un début d'explication. Stoner est un roman dont le plaisir réside dans l'intime. Et l'intime ne se raconte pas…

John Williams est un tisseur d'histoires hors norme et son écriture sublime (voir aussi « Butcher's crossing ») nous révèle constamment la beauté de petites choses insignifiantes.

Anna Gevalda a ressorti ce bouquin des limbes de l'édition (il fut édité en 1965 sans réel succès) et en a assuré la très belle traduction française.

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William Stoner est un anti-héros ordinaire. Nous sommes en 1910. Ses parents sont des agriculteurs pauvres et de façon inattendue il est envoyé à l'université du Missouri pour étudier l'agronomie. A la suite d'un cours de littérature anglaise, Stoner décide de changer de cursus. Il ne quittera plus le campus. Totalement dévoué aux études et à la passation du savoir, il refuse la compromission et choisit de rester complètement fidèle à ses idéaux aux dépens d'une carrière brillante.

John Williams dépeint habilement la vie sur un campus, l'ambiance lorsque la guerre de 1914 puis celle de 1939 sont déclarées. Mais plus que tout, nous suivons pas à pas Stoner, dans ses pensées, dans sa vie quotidienne, dans les choix qu'il fait. Quelqu'un qui comme dédoublé se voit agir sans jamais oser vivre vraiment. le texte précis, dégraissé de tout superflu, nous raconte la vie ordinaire d'un homme extraordinaire qui privilégie ses valeurs pour ne pas sombrer dans un monde de faux-semblant.

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critiques presse (2)
Lexpress
17 octobre 2011
Une magnifique plongée dans l'intimité d'un être qui n'a rien d'un héros spectaculaire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
28 septembre 2011
Du mariage raté à la retraite forcée, le récit de son existence est une poignante chronique de la déception, un drame en mode mineur, illuminé par le passage de joies fugaces - une liaison amoureuse, la proximité d'un enfant -, peintes avec tant de délicatesse et de sobriété qu'elles en deviennent inoubliables.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (97) Voir plus Ajouter une citation
Son enfance fut excessivement guindée, même dans les moments les plus intimes de la vie familiale. Ses parents se conduisaient l'un envers l'autre avec une politesse distante. Edith ne vit jamais passer entre eux le moindre élan de chaleur, de colère ou d'amour. La colère se traduisait par de longs silences courtois et l'amour était un terme du vocabulaire anglais que l'on employait pour témoigner son affection. Elle était enfant unique et la solitude fut l'une des premières certitudes de sa vie.
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Parfois William s’échappait de son livre et son regard se perdait dans la contemplation de l’arrondi de son dos ou des osselets de sa nuque sur laquelle une petite mèche de cheveux s’amusait toujours à tenir en équilibre, alors le désir montait en lui. Doucement. Tranquillement. Il se levait, venait derrière elle et plaçait ses mains sur ses épaules. Elle se redressait, posait sa tête contre son ventre et sentait ses mains se faufiler sous son col pour venir lui caresser les seins. Ils s’aimaient, restaient étendus un moment puis reprenaient leur travail là où ils l’avaient laissé comme si l’amour et l’apprentissage n’étaient qu’une seule et même inclinaison de l’âme.
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Il erra à travers le campus avec la robe et la toque qu'il avait louées sous le bras. Elles étaient lourdes et encombrantes, mais il n'avait nulle part où les poser. Il songeait à ce qu'il devait leur annoncer et prit, pour la première fois, vraiment conscience du caractère irrévocable de sa décision. Il en venait presque à souhaiter pouvoir s'en dédire. Il sentait qu'il n'était pas à la hauteur de ce défi qu'il s'était si imprudemment lancé à lui-même et entendait l'appel plaintif de ce monde qu'il était en train d'abandonner… Il pleurait ce qu'il avait perdu, il pleurait ce que ses parents étaient en train de perdre et il lui semblait que le fait même de connaître ce chagrin l'éloignait d'eux plus encore.
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Bien qu'il fût censé apprendre des bases de grammaire et de composition écrite à un groupe de jeunes étudiants des plus hétérogènes qui soit, il était impatient et enthousiaste de s'atteler à cette mission qu'il abordait avec le plus grand sérieux. Il prépara ses cours pendant la semaine qui précédait la rentrée et ce premier travail de déchiffrage entrabâilla la porte du monde infini qui s'offrait à lui. Il comprenant le rôle de la grammaire et percevait comment, par sa logique même, elle permettait, en structurant un langage, de servir la pensée humaine. De même, en préparant de simples exercices de rédaction, il était frappé par le pouvoir des mots, par leur beauté, et avait hâte de se lancer enfin pour pouvoir partager toutes ces découvertes avec ses étudiants.

