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EAN : 9782823612424
128 pages
Editions de l'Olivier (05/04/2018)
4.25/5   20 notes
Résumé :
Dès leur entrée aux États-Unis, les enfants migrants sans papiers venant d'Amérique du sud subissent un interrogatoire composé de quarante questions. Le but ? Leur permettre de raconter leur histoire, et pouvoir en juger la véracité.

Valeria Luiselli a été interprète pour les tribunaux américains. Elle a été confrontée à la brutalité des politiques migratoires et à leurs angles morts : comment dire la terreur qu'on fuit, et celle qu'on rencontre en ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
DITES-MOI COMMENT CELA SE TERMINE

L'ouvrage aurait pu s'intituler : comment vivent les gosses latinos et réfugiés aux États-Unis ? Une question pertinente et actuelle depuis l'arrivée du grand humaniste Trump à la Maison-Blanche avec son idée géniale d'un énorme mur entre son pays et le Mexique. C'est la question à laquelle Valeria Luiselli se propose de répondre. Et pour le faire est s'est portée volontaire comme interprète-traductrice au tribunal de l'immigration de New York City.

Le livre "Tell Me How It Ends", que l'on pourrait traduire par "Dites-moi comment cela se termine", vient de paraître en anglais et en espagnol. Qu'une version française suivra est sûre et bien pour 2 raisons : le sujet est à la fois trop important et original, d'où son succès non seulement outre-Atlantique, mais aussi déjà outre-Manche et la jeune Valeria Luiselli n'est point une inconnue en France. En effet, ses oeuvres précédentes "Des êtres sans gravité" et surtout "L'histoire de mes dents" ont été chaleureusement accueilli chez nous. L'histoire de ses dents a été couronné du Prix du meilleur livre de fiction par le Los Angeles Times, il y a 2 ans, ainsi que du Prix Azul au Canada. Par ailleurs, ses livres ont été traduits dans plus de 20 langues.

Valeria Luiselli est née à Mexico City en 1983 et a passé une bonne partie de sa jeunesse en Afrique du Sud. Après des études de philosophie dans sa ville natale, elle a étudié la littérature comparative à l'université de Columbia à New York. Dans le "Big Apple" - pour employer le surnom de New York - elle enseigne à présent la littérature et donne des cours d'écriture créative. Notre Valeria est l'épouse de l'écrivain mexicain Alvaro Enrigue (°1969), auteur de "Hypothermie", "Vies perpendiculaires" et plus récemment "Mort subite".

Le sous-titre de l'ouvrage "An Essay in Forty Questions", se rapporte aux 40 questions du formulaire standard du tribunal de l'immigration que ces enfants sont supposés remplir, s'ils veulent éviter un renvoi immédiat. Comme la grosse majorité ignore l'anglais, c'est là qu'interviennent des volontaires comme notre Valeria. Une tâche pas simple, car comme l'indique l'auteure pour les mômes leur histoire ne connaît ni début, ni fin.
Si, certaines questions sont évidentes et logiques, comme "Pourquoi es-tu venu aux États-Unis ?" et "Avec qui es-tu venu ?", d'autres le sont beaucoup moins, telle "À quel endroit exact as-tu passé la frontière?" Même des questions apparemment simples comme "Où sont tes parents ?", ne peuvent recevoir de réponses pour la simple raison qu'ils n'en ont aucune idée, puisqu'ils se sont enfuis de chez eux.

Beaucoup de gosses voyagent cachés à bord de trains à marchandises, comme celui qui relais Tapachula dans le Chiapas en passant par Ciudad Juárez à El Paso au Texas, surnommé "La Bestia", qui a causé la mort à des milliers d'entre eux, ou duquel ils sont sortis physiquement blessés à vie. D'autres enfants essaient de traverser le désert à pied et espèrent rencontrer "un migra" ou agent de la patrouille des frontières (Border Patrol), qui les mettra dans un centre de détention, surnommé "hielera" ou icebox, nom dérivé du sigle ICE (Immigration and Customs Enforcement).

