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EAN : 9782070145355
240 pages
Gallimard (27/03/2014)
3.92/5   200 notes
Résumé :
«En anglais, on appelle "novella" une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton. Le modèle parfait serait Joseph Conrad. De ces deux novellas, l'une se déroule sur l'île d'Udo, dans la mer du Japon, que les Coréens nomment la mer de l'Est, la seconde à Paris, et dans quelques autres endroits. Elles sont contemporaines.» J. M. G. Le Clézio.
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
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Simplicité et humilité.

Pas facile : le lecteur est parfois ridiculement exigeant et l'écrivain pompeusement vaniteux.

La simplicité que j'ai cru retrouver chez l'auteur, c'est banal, mais elle me parait synonyme d'authenticité.

D'aucuns pourraient lui reprocher d'être, dans ses livres, dans son style, comme dans ses prises de position politiques, pétri de bons sentiments et disons-le pour reprendre cette rhétorique caricaturale dans la « bien-pensance ». 

***

Qu'est-ce qui redonne un sursis à un homme venu sur une île pour mourir dans le tumulte des flots ? La douceur. C'est encore la douceur d'une mère pour sa fille qui console et permet à cette dernière de prendre son envol.

Cette première novella à deux voix est effectivement d'une grande douceur, ce qui n'est pas synonyme de tendresse.

Tout de même, quelques incohérences dans certains termes prononcés par une gamine de 13 ans… Mais ce qui est intéressant dans un récit à deux voix c'est qu'on se rend compte que nous nous voyons comme un soleil au milieu de sa petite galaxie. C'est égotique. Les événements ont une signification différente pour les deux personnes qui les vivent mais également un degré d'importance qui diffère mais malgré cela notre mémoire c'est les autres.

A contrario, cela nous interpelle : peut-on encore se fier au roman à une voix ? le narrateur peut toujours nous mentir, s'exagérer les choses, omettre certains détails. Cette technique narrative est formidable à tous ces égards.

La seconde novella, sur le parcours d'une jeune fille sans famille, est-elle aussi d'une simplicité et d'une beauté dans laquelle on se glisse aussi facilement que l'auteur a pu se glisser dans la peau d'une jeune adolescente en toute vraisemblance et avec une attention aux peines et souffrances ainsi qu'aux éclaircies où l'espoir renaît.

***

Chez J.M.G le Clézio, il y a la tempête bien sûr, les gifles, le grondement des vagues, mais in fine c'est la douceur qui sauve.

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Du très bel ouvrage à l'écoute des autres, tout simplement !
Je suis sincèrement émerveillée par l'alliance d'un style sobre et poétique et d'une imagination si sensible aux problèmes profondément humains.
Pas de fioritures inutiles, les phrases peuvent être courtes, les mots choisis, voire inventés, les trouvailles poétiques originales.
Un petit goût de Désert me semble-t-il, qui m'a beaucoup plu.

Le dernier Le Clezio offre un livre en deux novellas, longues nouvelles d'une centaine de pages chacune, liées subtilement par la mer, ses bienfaits, ses dangers, et les vicissitudes des femmes pour survivre, se construire, prendre un nouveau départ, que ce soit sur l'île d'Udo au large du Japon ou en France - deux destins de jeunes filles tourmentées par l'ignorance de leurs origines, leur impuissance à maîtriser leurs vies, cherchant leur salut auprès de la mer pour l'une, dans le feu pour l'autre.

" La nuit tombe sur l'île. ", l'incipit épuré du premier texte Tempête. le narrateur, monsieur Kyo, revient sur l'île trente ans après la disparition de Mary, sa compagne disparue volontairement en mer, sans explication. Il avait vingt-huit ans, elle en avait quarante, il sortait de cinq années de prison pour avoir assisté à un viol sans être intervenu. Il rencontre June, jeune adolescente sans père, qui survit grâce à la vente des ormeaux que sa mère pêche, souvent au péril de sa vie. Une belle amitié salvatrice naît au fil des rencontres entre le solitaire vieillissant et la jeune sauvageonne qui vont se permettre mutuellement de croire en la vie et à nouveau en eux-mêmes, tout simplement, pour poursuivre chacun leur chemin.
Écrit à la première personne, renforçant ainsi la proximité avec le lecteur, le récit donne tour à tour la parole à Kyo et June, mêlant avec finesse leurs sentiments, leurs réflexions, leur détresse aussi.

