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EAN : 9782130811787
208 pages
Presses Universitaires de France (03/10/2018)
4.44/5   16 notes
Résumé :
En ouvrant Twin Peaks par l'image de la destruction d'un tube cathodique, David Lynch avait marqué de manière décisive que son ?uvre serait avant tout une méditation sur la télévision. Cette méditation, toutefois, ne visait pas simplement à découvrir la vérité de ce médium, vérité gnostique et capitaliste à la fois, mais aussi à en incarner la crise : ce moment où les puissances déchaînées par le miroir que la télévision tendait à ses spectateurs ne pouvaient que se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il n'existe pas d'oeuvre mineure, nous dit Pacôme, mais seulement des spectateurs fatigués qui ne demandent qu'une trêve dans un quotidien sans batailles apparentes. Il n'existe pas d'oeuvre mineure, mais beaucoup de croûtes – subterfuge d'images clinquantes qui viennent masquer la disparition de la créativité de ceux qu'on appelle à juste titre « producteurs ».

Twin Peaks, contrairement à l'immédiatement consommable du prêt-à-être-oublié, appelle à être redécouvert sans fin. Mise en abyme initiatique, le plus grand gaspillage serait de ne rien vouloir comprendre de ses mystères, qui sont aussi les nôtres, qu'ils soient conscientisés ou non. le plus terrible gâchis serait de regarder Twin Peaks « comme le dilettante [qui] quitte une salle de cinéma où, après s'être goinfré d'images, il a commencé à s'ennuyer ». Car « il ne s'agit pas de voir. Il ne s'agit jamais seulement de voir. Il ne s'agit pas seulement de connaître non plus. Il s'agit de voir pour connaître. Et de connaître pour voir encore ». Pacôme nous annonce ainsi son programme.

La diffusion de Twin Peaks se déroule sur deux saisons entre avril 1990 et juin 1991. La série s'arrête sans donner l'impression d'être achevée – épochè du réalisateur tout-puissant. Laura Palmer ne murmurait-elle pas à l'oreille de Dale Cooper qu'ils se reverraient à nouveau, vingt-cinq ans plus tard – même si ce ne serait pas vraiment elle, et pas vraiment lui non plus d'ailleurs ? Contre toute attente, David Lynch produit en 2016 la troisième et dernière saison de Twin Peaks et nous retrouvons tous ses acteurs tels que nous les avions laissés – l'âge en plus, anecdotique. Pacôme écrit les deux premiers essais de ce recueil alors qu'il considère que la série est terminée. Surpris comme tout le monde de son retour avec une troisième saison en 2016, il est contraint de réviser son jugement et écrit ainsi « La substance du monde », troisième essai de ce recueil.

Quel est le sens des deux premières saisons de la série, considérées comme formant un tout achevé ? Les éléments qui devraient assurer la réussite heureuse de l'enquête que mène Dale Cooper sont réunis. Dale Cooper, imaginé par Mark Frost sur le modèle de David Lynch, est en effet une représentation parfaite de « sa profonde gentillesse, sa délicieuse humanité, son aspiration permanente à la bonté, son incapacité charmante à blesser qui que ce soit ». Malheureusement « [cela] ne suffit pas, [cela] ne suffit jamais ». Cherchant à interpréter le monde par les moyens des religions modernes syncrétistes (bouddhisme pop, théosophie, synchronicités jungiennes, rêves), Dale Cooper est un représentant à son insu du New Age. le New Age et ses nobles intentions, qui concourent à la recherche d'une harmonie, se dérobe à toute critique. Il se propose comme une vision alternative du monde, qui permettrait à ses représentants d'échapper aux méfaits provoqués par l'hégémonie capitaliste. En réalité, le New Age n'est que le supplément d'âme du capitalisme. Il lui permet de durer dans l'illusion qu'il est possible de s'en extraire n'importe quand par la pensée New Age – instant de l'émerveillement du capitalisme sur lui-même.