Ceux qui sont moins chanceux deviennent des "bones in the desert" (des os dans le désert), sont violés, ce qui est le cas de 80% des filles, capturés et employés comme esclaves ou recrutés par des gangs pour le trafic de drogue. S'ils ne font pas l'objet de parties de chasse organisées par des rustres criminels locaux, soit comme sport, soit parce qu'ils ont horreur de ces petits basanés ! Bref, les risques et horreurs sont multiples et défient l'imagination.

J'arrête là ma petite description, tout en insistant sur le fait que Valeria Luiselli a signé une oeuvre qui combine une documentation solide avec une approche admirablement compatissante. Elle ne s'est pas pour rien portée volontaire pour un job qui doit être au point de vue humain foncièrement triste. Et frustrant, si un gosse pour qui elle a fait tant d'efforts est purement et simplement renvoyé par décision de l'un ou l'autre officier du tribunal des immigrés.

Ce qui depuis l'avènement du président-au-grand-coeur au pouvoir, arrive évidemment de plus en plus souvent. À ce point qu'un critique professionel a qualifié l'ouvrage comme : "Le premier livre à lire obligatoirement sur l'ère Trump". Et c'est aussi mon avis.


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Aux États-Unis, plus de soixante mille enfants non accompagnés ont été arrêtés aux abords de la frontière avec le Mexique en 2014 alors qu'ils fuyaient la plupart du temps la violence des gangs d'Amérique centrale. La principale réponse du gouvernement Obama a été d'accélérer les procédures de jugement et d'expulsion, rendant l'examen des dossiers par des avocats et la défense de ces enfants beaucoup plus difficile.

Raconte-moi la fin, court essai percutant et remarquablement écrit de Valeria Luiselli (publié en 2017, traduit de l'anglais par Nicolas Richard pour les éditions de l'Olivier, 2018) est né de cette crise, de la volonté de la comprendre et d'en parler autrement face à des médias et des hommes politiques qui présentent la plupart du temps les immigrés – y compris lorsqu'ils sont des enfants – comme une invasion menaçante sans jamais s'interroger sur les causes racines de cette immigration.

Valeria Luiselli, qui est née au Mexique et vit aujourd'hui à New York, attendait en 2014 le renouvellement de sa carte verte et ne pouvait donc plus enseigner. Elle a alors commencé à faire des recherches sur cette crise, à étudier le droit de l'immigration et est devenue en 2015 interprète bénévole pour des associations cherchant à trouver des avocats et à assurer la défense de ces enfants.

Portant le sous-titre «un essai en 40 questions», Raconte-moi la fin est construit autour du questionnaire mis en place par les ONG pour commencer à comprendre le parcours des enfants, leur trouver un avocat pour assurer leur défense, aider à déterminer s'ils pourraient être éligibles à l'immigration sur le territoire des Etats-Unis.

On ne sait pas comment se terminent les histoires des enfants évoquées ici par Valeria Luiselli, question que sa fille ne cesse de lui poser, d'où le titre de l'essai. Valeria Luiselli ne connaît en général sans doute pas « la fin » de l'histoire des enfants qu'elle questionne : les histoires individuelles qu'elle évoque ne visent pas à créer de la compassion (même si elle est forcément présente) mais à faire connaître la situation de ces enfants, l'origine de la violence qui les pousse à fuir et à entreprendre un voyage si périlleux, qui apparaît généralement comme le dernier recours pour leur survie. Ainsi, Valeria Luiselli transforme le parcours déchirant des enfants en histoires, et une expérience émotionnelle terrible en récit politique, afin de passer de la sidération à la considération, pour reprendre les mots de Marielle Macé.