" J'ai tressailli devant la mer. " À nouveau la simplicité pour aborder le deuxième texte La femme sans identité. de l'Afrique à la région parisienne, Rachel, née d'un viol, n'a jamais connu sa mère, et est élevée par la famille de son père au Ghana, jusqu'au départ pour la France. Privée d'amour maternel, elle s'est construite bancale, mais avec le soutien et la tendresse de sa demi-soeur Bibi. À Paris, commence alors une vie d'errances, d'incertitudes et de révolte, livrée ici aussi à la première personne. " Il fallait d'abord exister " avant de pouvoir accepter, et renaître, peut-être.

Plus violent, empreint de noirceur, le deuxième récit est le côté pile du livre, une autre facette de la quête de rédemption qui anime selon moi ces deux novellas, ni tout à fait romans, ni tout à fait nouvelles, mais animés d'une force digne d'une tempête pour aller de l'avant. Car, comme l'affirme monsieur Kyo :
" C'est pour cela que je reviens. Non pas pour retrouver le passé, non pas pour flairer une piste comme un chien. Mais pour être sûr que je ne reconnaîtrai rien. Pour que la tempête efface tout, définitivement, puisque la mer est la seule vérité. "
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En attendant de lire le dernier roman 2018 de J.M.G. le Clézio, j'ai repris dans ma bibliothèque, "Tempête" que j'avais lu en 2014 et avais fort envie de relire car depuis, j'ai appris à mieux connaître l'écrivain par ses interviews et sa renommée.
"Tempête" est donc constitué de deux novellas ou courts romans.
Le titre du livre porte le nom de la première novella où le narrateur nous emmène sur l'île japonaise d'Udo où il vécut des souvenirs très intenses dont la mort de Mary, qu'il a aimée trente ans plus tôt et qui s'est noyée en mer.
Il aussi dû assister au viol d'une femme par un soldat.
Ce voyage est-il un aboutissement pour lui ?
Dans ce court roman, une deuxième narratrice prend la parole, June. Sa mère s'épuise à pêcher des ormeaux. La description en est spectaculaire.
June ne connaît pas son père, elle fréquente l'école et se lie d'amitié avec cet étranger échoué qu'elle appelle Monsieur Kyo.
Une histoire très intense avec des passages merveilleusement écrits dans une ambiance un peu floue.
La deuxième novella "Une femme sans identité" commence aussi au bord de la mer, dans le golfe de Guinée. Rachel, la narratrice, fait partie d'une famille aisée avec sa petite demi-soeur AbigaÏl. Là aussi, un problème d'origine mais pour la mère cette fois. Rachel n'est pas la fille de ces horribles personnes veules et vulgaires.
Après la ruine de la famille, les deux soeurs se retrouvent à Paris et Rachel va tenter de retrouver sa mère.
Les deux novellas sont bien en harmonie. On ne change pas de monde complètement d'une à l'autre. le style de narration à la première personne est le même. On retrouve des thèmes traités dans les deux histoires comme la recherche d'origine ou la vie assez dure. L'écriture est très belle, les faits sont racontés avec une certaine distance. Ce qui m'avait un peu étonné lors de ma première lecture et cette fois, pas du tout.
Mes amies babeliotes me conseillent de lire d'autres titres de l'auteur. Ce sera chose faite dans un prochain avenir.
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Dans la première nouvelle un homme rencontre une jeune fille et chacun se raconte en regards, en mots brefs, son désespoir. Une île dans la mer du Japon pour décor, à la fois lieu magique où le monde semble plus beau, et gouffre immense qui avale les détresses et ne rend rien. « L'océan c'est l'oubli. » Mais parfois un miracle se produit, la vie devient généreuse, et elle offre une nouvelle chance. La jeune fille trouve une épaule paternelle et l'homme une béquille qui le libère d'un poids et le rend libre.

