Tout va bien ? Oui,
tout va bien. Enfin...non, tout ne va pas très bien pour Sophie. Son amoureux Gauthier (17 ans) est parti en séjour linguistique de 2 semaines à Rome, et ils s'étaient promis d'écrire des courriels en terminant chaque fois par «
tout va bien » pour ne pas inquiéter l'autre outre mesure. Pour celui-ci, c'est la découverte des autres, la socialisation (lui qui était abonné aux réseaux sociaux, le voici dans un réseau social en vrai !), les tentations (hum, hum...que les Italiennes sont belles ! Que les filles du groupe sont stimulantes !), les virées alcoolisées (un morceau d'anthologie, la première cuite de Gauthier !). Mais pour Sophie, c'est la remontée acide de ses dernières années scolaires (elle va entrer en terminale). Elle n'en peut plus, Sophie, de la solitude, de l'isolement, de la mise à l'écart plutôt. Mais qu'est-ce qu'elle n'a pas que les autres possèdent ? le sens grégaire, probablement. Car chacun sait qu'un adolescent qui refuse, même discrètement, les normes du groupe est un adolescent perdu pour ce groupe...Un Américain venu lui aussi en séjour linguistique, chez elle, sera pour elle une bouée de sauvetage alors qu'elle était en train de sombrer.
Eva Kavian signe ici encore un roman sur et pour l'adolescence, cet âge où l'on est si fragile et si dur à la fois, où l'on part dans des délires et où l'on a envie de tout confier, où certains sont capables de méchancetés terribles et où d'autres, en vain, tendent les bras.
Le point de vue de Sophie est évidemment beaucoup plus grave que celui de Gauthier, et les chapitres alternés nous font basculer de l'enthousiasme romain à la désespérance, de la légèreté à la mise en question de soi-même. L'exclusion à l'école, c'est du harcèlement, oui ! En tant que prof, je sais ce que c'est...Et c'est très difficile pour nous, adultes, d'agir sans blesser, sans en faire trop. Ce roman est le point de départ d'une réflexion indispensable afin que chaque adolescent puisse se dire que oui,
tout va bien.