Le Marchand de Venise
Etait-ce la troisième fois, à des mois de distance que je lisais un commentaire sur le Marchand de Venise ? Commentaire toujours lié au droit ou presque. Alors, je viens d'en terminer la lecture.
C'est peu dire que l'histoire, la littérature et la religion chrétienne n'ont pas rendu justice aux enfants d'Abraham transformés en portefaix du mal et de toutes les malédictions de la terre.
Le Juif Shylock est un épitomé du sort fait aux Juifs durant des siècles au sein de l'Europe chrétienne. Les Anglo-Saxons l'ont même substantivé, puisque Shylock est synonyme de requin en affaires. Une insulte antisémite de nos jours et qui semble avoir joué un mauvais tour électoral au travailliste Corbyn, par exemple...
Usurier méprisé par ses débiteurs chrétiens qui en font un être abject, sans coeur, sans foi, un loup dévoreur de la veuve et de l'orphelin, Shylock rappelle ceci :
« [La livre de chair que je réclame à Antonio me servira] à amorcer les poissons.
Si elle ne nourrit rien d'autre, elle nourrira ma vengeance.
Il m'a humilié ; il m'a fait tort d'un demi-million ;
il a ri de mes pertes ; il s'est moqué de mes gains ;
il a humilié ma nation ; il m'a fait manquer des marchés ;
il a refroidi mes amis, échauffé mes ennemis ; et pourquoi ? Je suis Juif.
Un juif n'a-t-il pas des yeux ? Un juif n'a-t-il pas, comme un chrétien, des mains,
des organes, des dimensions, des sens, des affections, des passions ?
N'est- il pas nourri de la même nourriture, blessé par les mêmes armes,
sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes,
réchauffé et glacé par le même été et le même hiver ?
Si vous nous piquez, ne saignons- nous pas ?
Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ?
Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ?
Et si vous nous faites du mal, ne nous vengerons-nous pas ?
Si nous sommes semblables à vous en tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela.
Si un Juif cause du tort à un Chrétien, quelle est sa modération ? La vengeance.
Si un Chrétien cause du tort à un Juif, devra-t-il souffrir à l'exemple des Chrétiens ? Il se vengera.
La vilénie que vous m'enseignez, je l'exécuterai ;
et quelque peine qu'il m'en coûte, je dépasserai mes maîtres. »
En dehors de cette réplique fameuse qui semble rendre justice à Shylock, Shakespeare épouse la vision de son époque sur les Juifs. Les dialogues qu'il met dans la bouche des adversaires et débiteurs de Shylock atteignent des sommets de haine et de mépris, tout en prétendant se parer des vertus chrétiennes.
Il est singulier d'ailleurs, dans l'obstination de Shylock à appliquer les termes, iniques il faut bien le dire, du contrat passé avec Antonio, que l'auteur reprenne à son compte, l'interprétation chrétienne selon laquelle, la loi juive est accomplie par la miséricorde du Christ. Cette miséricorde est par conséquent au-dessus de la loi comme l'explique si bien Portia, la fausse juge.
Or que reproche-t-on aux Juifs religieux? D'être restés à une application mécanique, stricte, de la loi de Moïse, application qui serait étrangère à toute compassion (?) et de n'avoir pas accepté celui qui s'est présenté à eux comme l'Oint du Seigneur.
Shylock exige donc l'application stricte de la loi du contrat et de l'Etat vénitien, fût-ce au prix d'un crime, puisque la sanction de son billet contre Antonio et que celui-ci a acceptée en toute connaissance de cause, est une livre de sa propre chair.
Cette obstination qu'un désir de vengeance rend aveugle, se retourne contre lui, puisque la lettre de son billet contre Antonio ne lui permet pas, étranger qu'il est, de faire couler le sang d'un chrétien. Comment prélever sur le corps de celui-ci une livre de chair sans saigner la victime ?
Un argument juridique qui signe sa défaite judiciaire et sa conversion au christianisme sous peine de vie...
Le juriste peut tirer la leçon que la loi ou le contrat dont l'objet est barbare est nul et non avenu. Le juriste, juif, religieux ou non, pense de même.
Mais pour ce qui le concerne en tant que membre du Peuple juif, Shylock manifeste l'oppression séculaire subie par les Juifs... malgré, de nos jours, les lois luttant contre l'antisémitisme.
Pat
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L'integrale du maitre à devorer sans moderation ! Un regal !
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Ophélia. - Il est mort et parti : à sa tête est un tertre d'herbe verte ; à ses talons est une pierre.
(Hamlet, prince de Danemark)
Second esclave. - D'où êtes-vous l'ami ? Le portier a-t- il les yeux dans la tête pour laisser entrer de pareilles gens ! Je prie l'ami, sortez.
(Coriolan)
Coriolan. - Eloigne-toi, cadavre pourri, ou je secoue tes os hors de tes vêtements !
(Coriolan)
En Europe comme aux États-Unis, la pièce "Macbeth" de William Shakespeare est entourée de superstitions, au point d'être devenue maudite. Mais d'où vient cette malédiction présumée ?
#theatre #culture #art #shakespeare #macbeth
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