Dans la deuxième nouvelle, la jeune fille sans identité erre comme un fantôme dans les rues de Paris, comme « un tourbillon, du néant avec du bruit et du mouvement. Ç'aurait pu durer toujours. La place, les rues, le métro, c'est n'importe où, c'était quelque part. » Une jeune fille née en Afrique, pas loin de la plage. Un début de vie douloureux. Comment se construire quand il n'y a que du vide ?

L'auteur réussit à nous faire sentir l'odeur de la mer, nous faire entendre le crissement des pas sur le sable, sentir la pluie qui dégouline, le vent qui pousse les nuages et agite les vagues. Les couleurs s'allient aux émotions. Les descriptions des personnages sont minutieuses, leurs regards nous pénètrent. Je ne peux traduire en mots ce qui émane de cette lecture, qu'en citant un passage :

« Il a une expression vraiment triste quand il regarde la mer. C'est comme si la couleur de la mer entrait dans ses yeux. […] Il a une ombre sur le visage. Quand je lui parle, tout d'un coup une sorte de nuage passe devant ses yeux, sur son front. […] La tache sombre s'efface de ses yeux, ils redeviennent clairs et rieurs. Ils reflètent l'éclat du soleil de la mer. »

Une vision sombre du monde, de ses trahisons, de sa violence, de ses abandons. Un monde Tempête.

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Jean Marie-Gustave le Clézio revient cette fois-ci avec deux nouvelles, deux novellas comme il l'explique (« une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton).

La première nous emmène dans la mer du Japon, sur l'île d'Udo. Un journaliste, Philip Kyo, revient sur cette île pour affronter son passé. Trente ans auparavant, il y est venu avec la femme qu'il aimait, Mary, une chanteuse de jazz. Un après-midi, Mary est partie nager malgré la tempête et n'est jamais revenue. Philip Kyo, qui avait trouvé en Mary une raison d'espérer et de continuer (je ne dévoilerai pas les événements passés qui hantent le journaliste), se retrouve de nouveau abandonné à lui-même. Trente ans plus tard, de retour sur l'île, il pense une bonne fois pour toute affronter ses démons et peut-être y terminer sa vie. C'est sans compter sa rencontre avec June, une jeune adolescente de 13 ans, arrivée sur l'île avec sa mère alors qu'elle n'était encore qu'un bébé. June, sans père, est métisse. Plus grande que les autres filles de son âge, avec des cheveux qui n'arrêtent pas de friser, elle sent sa différence et trouve un réconfort auprès des pêcheuses d'ormeaux. Les pêcheuses d'ormeaux, ce sont ces femmes qui plongent tous les jours dans l'océan à la recherche de coquillages. Vêtues de leur combinaison et de leur ceinture de plombs, elles plongent et replongent sans arrêt, côtoyant les dauphins et reprenant leur respiration en criant. June rêve elle aussi de devenir une pêcheuse d'ormeaux, au grand dam de sa mère qui souhaite un meilleur avenir pour sa fille. La jeune fille ne sent plus la complicité qui l'unissait autrefois à sa mère depuis que celle-ci a un petit ami. Elle va trouver en Monsieur Kyo un ami, un confident, le père tant de fois rêvé. Alors que Monsieur Kyo, solitaire et taciturne, refuse au début cette amitié particulière, il se laisse charmer par la candeur et la joie de vivre de la jeune fille qui lui rappelle parfois Mary.

