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EAN : 9782226243881
175 pages
Albin Michel (03/10/2012)
3.33/5   6 notes
Résumé :
Que ce soit dans les relations maître-élève ou parents-enfants, ou encore dans les traditions religieuses quelles qu’elles soient, nous sommes tous habités par le désir de « faire passer » un savoir, des valeurs, un héritage. Or, dans ce domaine de la transmission, l’essentiel nous échappe : on échoue le plus souvent à prodiguer les richesses que notre volontarisme voudrait transmettre, et d’autres contenus passent par nous, hors de notre maîtrise et souvent même d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Transmettre (ou pas) est l'ouvrage qui transcrit un cycle de conférences qu'a présenté JP Winter au Collège des Bernardins. Très bien écrit, assez bien documenté et probablement éclairant pour un initié à la psychanalyse (Dolto, Lacan, Freud sont convoqués) ainsi qu'aux traditions talmudiques - d'où est prise la majorité des références, j'ai apprécié cet essai.

Le message du fameux psychanalyste est-il transmis ??? Oui ! La transmission, dans le champ familial, dans le cadre religieux et dans l'optique psychanalytique est affaire d'acceptation, de mise en partage et de réinvention. Les chaînons de la transmission s'imbriquent circulairement plutôt que selon les lignes traditionnelles descendantes (père-fils, prof-élève, clergé-croyant) . JP Winter met bien en valeur les défauts qui émaillent cette chaîne de communication qui consiste en des défauts de déchiffrage (métaphore de la lecture) et les conséquences que cela entraîne pour les générations en charge d'un héritage méconnu. On garde surtout en substance que Winter considère que la transmission est un défi lancé aux hommes et qui se joue de deux plans contradictoires : sa terrible filiation et son irrépressible liberté (Oedipe, Job et l'Ecclésiaste viennent témoigner !).

Il en résulte que son ouvrage est surtout une ouverture sur un thème qui, à ce moment crucial de la refondation de l'école, devrait être lu par tous ceux qui se préoccupent de pédagogie. Merci à Masse critique pour cette découverte !
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Quand j'ai dit autour de moi que je lisais le livre de Monsieur Winter, certains se sont demandés quelle mouche avait piqué le papa de la chanteuse pour écrire un livre sur la transmission (et quel insecte m'avait attaqué moi pour que je le lise) puisque finalement, la foi, Ophélie, c'est Dieu qui le lui a donnée (oui, je sais, elle était facile; et de là à dire que son père et Dieu c'est kif-kif, c'est un raccourci que je ne me permettrais pas compte tenu de la psychologie de comptoir qu'il représente).

Jean-Pierre Winter n'a pas, que je sache, de lien de parenté avec la belle blonde. C'est un psychanalyste, ne bridant pas sa pilosité, que vous avez vu sur les plateaux de télé notamment aux côtés de Maïtena Biraben. Il est connu pour son opposition à l'homoparentalité, mais ce n'est pas le sujet abordé ici.

Dans ce livre, il a compilé les textes de 3 de ses conférences ayant un thème commun : transmettre (ou pas).

J'ai réellement bien accroché aux deux premières ayant pour prisme la lecture et la famille. Je suis en revanche restée hermétique à la troisième, abordant la religion, sans doute car je suis athée voire carrément agnostique. Inculte, en tout cas, dans ce domaine.

Concernant la lecture, d'abord, je vous le demande : vous souvenez-vous du jour où vous avez cessé d'annoner des syllabes, du jour où vous les avez déchiffrées en même temps que vous vous êtes représentés ce que vous lisiez ? Non, n'est ce pas ?! Il faut dire que cela s'est sans doute fait en un éclair. Normal, selon Freud, embryon vous saviez déjà, si, si ! Il suffisait du coup de pouce d'un enseignant pour vous le rappeler. Mais Lacan nous dit : pas n'importe quel enseignant ! Un enseignant qui laisse émerger votre savoir sans l'excès de pédagogie qui empêche le miracle d'arriver.

