«
Traité des peaux » de
Catherine Harton est un petit recueil de nouvelles (15, Marchand de Feuilles, Montréal, 176 p.).
Peu ou même pas (encore) connue en France,
Catherine Harton, jeune poètesse québecoise d'une trentaine d'années, a déjà publiée trois recueils de poésie « Petite Fille brochée au ciel » (08), « Monomanies » (10) et «
Francis Bacon apôtre » (12), tous 3 aux Editions Poétes de Brousse. Et pourtant le «
Traité des Peaux » vient d'être finaliste du Prix des Cinq Continents de la Francophonie (16).
Divisé en trois parties, les textes traitent des problèmes de vie et surtout de survie des « Premières Nations » que ce soit les Inuits du Groenland, ceux du Nunavik (la région la plus au nord du Québec) ou les Amérindiens du Québec. Ce sont des peuples en pleine évolution, sous prétexte des soi-disant progrès de la civilisation. Ne pas confondre le Nunavik avec le Nunavut dont le nom signifie « notre terre » en inuktitut, qui est situé au nord de la Baie d'Hudson et qui comprend toutes les iles jusqu'à Ellesmere au cercle polaire. Pour remédier à cette ambiguïté, le gouvernement québécois a créé le Kativik, avec une Administration régionale spécifique. A signaler également que, au Canada, le terme « Esquimaux », est souvent considéré comme péjoratif. On lui préfère donc le terme d'Inuits ou Kalaallit en groenlandais.
On découvre des peuples dont le mode de vie est encore très proches de leurs coutumes ancestrales. Ce sont des amoureux très respectueux de la nature en particulier lorsque celle-ci est sous la neige et la glace. le livre un très bel hommage à ce qui constitue la majeure partie de leur vie, c'est à dire la chasse et la pèche pour assurer leur survie lors de températures polaires. Liés à la chasse, la complicité et le respect des chiens de traîneaux, ainsi que le traitement des peaux de phoques représentent la vie sociale.
Les 4 premières nouvelles se situent au Groenland.
« La mémoire des habiles » où l'on retrouve la poudrerie, cet espace de neige qui est constamment balayé par le vent, que les ancêtres appelaient « le souffle de la mort ». Pavia est dehors dans la poudrerie, il essaye de se souvenir de ses années plus jeunes, lorsqu'il y avait encore de quoi manger en abondance. « Pavia aime entendre souffler le vent, le sentir se frayer un passage à travers les lattes de bois, le cadrage des fenêtres ; il aime son hurlement, sa longue plainte, sa dramaturgie. Il aime sentir la nature gronder, elle rappelle les gens à l'ordre, impose sa force. »
Et puis la nature se réveille dans « Il faut toucher l'oiseau au coeur ». Enfin. La joie revient dans les familles, entre Joseph et Ana.
Puis la faim à nouveau dans « Ulu, couteau de femme ». « On finira bien par manger tôt ou tard », c'est que Simon revient finalement avec un phoque. « Tout y est : les os, les cartilages, la graisse chaude. Une odeur de fer, de vie s'échappe de l'animal. Enfin, l'envie d'habiter les lieux, l'envie d'y être »
Et la nouvelle qui donne le titre du livre « Petit traité de la peau ». Fari est déprime, la tannerie de son village va fermer, ce n'est qu'une question de jours. Avec elle disparait la seule source de revenus de la communauté. Après, que va-t-il se passer ? « [L]'entrepreneur […] savait que s'il incluait les Premières Nations à son plan de démolition, le chef du conseil de bande ne pourrait qu'acquiescer ; aucun chef ne souhaite voir son peuple s'étioler davantage »
On retrouve ce thème de la faim tout au long du recueil, sous diverses formes, mais avec toujours la même obsession. Il faut absolument trouver à manger pour que la famille puisse subsister, et tuer un ours ou des phoques n'est pas détruire la chaine alimentaire de la banquise. C'est du moins la position des peuples qui vivent de la chasse et de la pèche.
Pour le Nunavik, les nouvelles sont plus centrées sur la vie quotidienne, les chiens, la chasse et la pêche. « Uri, le chien et les fusils » et « Les baleines sont les doigts de la mer » « Avant, ils étaient libres, libres de pêcher sans permis, sans quota, ils pouvaient encore s'approvisionner à partir de la mer ». Et puis cette nouvelle sur Issi, chienne de traineau, en fait la chienne maitresse, celle qui voyait et sentait avant les autres chiens. Et en face, la réglementation stupide de la police gouvernementale qui fait abattre les chiens errants (ou soi disant errants). Uri, octogénaire ne se remettra surement pas de cette décision inepte. Une nouvelle très poignante. de la poésie en prose.
Quant aux nouvelles du Québec, ce sont déjà les signes de grand déclin de ces peuples. Dans « Boire l'orage entier » et « le bois majeur » on est déjà dans le monde moderne. La chasse dans les bois d'épinette, c'est une activité réservée aux plus anciens, qui connaissent encore les techniques de chasse et de pistage du gibier. Il n'y en a plus beaucoup qui savent.