La deuxième nouvelle, « Une femme sans identité », nous mène de Takoradi, ville africaine, à la métropole. Rachel est une petite fille mal aimée. A huit ans, alors que ses parents se disputent, elle apprend qu'elle n'a pas de mère et qu'elle est née d'un viol. Madame Badou, celle qui jusque-là jouait le rôle de mère, la déteste et lui fait bien comprendre. Monsieur Badou quant à lui, son père, préfère l'ignorer. Il reste Bibi, sa jeune soeur, avec qui certainement elle entretient un lien qui ressemble le plus à un lien familial. Mais Rachel est pleine de révolte et de colère. Pour elle, rien ne sera plus comme avant. Un jour, les Badou doivent quitter l'Afrique et regagner la métropole. Là, une nouvelle vie commence pour Rachel qui découvre toute la brutalité de l'exil, le béton qui fait place au sable chaud. Perdue dans la banlieue, perdue dans cette famille qui n'est pas la sienne et qui se décompose, elle erre, sans identité, sans accroche, toujours en proie à la colère.

Le Clézio nous dresse ici le portrait de deux femmes à la recherche de leurs origines. L'une sans père, l'autre sans mère, June et Rachel (très différentes l'une de l'autre) sont en quête d'un passé et d'une identité. D'où viennent ces cheveux crépus, d'où vient cette chevelure épaisse et noire ? Il n'y a plus que ces éléments physiques qui leur donnent un point de départ tout en soulevant des questions. Dépossédées de leur venue au monde, elles tentent de se trouver une voie, un point où aller. June voit en la mer le don de tout laver. Un monde silencieux et pur pour effacer le passé et tout recommencer. Une fois la tempête passée, elle peut quitter l'île pour commencer une autre histoire. Alors que June quitte la terre où elle a grandi, Rachel retourne sur le continent où elle est née, dans le seul endroit où elle s'est sentie heureuse dans sa vie, pour débuter une nouvelle histoire. Voici deux destins brisés, deux femmes qui tentent de se reconstruire comme Le Clézio aime nous les raconter.

