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EAN : 9782252040409
260 pages
Klincksieck (14/02/2017)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Frank Lloyd Wright (1867-1959), le célèbre architecte et théoricien de l'architecture organique, et l'historien et critique Lewis Mumford (1895-1990) ont joué un rôle crucial dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, comme en témoigne leur longue et abondante correspondance.
Ces deux figures majeures de la culture américaine échangèrent plus de 150 lettres passionnantes, clairvoyantes, énergiques, spirituelles mais non dépourvues de tensions, qui i... >Voir plus
Que lire après Trente ans de correspondance 1926-1959Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Trente ans de correspondance" où quand le plus grand architecte du XXème siècle rencontre le critique le plus perspicace de son époque !
Je suis depuis longtemps admiratrice de Franck Lloyd Wright, ce génie qui a révolutionné l'architecture en la faisant entrer dans l'ère de la modernité. Créateur prolifique, il fut à la tête de plus de quatre cents réalisations, des maisons principalement (la maison sur la cascade…) mais aussi des immeubles, hôtels, musées (le Guggenheim de New York) et autres chefs d'oeuvres… Il est notamment à l'origine du style Prairie et des maisons « usoniennes », petites habitations fondée sur le mode de vie américain et intégrée dans le paysage des États-Unis. Reconnu en 1991 par L'AIA (Institut des Architectes Américains) comme le plus grand architecte américain de l'histoire, les États-Unis ont demandé en 2015 l'inscription officielle de 10 de ses oeuvres au patrimoine mondial de l'UNESCO !
J'avoue par contre que je ne connaissais pas Lewis Mumford, critique, écrivain et historien de l'architecture de l'urbanisme qui est assez peu connu en France dont je n'avais que très vaguement entendu parler. Cette ouvrage m'a fait découvrir un homme dont les connaissances pluridisciplinaires lui ont permis de développer une approche globale de l'histoire des civilisations et qui s'avère, dans son domaine, tout aussi visionnaire que Wright. Ce que j'ai lu de lui dans cet ouvrage de correspondance m'a donné envie d'en savoir plus sur ses recherches à tel point que certaines de ses publications que la curiosité m'a déjà poussée à survoler, feront probablement partie de mes prochaines lectures... Très tôt, la diversité de ses centres d'intérêts, et notamment ses connaissances en économie permettent à Mumford de comprendre que c'est l'invention de l'horloge mécanique - et non la machine à vapeur - qui a révolutionné la société. Au temps naturel, fait place le temps mesuré, découpé, dont les unités deviennent la mesure de valeur du travail. Ainsi peut naître et croître la société industrielle...avec son lot d'ouvriers et d'employés de bureaux payés à l'heure. Ses réflexions vont bien au-delà de celles de ses confrères de l'époque puisqu'il s'interroge déjà sur le bien-fondé même d'une croissance continue. Non content de s'inquiéter avant l'heure des conséquences de l'agriculture intensive et de l'industrialisation à outrance, il va jusqu'à proposer la mise en place de systèmes de recyclage et d'énergies renouvelables pour limiter les effets du gaspillage et de la pollution. En analysant ainsi l'histoire de l'architecture américaine en parallèle avec l'évolution des techniques et les transformations de la société, Mumford met en lumière l'impact du lien politique et social sur les modifications du tissu urbain. Il acquiert dès le milieu des années 20' une place de premier plan dans le débat intellectuel de l'époque.
C'est en 1926 que débute à correspondance entre les deux hommes. Elle se fait à l'initiative de Franck Lloyd Wright. L'Architecte, bien que déjà célèbre, se trouve alors à une période critique de sa carrière et doit faire face à des revers de fortune. A l'inverse, celle du jeune Mumford qui a trente ans de moins en plein essor.
Avec de telles personnalités, les débats on s'en doute, vont bien au-delà de l'architecture, même si l'on y retrouve les figures majeures de l'époque comme Sullivan, Neutra, Le Corbusier ou encore Mies van der Rohe et Gropius (deux des directeurs de l'école du Banhaus que j'adore !).
La richesse de l'introduction est telle (60 pages) qu'elle pourrait presque suffire à elle-même ! La lecture des lettres permet néanmoins de saisir, dans leur différence de style, la personnalité des deux hommes, de mieux cerner leur tempérament, de ressentir leurs sujets de colère ou d'agacement tout comme leurs blessures et drames personnels. Ces échanges montrent notamment un Wright soucieux de l'opinion de Mumford et qui tente de développer avec le critique une proximité à laquelle ce dernier, soucieux de conserver son indépendance, parvient habilement à résister. Cette amitié, fondée sur un respect mutuel est néanmoins ponctués de désaccords parfois profond allant jusqu'à l'interruption de leur relation pendant une décennie. Elle reprendra en 1951 à l'initiative de Wright.
Merci à Babelio pour cette superbe découverte Mass Critique.
J'ai juste regretté l'absence de photos pour illustrer les oeuvres Wright auxquelles les lettres font références. Regret vite oublié en ce qu'il m'a conduit à me replonger avec bonheur dans un magnifique ouvrage sur Franck Lloyd Wright que je n'avais pas consulté depuis longtemps, "Les maisons" de Alan Hess et Alan Weintraub qui comprend une iconographe particulièrement riche (près de 300 maisons avec photos et plans) qui a parfaitement complété la lecture de ces "Trente ans de correspondance".
Une correspondance à conseiller à tous les admirateurs de cette époque.. et à ceux qui souhaitent la découvrir !
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Publier la correspondance entre deux personnalités marquantes de l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme n'est pas une chose aisée notamment pour la rendre accessible au plus grand nombre. Cependant, l'introduction et les notes du traducteur détaillent la vie et l'oeuvre des deux hommes donnant ainsi les jalons nécessaires à tout lecteur novice dans l'art de Wright et les écrits de Mumford.