[...]

Mais pendant ces semaines loin d'Edith, il lui arrivait, lors de ses cours, de se laisser emporter par son sujet et de s'y perdre si intensément qu'il en oubliait ses doutes, ses faiblesses, qui il était et même les jeunes gens assis devant lui. Oui, il lui arrivait d'être tellement pris par son enthousiasme qu'il en bégayait. Il se mettait à gesticuler et finissait par délaisser complètement ses notes. Au début, il fut décontenancé par ces emportements comme s'il craignait de s'être montré trop familier avec les auteurs ou les textes qu'il vénérait et finissait toujours par s'excuser auprès de ses élèves, mais quand ils commencèrent à venir le voir à la fin des cours et que leurs devoirs manifestèrent enfin quelques lueurs d'imagination ou la révélation d'un amour encore hésitant, cela l'encouragea à continuer de faire ce que personne ne lui avait jamais appris.
Cet amour de la littérature, de la langue, du verbe, tous ces grands mystères de l'esprit et du coeur qui jaillissaient soudain au détour d'une page, ces combinaisons mystérieuses et toujours surprenantes de lettres et de mots enchâssés là, dans la plus froide et la plus noire des encres, et pourtant si vivants, cette passion dont il s'était toujours défendu comme si elle était illicite et dangereuse, il commença à l'afficher, prudemment d'abord, ensuite avec un peu plus d'audace et enfin... fièrement.

[...]

Quand il était très jeune, William Stoner pensait que l'amour était une sorte d'absolu auquel on avait accès si l'on avait de la chance. En vieillissant, il avait décidé que c'était plutôt la terre promise d'une fausse religion qu'il était de bon ton de considérer avec un septicisme amusé ou un mépris indulgent, voire une mélancolie un peu douloureuse. Mais maintenant qu'il était arrivé à mi-parcours, il commençait à comprendre que ce n'était ni une chimère ni un état de grâce, mais un acte humain, humblement humain, par lequel on devenait ce que l'on était. Une disposition de l'esprit, une manière d'être que l'intelligence, le coeur et la volonté ne cessaient de nuancer et de réinventer jour après jour.
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Puis son regard se perdit au loin, au-delà de cette vaste étendue de plaines, en direction de la ferme qui l’avait vu naître et où son père et sa mère avaient passé toute leur vie. Il songea au prix que tous ces gens avaient dû payer, année après année, pour faire fructifier un sol ingrat que leur sueur n’avait jamais rendu meilleur. Rien. Rien n’avait changé. Peut-être même était-il encore un peu plus pauvre et plus avare qu’autrefois...
Leur vie entière avait été sacrifiée à ce labeur accablant, leur volonté avait été brisée, leur intelligence pétrifiée et à présent, les voilà qui dépendaient de nouveau de cette terre à laquelle ils avaient déjà tout donné et qui, lentement, mois après mois, année après année, allait finir par les engloutir tout à fait.
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Laurent Martinet s'est donné une minute pour vous convaincre de lire le classique de John Williams, Stoner, traduit par Anna Gavalda.
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