J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir cet écrivain que je n'avais pas lu depuis un moment. Sa « marque » est toujours la même : il fait de la poésie avec le quotidien, il nous décrit la brutalité de l'exil, il nous parle de ces adolescentes qui deviennent des femmes en portant en elles de lourds traumas. Jamais de tableau idyllique chez Le Clézio mais toujours un combat, un cheminement pour trouver, si ce n'est la paix, la sérénité. Tout est là, rien à redire. C'est parfait.
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critiques presse (6)
LaLibreBelgique
04 juillet 2014
Admirable nouveau roman de Le Clézio, au cœur de la condition humaine. Des destins brisés par l’existence et racontés dans une langue splendide, apaisante et nostalgique.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaPresse
10 juin 2014
Le Clézio, Prix Nobel de littérature 2008, fait preuve d'une maîtrise de l'écriture incomparable dans ces deux novellas, qui se situent entre le roman et la nouvelle.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Culturebox
22 avril 2014
Dans "Tempête. Deux novellas", il y a une île, la mer et le vent, le corps des femmes et les dauphins, une enfant solitaire sans père, un homme rongé par son passé et la tempête pour tout laver. Il y a aussi l'Afrique, Paris et une autre enfant perdue à la recherche de son identité. Deux récits poétiques transportés par les tempêtes du monde et de l'âme, par le Prix Nobel de littérature 2008.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
11 avril 2014
L'ombre et la lumière, mourir et renaître, ignorer et savoir, ouvrir ses yeux du dedans ou du dehors, comme le montre aussi Mydriase, texte plus ancien réédité, sont des pliures existentielles qui intéressent l'auteur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesEchos
02 avril 2014
En quatrième de couverture Le Clézio écrit que le modèle parfait de la « novella » serait Conrad. Le modèle parfait pourrait bien être aussi Le Clézio.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Telerama
27 mars 2014
Deux histoires brutales, intenses, l'une sur l'île d'Udo, au Japon, l'autre en banlieue de Paris, telles deux couleurs complémentaires d'une même langue.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Et puis tout à coup, elle m'a vu. Son visage n'a pas bougé, n'a pas souri, mais j'ai vu que ses yeux s'étaient ouverts, j'ai senti le lien de son regard dans le mien, comme si j'entendais battre son cœur dans un fil.
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Quand le vent souffle, et que la mer est mauvaise, ça ne sert à rien de lancer la ligne. Les poissons restent au fond de l'eau dans leurs grottes. Monsieur Kyo reste assis dans les rochers, sans bouger, il regarde la mer. Il a une expression vraiment triste quand il regarde la mer. C'est comme si la couleur de la mer entrait dans ses yeux.
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Julia est arrivée. Je ne la voyais pas comme ça, si menue, si simple. Avec sa robe tablier et ses tongs, elle ressemble à une paysanne. Ses cheveux gris sont tressés en nattes attachées au sommet du crâne, une coiffure de petite fille. Je l'ai regardée sans rien dire, et puis je n'ai pas pu résister, j'ai dit : "C'est Rachel, vous vous souvenez de moi ? Rachel." Ridicule. Elle a dû en mettre au monde des milliers, des Rachel et des Judith, et des Norma.
Mais elle ne m'a pas renvoyée . Au contraire, elle m'a prise par la main et m'a fait entrer chez elle.
(...) Quand je dis à Julia que c'est elle qui m'a mise au monde, il y a plus de trente ans, elle qui m'a donné le biberon et s'est occupée de moi, elle ne répond rien, seulement a-an comme ça, en hochant la tête, en se balançant un peu dans son fauteuil.
(...) Qu'es-ce que j'espérais ? Qu'elle se souvienne, qu'elle m'appelle par mon nom, qu'elle m'embrasse ? Pourtant quand le moment est venu de m'en aller, Julia va dans sa chambre, elle revient avec un album, et elle me montre les photos de sa famille. Sur l'une d'elle elle a une trentaine d'années, elle est habillée d'une blouse qu a dû être verte mais la photo n'a retenu que du gris. Sur la tête, une coiffe blanche à ourlet, et aux pieds des tennis blancs. Elle est souriante, derrière elle on voit des berceaux alignés, surmontés de moustiquaires. Je sais pourquoi cette photo m'émeut. C'est la première fois que je suis si près de ma naissance. Je n'apprendrai plus rien désormais. Julia a compris mon émotion, un nuage passe sur son visage souriant, quelque chose comme le souvenir, mais c'est évidemment tout à fait impossible, il y a si longtemps.
Mon nom et mes papiers ne lui ont rien dit, c'est juste quand je reste penchée sur cette photo, alors elle la détache de l'album et elle me la tend, elle n'a rien d'autre à me donner, rien d'autre à partager, et moi je ne peux pas accepter.
Au moment de passer la porte pour me rejeter au dehors, dans la lumière et le bruit de la rue, elle ouvre ses bras et je me serre contre elle, elle qui est toute petite et légère, mais ses bras sont puissants comme ceux des sages-femmes. "Ma-krow", je lui dis, les seuls mots de twi que je connaisse, "ma-krow auntie". Alors elle pose ses mains sur ma tête, elle me donne sa force, une pluie douce et chaude qui descend de mon corps et me fait frissonner. Elle retourne vers la maison et referme la porte.

in Une femme sans identité.
p. 230-231
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Je suis plongé dans une quête amère et vaine. Comment ces gens pourraient-ils comprendre ? Leur souci est la vie de chaque jour, au jour le jour, et ceux qui partent ne reviennent plus jamais. Ma passion me fait mal et me fait du bien en même temps. En termes médicaux on appelle ça une douleur exquise. C'était cela que les militaires me décrivaient, quand je les suivais, mon carnet de notes à la main. Ils ne parlaient pas de torture. Ils parlaient d'un jeu, d'une douleur répétée, lancinante, qui devient indispensable. Une douleur qu'il faut bien aimer, parce que, lorsqu'elle cesse, tout devient vide, et qu'il ne reste plus qu'à mourir.
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" À mon tour, je vais vous raconter une histoire, a-t-il dit. - Est-ce une histoire vraie ? " ai-je demandé. Il a réfléchi : " C'est une histoire rêvée, donc elle a quelque chose de plus vrai que la réalité. "
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Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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