En 1926, Frank Lloyd Wright a 59 ans et Lewis Mumford en a 31. L'un est au milieu de sa carrière dans une période difficile, l'autre au début de la sienne qui connaît une envolée. Tout les sépare, même la distance et, pourtant c'est le début de trente ans de correspondance. Celle-ci fluctuante en intensité selon la charge de travail des deux hommes connaîtra un seul arrêt durant dix ans en raison d'opinions divergentes sur la Seconde Guerre Mondiale. Cependant, leur relation renaîtra pour mieux s'épanouir par la suite en échanges toujours aussi féconds et stimulants pour les deux hommes.

Les lettres sont riches en débats sur l'architecture et l'urbanisme contemporains où chacun exprime son point de vue sur ses théories, son oeuvre ou celles de ses collègues avec la plus grande franchise. Loin de se limiter à leurs disciplines respectives, les lettres dévoilent l'intérêt des deux hommes pour l'économie, la politique, la société et la famille. Malgré de nombreux points de vue divergents, ils ont conscience de l'importance de l'environnement dans la notion de l'habitat. Tous les deux adoptent d'ailleurs ce principe dans leur vie quotidienne loin des centres villes dans des maisons adaptées à leur conception comme Taliesin pour Frank Lloyd Wright.

La force et l'intérêt de ces lettres résident dans la manière où les deux hommes perçoivent leur relation. Si Lewis Mumford est plus retenu et distant dans ses propos, Frank Lloyd Wright est au contraire plus familier recherchant constamment un rapprochement entre eux. Les nombreuses invitations des Wright aux Mumford, les cadeaux comme les estampes japonaises de Wright ou la proposition de direction de l'école d'architecture de Taliesin à Lewis Mumford démontrent une volonté de distanciation entre le critique et l'architecture visant à conserver son indépendance d'esprit et sa liberté de paroles ce que lui rapprochera parfois d'ailleurs l'architecte.

La lecture des lettres nous révèle également une facette intéressante de l'architecte qui a toujours été l'initiateur de ces échanges avec Lewis Mumford même après leur dispute. La raison tient principalement au fait que les deux hommes avaient les mêmes attentes en matière d'innovations architecturales et que leurs échanges étaient profondément stimulants pour la pensée de l'un comme pour l'autre.

Un très belle découverte dans le cadre de Masse critique. Je remercie Babelio et les éditions Klincksieck.
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Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les éditions Klincksieck qui m'ont sélectionnée pour recevoir cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse Critique du mois de janvier.