Enseignants ne vous découragez pas, cela prend parfois du temps et le retour n'est pas nécessairement immédiat mais vous transmettez bien plus que vous ne le croyez lorsque vous n'êtes pas trop sclérosant. Si vous ne remplissez pas les crânes à ras bord mais laissez la curiosité de chacun émerger, alors c'est gagné !

Monsieur Winter est quant à lui partisan du compagnonnage. Non pas un enseignement vertical, de maître à élève, mais horizontal, entre élèves avec la référence à un maître. Il voit ça comme un travail en binôme pour favoriser l'échange avec l'autre et la passion de la recherche.

Concernant la famille, comme moi, vous avez sans doute un sac à dos plus ou moins bien rempli (ou vous traînez des casseroles selon le point de vue culinaire ou bagagistique) et vous ne savez pas toujours par qui et comment il l'a été (quel est donc celui qui vous a attaché autant de boulets ? Franchement ?).

Vos parents ont essayé de vous transmettre, de manière tout à fait consciente, des valeurs et des principes. Ils ont parfois fait leur possible pour vous insuffler confiance en vous et vous donner beaucoup d'amour. Mais dans le package, vous avez également reçu leurs angoisses, leurs regrets, leurs secrets ou ceux des générations qui les ont précédées puisque vos parents eux-même les ont reçus en héritage (et n'ont pas su s'en défaire).

Pour Freud, la véritable transmission est indépendante de notre volonté et ne suit pas forcément l'ordre des générations. Ce qui explique que nos comportements soient parfois guidés, sans que nous ayons pleine conscience, par un passé dont nous ignorons tous les détails. Couper ses racines, les étouffer ? Non, M. Winter vous invite à les laisser agir mais à choisir.

On peut se décoller de son histoire familiale, rebattre les cartes et décider des atouts avec lesquels on va jouer. A l'adolescence, classiquement, on se bat contre ce qui nous a été transmis. Mais on peut le faire à nouveau ensuite, à tout moment. J'adhère complètement à ce genre de message. Rien n'est prédeterminé, on peut toujours agir. Choisir, décider.

Dans ce livre, donc, Jean-Pierre Winter apporte son éclairage en s'appuyant sur les ténors de la psychanalyse (Freud, Lacan et Dolto). le constat aurait pu être effrayant pour qui aime tout contrôler, puisque Freud nous dit en substance : nous ne savons quasiment rien de ce que nous transmettons ni de ce que nous absorbons puisque cela passe de surmoi en surmoi. On capte donc sans distinction, ni filtrage, le bien et le mal. Heureusement, Jean-Pierre Winter nous rassure : nous avons tout de même un pouvoir d'action lors de l'émission et de la réception.

Nous sommes certes constitués de ce que l'on nous a transmis à l'école et à la maison, mais nous sommes également le fruit de nos choix. Si la distribution des cartes est sans doute inégale, il y en a toujours deux ou trois plus fortes dans le paquet : à nous de les repérer !
Lien : http://facetiesdelucie.canal..
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Revenons maintenant au petit miracle dont nous parlent Dolto et Lacan.
J'ai finalement trouvé un autre témoignage de l'éclair de compréhension, cette fois chez un adulte, qui nous apporte lui aussi quelques clés pour comprendre ce qui peut bien se passer en nous au moment où nous apprenons à lire.

Il s'agit du déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion.
Nous sommes au XVIIIe siècle, tous les savants européens sont alors à la recherche de la clé qui permettrait non plus de continuer à déchiffrer hiéroglyphe par hiéroglyphe ce qui est gravé ou peint sur les pyramides, mais de sortir du B-A-BA hiéroglyphique pour passer à une véritable lecture.
Tous ces savants ont beaucoup avancé. A Londres, à Berlin, à Munich, à Paris, à Rome, on sait déjà beaucoup de choses sur l'écriture et la culture égyptiennes.

Mais ce milieu reste prisonnier d'une conception qui veut que les hiéroglyphes soient des images. C'est précisément cette conception du hiéroglyphe comme image qui bloque l'avancée. Certains ont émis l'hypothèse que peut-être ces images pouvaient de temps en temps être autre chose que des images, mais quoi ? (...)

