Sur le bout de la langue

Je n'avais entendu que du bien d'Ahmed Kalouaz, notamment à propos de Je préfère qu'ils me croient mort, que je n'ai toujours pas lu d'ailleurs. On m'avait parlé de son style d'écriture et je comprends maintenant pourquoi. En lisant Sur le bout de la langue je me suis souvent demandé si je n'étais pas en train de lire un recueil de poésie plutôt qu'un recueil de nouvelles tellement l'écriture est imagée.

Les nouvelles sont très courtes et les narrateurs non identifiés donc on ne sait jamais vraiment où on va ce qui est parfois déroutant. Je suis passée totalement à côté de certaines nouvelles, mais d'autres m'ont marquées comme celle sur les migrants mineurs.

Certaines nouvelles sont uniquement des dialogues, des sortes de parties de ping pong entre deux personnages sans qu'on ne sache qui parle. ça donne un ensemble dynamique qui se lit très vite.

En bref, Sur le bout de la langue est un ouvrage à réserver à des lecteurs qui n'ont pas peur de se laisser emporter sans savoir où ils vont. J'ai beaucoup aimé l'écriture d'Ahmed Kalouaz. J'ai déjà mis un de ses livres de côté au travail pour voir ce que donne sa plume dans un roman. Merci Babelio et les éditions le mot et le reste pour cette découverte. 3/5

Voilà un auteur que j'aime beaucoup et dont j'ai été ravie de découvrir son nouveau livre. Il s'agit de petits récits, comme des petites tranches de vie, un petit instant dans un grand mouvement : dans ces courtes nouvelles, chacun porte son passé ou sa tristesse, et avance. J'ai été touchée par beaucoup de ces personnages, en particulier cet homme dont le récit commence par "Je n'aime pas dormir sans toi" et dont un autre passage est cité en couverture. J'ai aimé retrouver le thème des réfugiés, ou encore ce garçon qui quitte son pays pour rejoindre, plein de fausses promesses, un club de football, j'y ai retrouvé une partie de Je préfère qu'ils me croient mort que j'avais beaucoup aimé. D'autres récits nous transportent dans des univers complètement différents, et c'est ce que j'ai aimé : passer d'un univers à l'autre, avec l'idée que ce livre pourrait être un livre de chevet où on pioche de temps en temps, sans forcément lire de manière linéaire. Et je n'ai pas parlé de l'essentiel : une bien belle écriture, qui transporte en peu de mots, tout en poésie et délicatesse malgré la dureté des sentiments parfois.

De courtes nouvelles comme des tranches de vie, souvent très émouvantes, avec parfois une chute terrible ("Ensemble", "Obsolète") mais discrète, presque suggérée... Souvent la description d'une personne fragilisée : une vieille dame par la disparition de ses mots ("Sur le bout de la langue"), un enfant par le départ du père ("Notre père"), un homme endormi réveillé par la folie d'un frère ("Apollinaire"), un réfugié devant se justifier face aux gendarmes ("Oui Monsieur"),... J'ai souri en découvrant quelques anciens mots soigneusement choisis dans la nouvelle "Obsolète" : simplesse, gogaille, bachelette, maroufle,... oui, ils existent bien, j'ai vérifié sur https://www.cnrtl.fr/. Et la dernière nouvelle : la liste des colères accumulées depuis l'enfance, comme un point d'exclamation final. Un style d'écriture poétique, facile à lire, mais peut-être (à mon avis) un petit problème de virgules manquantes.

Pour qui désire entendre la voix singulière et poétique d'Ahmed Kalouaz, ce recueil de nouvelles brèves est un met de choix. L'écrivain taille des textes délicats où sourdent la mélancolie et la tendresse pour les êtres humains. Il semble que ce soit l'humanité qu'Ahmed poursuit de ses phrases déliées et chantantes. Une humanité qui s'incarne dans des dialogues simples et dérisoires, dans le voyage, dans les paysages que l'auteur nous rend avec délicatesse et justesse. C'est surtout au travers de situations vivantes où perlent les sentiments qu'Ahmed nous raconte l'humanité dans toutes ses contradictions.

Je remercie babélio et sa masse critique, découverte de ce recueil de 23 nouvelles, de styles variés, tantôt plus proche du dialogue théâtrale, avec variations vers l'absurde, du soliloque, que de rêveries nostalgiques et poétiques, après le style est inégal mais cela reste sympathique à lire et je le relirai volontiers.
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