La question de la forme écrite de ces histoires est centrale, pour la défense de ces enfants, pour transformer leurs histoires en récit politique et plus tard en roman, dans l'impressionnant Archives des enfants perdus, récemment paru aux éditions de l'Olivier et dont nous parlerons bientôt sur ce blog.

Le lecteur ressent ce qu'il faut de tact pour « administrer » un tel questionnaire à des enfants qui ont le plus souvent traversé l'enfer (disparitions, viols, kidnappings en route vers les Etats-Unis pour tous les réfugiés en provenance d'Amérique centrale), et créer un espace où les enfants se sentent en sécurité pour parler malgré l'inhumanité des procédures ; les paradoxes déchirants perceptibles à la lecture sont la neutralité obligatoire de celle qui les questionne et qui sait que l'intérêt des enfants est d'avoir à raconter les histoires les plus insoutenables car ce sont celles qui permettront de leur éviter une expulsion du territoire des États-Unis, danger très souvent mortel. Certains ne le peuvent pas, comme ces deux fillettes de cinq et sept ans originaires du Guatemala, venues seules aux Etats-Unis pour rejoindre leur mère, trop petites pour comprendre et pour mettre des mots sur leur histoire.

Essai politique, Raconte-moi la fin permet de toucher du doigt les causes de l'immigration, la violence endémique en Amérique centrale qui trouve ses racines aux États-Unis (avec des gangs formés initialement à Los Angeles et expulsés vers l'Amérique centrale, qui se sont développés plus tard comme une gangrène des États-Unis à l'Amérique centrale en passant par le Mexique).
La compréhension profonde des destins de ces enfants et de leurs causes est mise en regard des réactions souvent ignorantes des citoyens américains croisés sur les routes et qui se réfugient dans la peur et le rejet, réaction opposée à celle des étudiants de Valeria Luiselli qui forment une association pour aider les jeunes demandeurs d'asile.

Choisir de ne pas agir est devenu inacceptable. Valeria Luiselli le fait comprendre avec force dans ce livre, lecture indispensable.

Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de Charybde : https://charybde2.wordpress.com/2019/10/13/note-de-lecture-raconte-moi-la-fin-valeria-luiselli/
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Valeria Luiselli est interprète bénévole au tribunal de l'immigration de New York auprès de mineurs sans papiers arrivés par la frontière mexicaine. Elle doit leur soumettre un questionnaire en vue de l'obtention ou non d'un droit de séjour. Elle découvre alors la sinistre réalité derrière ces histoires d'enfants d'Amérique centrale fuyant la violence de leur pays et la guerre des gangs. Parcourant des kilomètres au péril de leur vie, ils sont confrontés à des dangers terribles : enlèvements, viols, tortures, trafics, milices armées, faim et soif.
Très documenté et riche en informations chiffrées, le texte de Valeria Luiselli donne la parole à des migrants souvent perçus en termes négatifs, désignés comme « étrangers illégaux » plutôt que « réfugiés ». Elle rend compte de la difficulté pour eux de raconter leur histoire, et pour elle de les aider à éviter l'expulsion. Émouvant, révoltant et militant, le récit expose la brutalité des politiques migratoires, le cynisme et la responsabilité des États, y compris la complicité des États-Unis dans les trafics d'armes et de drogue des cartels d'Amérique centrale. Valeria Luiselli évoque avec effroi les agissements xénophobes et la maltraitance dans les centres de détention gérés comme des entreprises lucratives.
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Livre d'à peine une centaine de pages mais d'une concentration et d'une urgence rares. Cette écrivaine mexicaine (qui a également la nationalité italienne) s'est installée avec sa famille à New York. En attente de sa "green card" elle se présente aux tribunaux comme interprète. Pendant ce travail, elle se sent de plus en plus désemparée à l'égard de la situation précaire des mineurs hispano-américains qui demandent l'asile aux E.-U. pendant l'ère Obama. Ils proviennent presque tous du triangle du Guatemala, le Salvador et l'Honduras. L'écrivaine, qui compatit avec ces jeunes parce qu'elle même se trouvant en procédure, commence à voir des parallèles entre les différentes histoires qu'elle traduit de jour en jour. Avec une grande lucidité et concision, Valeria Luiselli dissèque la réalité à laquelle elle est confrontée. Pourquoi ce livre n'est-il pas encore traduit en français????
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critiques presse (2)
LeDevoir
07 août 2018
Sur un ton très personnel et en remontant le fil des 40 questions que les services d’immigration leur posent après qu’ils ont été interceptés à la frontière, Valeria Luiselli donne la parole à ces enfants migrants qui n’hésitent pas à mettre leur vie en péril pour s’en construire une meilleure.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Liberation
26 avril 2018
Dans un essai coup-de-poing, Valeria Luiselli retrace le parcours de migrants mineurs venus d’Amérique centrale et du Mexique pour entrer aux Etats-Unis.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans un restoroute non loin de Roswell, Nouveau Mexique, nous surprenons une conversation entre une serveuse et un client. En lui resservant du café, elle lui dit que des centaines d’enfants migrants vont être mis dans des avions privés – financés par un millionnaire patriote, selon la rumeur – et expulsés le jour même vers le Honduras, le Mexique ou ailleurs. Les avions remplis d’enfants « alien » [étrangers] décolleront d’un aéroport situé à proximité du célèbre musée de l’OVNI, celui précisément que nos enfants avaient envie de visiter. Le terme « alien » qui, il y a encore quelques semaines, nous faisait sourire et émettre des hypothèses, que nous prononcions dans la voiture comme une sorte de private joke familiale, nous apparaît soudain sous un jour plus funeste. C’est étrange que les concepts puissent s’éroder si facilement, que des mots jusqu’alors utilisés avec légèreté puissent alchimiquement changer de nature au point de devenir toxique.
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« Pourquoi êtes-vous venus aux États-Unis ? » C’est la première question du dossier de demande d’asile soumis aux enfants migrants non accompagnés. Le questionnaire est utilisé au tribunal de l’immigration à New York où j’ai commencé en 2015 en tant qu’interprète bénévole. Ma tâche y est simple : je conduis un entretien avec les enfants au tribunal en suivant le questionnaire, après quoi je traduis leurs histoires d’espagnol en anglais.
Mais rien n’est jamais si simple. J’entends des mots qui sortent de la bouche des enfants, tissés dans des récits complexes. Ils sont prononcés avec hésitation, parfois méfiance, toujours avec peur. Il faut que je les transforme en mots écrits, en phrases succinctes, en termes arides. Les histoires des enfants sont toujours éparpillées, bégayées, toujours brisées, aucun récit ordonné ne pourra les réparer. Le problème, quand on essaye de transformer leur histoire en récit, c’est qu’elle n’a pas de début, pas de milieu, et pas de fin.
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Les chiffres et les cartes racontent des histoires d'horreur, mais les histoires les plus horribles sont peut-être celles pour lesquelles il n'y a pas de chiffres, pas de cartes, pas de responsabilité possible, jamais de mots écrits et prononcés. Et peut-être que la seule façon de garantir un minimum de justice-si tant est que cela soit possible-c'est d'entendre et d'enregistrer ces histoires encore et encore, afin qu'elles reviennent, toujours, nous hanter et nous faire honte.
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La procédure au cours de laquelle on pose des questions à l'enfant durant l'audition est appelée screening, (screening : tri, sélection) ; terme aussi cynique qu'approprié : l'enfant est une bobine de film (screen : écran), le traducteur-interprète un appareil obsolète utilisé pour décrypter ces heures de rush, le système juridique un écran (screen), lui-même trop usé, crasseux et abîmé pour permettre la moindre netteté, la moindre attention aux détails. Les histoires font souvent l'objet de généralisations, de distorsions, elles paraissent floues.
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