Depuis son enfance, Champollion est passionné par l'Egypte ancienne.
C'est un jeune homme assez bizarre, incapable de suivre un cursus scolaire et qui a des évanouissements à répétition. (...) En étudiant un cartouche sur lequel bien des savants se sont déjà penchés, Champollion a une idée concernant le sens d'un hiéroglyphe qui se trouve au milieu du cartouche. Il s'agit d'un rond, qui signifie "ra" et tout le monde pense qu'il désigne le dieu Ra. Et puis il y a un signe qui se lit "ms", et une espèce de trident. Personne ne sait lire ce cartouche (...)

Et voilà que le jeune Champollion, tout à coup, comprend que "ra" pourrait aussi représenter le son "ra", et pas seulement le dieu du Soleil.
"Ra" est une syllabe. En appliquant le même raisonnement aux deux autres syllabes, il peut lire le nom qui est inscrit dans le cartouche : "Ramsès".
En un éclair, comme dans la description de Françoise Dolto, il a trouvé la clé que tout le monde cherchait. (...) Puis il commence à déchiffrer, comme un fou, les hiéroglyphes.

(...) il n'est pas sans importance de rappeler qu'avant même de maîtriser le sens de ce qu'il lisait là, Champollion s'était révélé capable de lire la langue égyptienne quel que soit le mode graphique sous lequel elle se présentait.

(...) Loin de moi pourtant l'idée qu'il ne faille exercer aucune contrainte.
Mais il faut s'entendre. Pour revenir à l'exemple de Champollion, pourquoi est-ce lui qui trouve, et pourquoi pas les autres ?

Certes, il a du génie et il a une passion.
Mais il y a aussi que dès son plus jeune âge, il a appris l'hébreu, il a appris l'araméen, il a appris l'assyrien, il a appris le chaldéen, le grec, le latin ...
Il sait déchiffrer un texte dans plusieurs écritures, comme pour la pierre de Rosette, et il est un savant bibliste. Tout cela, il a bien fallu l'acquérir.
Tout ne peut pas être mis au compte du seul génie.
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Très rapidement, lors de mes toutes premières séances d'analyse, j'avais apporté un rêve à mon analyste, un rêve où je dois faire un exposé au séminaire de Claude Lévi-Strauss, que je suis à l'époque au Collège de France. Lévi-Strauss me demandait de dessiner mon arbre généalogique.
J'allais donc au tableau et y dessinais selon la méthode des ethnologues des ronds pour les femmes, des carrés pour les hommes, et des lignes qui joignaient les uns aux autres. (...) Sur la première ligne, je pouvais inscrire le nom de mon père et celui de ma mère, à la génération précédente je pouvais inscrire le nom de mon grand-père maternel, mais toutes les autres cases étaient vides. Le rêve était assez angoissant.

En me réveillant, puis en racontant ce rêve à l'analyste, je m'étais posé cette question : "Mais en quoi est-ce un rêve ? Si la même demande m'avait été faite dans la réalité, cela eût donné exactement le même résultat."

(...) Survivant de la Shoah, mon père était particulièrement mutique, il n'avait pas cru bon de me dire comment s'appelaient son père et sa mère, son grand-père et sa grand-mère, etc.

C'est pourquoi la question de la transmission familiale se posait d'emblée pour moi du côté de la blessure. Ou du côté de l'absence. Ou du côté du manque.
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Revenons à la remarque freudienne. L'indication d'âge, quatre à cinq ans, ne vient pas au hasard. C'est celui à propos duquel Freud dit : "Le petit bonhomme est un métaphysicien." Dans le même temps, remarquons-le, ou juste avant, l'enfant est aussi désigné comme un "pervers polymorphe", ce qui veut dire qu'il cherche le plaisir sans retenue, par toutes les voies possibles et préférentiellement au contact des autres corps.