Ce livre, comme son titre l'indique, nous présente la correspondance qu'ont entretenu Frank Lloyd Wright, architecte et théoricien de l'architecture organique, et Lewis Mumford, critique d'architecture et écrivain entre 1926 et 1959. En 1926, Wright traverse une période sombre que vient éclairer un article de Mumford, qui cite le nom de l'architecte à un moment de sa vie où celui-ci est plutôt ignoré du grand public. Malgré une grande différence d'âge – presque trente ans – les deux hommes deviennent amis et vont entretenir une correspondance passionnante jusqu'à la mort de Wright en 1959.
En plus des lettres de Wright et Mumford, vers la fin du livre, nous retrouvons les lettres de leurs épouses respectives, Olgivanna Lloyd Wright et Sophia Wittenberg Mumford, qui révèlent plus de détails sur la vie privée des deux couples. La dernière lettre, écrite après la mort de Wright, résume parfaitement la relation qui unissait les deux hommes.

On note cependant dès le début de cette correspondance que les deux hommes avaient une conception très différente de leur amitié. L'architecte voit Mumford comme un ami fidèle et un admirateur fervent tandis que le critique préfère garder ses distances afin de ne pas perdre son indépendance professionnelle. Même s'ils sont d'accord sur la majorité des points, leurs désaccords, tant sur le plan professionnel que personnel, créent des tensions entre eux qui finissent par éclater au grand jour pendant la Seconde Guerre mondiale et conduiront à un arrêt de leur correspondance pendant dix ans.

Les lettres de Wright sont très exubérantes, remplies de spontanéité, quand celles de Mumford sont plus réfléchies, certainement relues et bien plus modérées dans leur ton. le critique n'hésite pas, de plus, à flatter l'orgueil de l'architecte quand cela peut servir ses intérêts. S'ils s'apprécient sur un plan professionnel et se rencontrent avec plaisir les rares fois où cela a été possible, ils ont aussi chacun bien conscience des défauts de l'autre et, s'ils n'en discutent guère entre eux, ils n'hésitent pas à en informer, chacun de son côté, leurs proches, voire à mettre le débat sur la place publique, comme lorsqu'il s'agit de l'implication américaine dans la Seconde Guerre mondiale.

Les liens qui unissaient Wright et Mumford permettent de traverser le XXème siècle au fil de leur carrière respective. Leur divergence d'opinion sur la Seconde Guerre mondiale illustre parfaitement la division de la population américaine sur ce sujet. Surtout, leurs discussions sur l'architecture nous font revivre le débat qui a passionné le milieu tout au long de ce siècle, en opposant l'architecture moderniste et ses règles rigides à une conception plus humaniste de cet art, qui n'était pas la plus répandue dans l'entre-deux-guerres.
La lecture de ce livre est agréable et enrichissante ; je ne regrette vraiment pas de l'avoir découvert. Point positif, même les profanes en architecture – comme moi – peuvent s'y intéresser. L'introduction, claire et détaillée, regorge d'informations tant sur la vie des deux auteurs que sur le monde de l'architecture et les discussions qui y prenaient place à cette époque. Les notes du traducteur et les nombreuses références en bas de page n'étaient pas non plus de trop pour faciliter la compréhension.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
A Lewis Mumford, 20 février 1952

Cher Lewis! - sic!
Je ne saurais te dire à quel point j'ai été heureux de me retrouver en ta présence, en esprit aussi bien qu'au physique, lequel étant fondamentalement le même Lewis primordial. La prodigieuse compréhension du tout début de notre amitié est toujours effervescente. Tu n'as jamais été à ce point critique aussi bien qu'écrivain, créateur, champion des causes culturelles, Lewis.
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A Lewis Mumford, 27 août 1958
Lettre non envoyée

Cher Lewis, réflexion faite !
Il existe bien une unique différence entre le créateur et l’artisan : plus un créateur crée, plus il devient créatif en se développant par la pratique, alors que plus un artisan exerce son métier, moins il peut en faire, à mesure que se développe sa vie d’ouvrier. La raison de ce processus tient à la nature de l’Esprit humain. L’artisan est nourri par le créateur.
Le créateur est inspiré par une source : la Nature. Il ne connaît pas de limite, la réalité de cette limite. L’âge n’est à ses yeux qu’une condition. Sa vision s’accroît ou diminue en s’exerçant.

Mon affection,
FLLW
Frank Lloyd Wright
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A Lewis Mumford, 9 mi 1959

Cher Lewis,
Merci pour votre lettre : ce sont de belles paroles. J'aurais souhaité que vous en disiez davantage à Frank en personne quand il était vivant : votre relation le désolait. Il est triste que la mort ouvre si souvent les yeux des vivants.
Avec mon affection à vous et à Sophie,
Olgivanna
Olgivanna Lloyd Wright
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