Voilà, Je l'ai trouvé, le point sur lequel je dois concentrer mon attention avant de partir. (...)
Ce cèdre-là, il les domine d'une tête, les autres arbres : dans l'ensemble, vu de loin, on aurait pu croire qu'il veillait sur eux. Un arbre, pour survivre, il faut qu'il sorte de l'ombre des autres, qu'il aille chercher l'oxygène, qu'il fasse passer ses branches par-dessus. Qu'elles puissent garder l'équilibre et qu'elles ressemblent à des plateaux superposés, bien ordonnés. C'est vrai que le libani, c'est l'harmonie par rapport à l'Atlas, à ses branches qui ressemblent à celles de n'importe quel conifère, aux sapins que les enfants dessinent. (...)
Mon arbre à moi, je pars avec lui et j'en suis fier, c'est le signe que j'attendais. C'est son ombre qui grandit sur cette dernière scène, c'est pas une ombre obscure, c'est comme quand on prend le temps d'attendre que le soleil tombe sur une place, de voir l'ombre qui grandit, qui s'empare de l'endroit... C'est bien ce qui est marqué chez Beurrier, qu'on ne peut pas comprendre ce qu'est la vie tant qu"on s'est pas mesuré à çà, semer quelque chose qui nous dépassera. En temps, en taille. (...) L'arbre qu"on plante, c'est le temps qu'on accepte et qu'on regarde d'un autre oeil, c'est comme un relais, on lui transmet le flambeau, peut-être parce qu'on sait qu'on peut davantage croire aux arbres qu'aux hommes...
Il s'appelait Claude Bastion, dix minutes plus tôt, il m'avait demandé une cigarette, je lui avais donnée. Ce gars-là n'ouvrait la bouche que pour dire l'essentiel. Il était plutôt bourru. Jamais on ne l'avait vu la ramener dans la compagnie, il n'était ni boute-en-train, ni souffre douleur ; personne d'ailleurs n'avait jamais éprouvé l'envie de le mettre en boîte, ou d'en savoir plus sur sa vie.