Pour le moment, c'est le "petit métaphysicien" qui nous intéresse.
Pourquoi ce terme ? Parce que cet âge, quatre à cinq ans, est aussi celui où l'enfant commence à se poser et à nous poser les grandes questions, les questions existentielles, celles auxquelles les philosophes n'ont jamais fini de répondre. Il est au moins deux de ces questions auxquelles aucun enfant n'échappe : "D'où viennent les enfants ?" et "Qu'est-ce que la mort ?"

Autrement dit, la prise de conscience d'une énigme aux deux extrémités de la vie est contemporaine de l'âge auquel l'enfant apprend à lire.
Ca n'a l'air de rien, mais il n'est pas indifférent que précisément au moment où il se pose ces questions, il se trouve confronté à une autre énigme : l'usage des lettres, l'écriture, la lecture.
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Or ce que j'essaie de soutenir, c'est la dimension aléatoire de ce par quoi un sujet est concerné.
Pour certains, le fait d'avoir des aïeux ou d'appartenir à une ethnie ou à un peuple représente un poids considérable, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres de la même famille. (...) Il serait donc absurde de soumettre l'un et l'autre à un "bilan transgénérationnel" comme cela se fait de plus en plus souvent. J'insiste sur le fait que ce n'est pas du tout la perspective de Mme Schutzenberger. Elle n'est peut-être pas pour rien dans cette systématisation, elle l'a peut-être laissée s'installer, mais on ne peut pas lui jeter la pierre.

L'expression d' "héritage archaïque" semble plus juste parce qu'un héritage s'accepte ou se refuse. Il y a place pour ce qu'on appelle ailleurs le "libre arbitre". Ou pour ce que Freud nomme "le choix de la névrose".
Nous n'avons pas affaire à un déterminisme radical.

Or il y a dans l'idée du transgénérationnel tel qu'il fonctionne aujourd'hui quelque chose qui se présente presque comme une prédétermination.
Alors que dans la psychanalyse, si on peut parler de "déterminisme", c'est seulement après coup, une fois qu'on a procédé à une reconstruction de l'histoire et qu'elle s'est avérée efficiente. C'est très important.
Freud a très tôt mis en garde contre ce qui pourrait apparaître comme une version, disons, "superstitieuse", ou "métaphysique", de la théorie psychanalytique.
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La transmission, nous en avons une idée a priori qui serait celle d'une continuité. Quelque chose passerait et serait repris de génération en génération, de professeur à élève, de parents à enfant, alors que l'exemple que je viens de donner montre une transmission biaisée, si ce n'est arrêtée, ou déformée, inversée, déviée, etc. C'est souvent le cas.

Certaines fois, ce sont les circonstances, par exemple des guerres de religion, qui l'arrêtent ou sont le prétexte à y mettre un frein, par exemple l'expulsion des Juifs d'Espagne avec les conversions forcées, l'Inquisition, etc.
La Shoah a tranché net bien des fils de la transmission. Il est intéressant de constater comment ils sont repris ou abandonnés.

Mais il n'y a pas que les grandes circonstances pour interrompre la transmission. Des micro-événements peuvent s'avérer d'une portée plus déterminante que les événements historiques. (...) Quand on travaille comme je le fais, on observe que ces micro-événements ont souvent eu lieu dans l'enfance.
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Video de Jean-Pierre Winter (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Winter
Que peut encore le politique ? - Séminaire RDJ .Que peut encore le politique ? le dimanche 21 avril à 11 heures Avec : Maurice Szafran, président-directeur général de Marianne, Alain-Gérard Slama, historien, éditorialiste au Figaro, et professeur à Sciences-Po, Sihem Habchi, ancienne présidente de « Ni putes ni soumises », Jean-Pierre Winter, psychanalyste. Un débat animé par Alexis Lacroix. Poursuivez la réflexion avec les ouvrages de Sihem Habchi et de Jean-Pierre Winter : " Toutes libres ! : rebels et insoumises, exigeons l'impossible " Sihem Habchi, Pygmalion, 2013, 236 pages " Les hommes politiques sur le divan " Jean-Pierre Winter, Calmann-Lévy, 2012, 264 pages
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