Avec « Une chapelle de chagrin » et « Les mains jointes », il est déjà trop tard. Dans le premier cas, la vie moderne a déjà eu raison d'un vieil homme de la réserve, asocial et donc en prison. Dans le second c'est le souvenir du pensionnat. « Les religieuses distribuent facilement les coups » et « l'énergie brutale que les deux religieuses déploient pour la savonner ».
Très belle écriture que ce petit livre acheté un peu au hasard, avec une couverture assez surprenante de jeune femme recouverte dune peau de bison. J'ai découvert ce petit livre à Montréal, chez Archambault, le grand libraire de la rue Sainte Catherine. C'était après que la Maison de la Presse Internationale de Toronto ait définitivement fermé. C'est dommage, c'était un des rares endroits de Toronto, ou plutôt de Yorkville, le quartier chic (aux loyers également chics), où l'on trouvait des livres québecois (et aussi le Canard Enchainé, avec un peu de retard, mais bon…). Il y a aussi dans cette même rue (Yorkville Street) au nord de Bloor Street, Grigorian, un (LE) magasin, l'un des derniers, de musique et de disques, tant classique que jazz. Que de bonnes choses dans la même rue.
C'est sans compter les autres trouvailles que l'on peut faire à Toronto. le marché Saint Lawrence par exemple qui compte pour ce qui est des poissons et autres choses qui sortent de la mer. Parmi ces poissons, les saumons, ceux de l'atlantique, roses, tout comme ceux élevés en Norvège ou en Finlande. Saumon Atlantique (de son vrai nom Salmo salar) rose et gras, au gout de buvard souvent. Et puis le Saumon du Pacifique (Oncorhynchus keta cette fois) ou Saumon rouge (Oncorhynchus nerka) qui comme leurs noms l'indiquent sont beaucoup plus rouge, et surtout moins gras, car souvent ils sont sauvages. C'est le saumon Saumon sockeye que l'on retrouve sur la cote ouest des USA et Canada. Et puis le saumon de l'Arctique, qui en fait est un Omble chevalier (Salvelinus alpinus), à la chair jaune.
Des huitres aussi que l'on peut déguster sur place en demandant gentiment au marchand de les ouvrir (et il se fera un plaisir d'y joindre un flacon de ketchup). Mieux vaut pour cela aller sur les bords du lac Ontario, ou mieux dans quelques petits Oyster Bars en ville. Là on pourra déguster des huitres de terroirs différents, Atlantique et Maine, Prince Edward Island (PEI), Provinces Maritimes comme la Malpeque ou la Caraquet (Crassostrea Virginica) ou même de la cote ouest Pacifique comme la Kumamoto (Crassostrea Sikaema), toute petite – et plus chère). Cela vaut largement les portugaises et autres Marennes-Oléron, voire les Cancale. Sans parler des huitres plates (Ostrea Edulis) du Maine ou de PEI, qui sont un peu plus grandes – et aussi chères que les Belons. Mais je reste convaincu que les petits mareyeurs, tels ceux de PEI, à l'ouest de la partie centrale de l'ile vers Malpeque, sont la quintessence de l'huitre. Par contre, et c'est une des meilleurs adresses que je connaisse, le Grand Central Oyster Bar, au sous sol de la gare de Grand Central Station à New York City, vaut réellement le déplacement. Tous les jours ce sont environ 30-40 terroirs différents d'huitres qui sont proposés (compter tout de même environ 1 USD par huitre). On peut donc aisément composer son assiette à la demande, déguster, comparer, chose que j'ai eu du mal à faire concevoir, puis accepter à un de mes amis, poissonnier-mareyeur (mais je ne désespère pas d'y arriver).
Et pour terminer cet épisode bassement culinaire, ne pas oublier la saison du homard, en été, où dans les meilleurs restaurants de Toronto (et du Canada ou du Maine) on vous servira un homard bouilli. Une chose prodigieuse et une expérience inoubliable – et pour cause. Tout d'abord, la cérémonie du tablier, à vrai dire il vaut mieux. Puis, si non précisé avant, on vous apporte la bête bouillie. le fait de casser la pince fait d'ailleurs jaillir un impressionnant jet d'eau chaude (d'où l'importance du tablier). Dans l'assiette, on peut alors contempler un modèle réduit de la pince sous forme de chair de homard, globalement à l'échelle 1/3, et à la texture variant du caoutchouc mou à celle du papier buvard durci. Un summum, je vous l'avais dit. Les petits restaurants de la Belle Province, que ce soit en Gaspésie ou dans les Provinces Maritimes, sont tout de même plus fréquentables. On y sert des homards grillés, convenables.
A noter aussi la chowder, chaudrée d'après l'origine charentaise du plat au Québec, faite de poissons et fruits de mer en soupe. Un régal. Idem, ce plat est aussi à déguster à New York, voir l'adresse plus haut ou sur toute la cote est, y compris à Boston où on sert indifféremment des clam ou des oyster chowders. Dans ce dernier cas, les huitres, souvent de bonne taille, sont pochées dans la soupe à la crème, ce qui procure des textures et des gouts variés. Un régal, je vous l'avais dit.