« Et, à travers le récit de l'échec de l'agent Cooper, Twin Peaks narre l'échec du New Age comme instauration d'un nouveau régime spirituel capable de s'imposer face au « capitalisme comme religion ». Par le caractère syncrétique de sa foi (mélange de bouddhisme, de synchronicité jungienne et de confiance dans son intuition), Dale Cooper est le New Age même, et le monde de la Loge Noire devient la mise en scène rigoureuse de son rapport à la spiritualité. »

Et comme Dale Cooper est David Lynch, ou l'inverse, cette chute ne concerne pas seulement un personnage de fiction. Elle concerne aussi David Lynch, dont le rapport à sa création sera radicalement transformé à partir de Twin Peaks.

« Car après Twin Peaks, et que ce soit dans Lost Highway (1997), Mulholland Drive (2001) ou Inland Empire […], ses fictions se déroulent dans un monde où ni plaisir ni sentiment ne sont désormais légitimes. L'anticosmisme lynchéen se transforme en misanthropie, son antinomisme dégénère en paranoïa. Ce n'est plus un monde où « les rouges-gorges se nourrissent de cafards » (comme dans Blue Velvet) et où « si tu es vraiment sauvage au coeur, alors tu te battras pour tes rêves et tu ne t'éloigneras pas de l'amour » (comme dans Wild at Heart). le monde de Lost Highway, de Mulholland Drive ou de Inland Empire, littéralement infecté par la pornographie, la corruption, la mafia, la police, la prostitution et le Mal, est un monde où nulle beauté n'est perceptible et où nul amour profane n'a de sens. »

Dale Cooper est allé se perdre dans la Black Lodge parce qu'il a cédé aux appels de son coeur et qu'il s'est laissé prendre au piège de l'une des illusions que compte le bouddhisme : l'attachement. Cette idée porte les prémisses des réflexions ultérieures de Pacôme dans Sycomore Sickamour.

« Non seulement la spiritualité New Age de Cooper ne l'a pas empêché d'être possédé par Bob, mais peut-être même est-ce elle qui l'a conduit à cette possession plus sûrement encore. En pensant qu'il s'agissait de combattre le Mal avec un parfait courage, en suivant des signes équivoques qu'il croyait relatifs à son élection, en pensant même qu'il pourrait sauver Annie en s'offrant en sacrifice, il a continué à s'enfoncer dans un « bourbier » lié, non à la délivrance, mais à l'intensification des pulsions liées à l'amour, à l'intensification des attachements. […]
Ce sickamour ne peut pas aboutir à quoi que ce soit. Il n'existe que comme une transcendance déstabilisante au milieu du cosmos brisé par un Temps en lutte contre lui-même. Ce sickamour est une accélération vers la fin du monde. »

La saison 3 de Twin Peaks pourrait tout changer. Dale Cooper n'a pas rejoint la Black Lodge guidé par une passion aveugle : il suivait une mission. Est-ce que ça lui a mieux réussi ? Pas sûr. Il s'est si bien paumé dans les limbes que nous ne comprenons plus ce qu'est devenu Twin Peaks.

« le sujet de la saison 3 de Twin Peaks, c'est l'impossibilité de retourner à Twin Peaks. de façon plus générale, c'est l'impossibilité pour l'homme d'aujourd'hui de se réinstaller dans le monde. L'impossibilité de retrouver la nature, la communauté humaine, la vie authentique. Sauf que ce paradis perdu était un paradis artificiel. »

Entre 1990-1991 et 2016, la chute du cours de l'existence s'est prodigieusement accélérée. Notre monde est peint sous ses aspects les plus moches. Tout le monde semble avoir abdiqué, même Dale Cooper, qui s'est dédoublé en deux étranges figures paradoxales : l'activité maléfique, la passivité hallucinée. Thiellement ne relève que quelques figures positives dont celle du Docteur Jacoby qui tient une chaîne Youtube pour inciter ses spectateurs à se sortir de leur merdier. Il repeint des pelles de jardin couleur or pour que chacun aille creuser et s'extirper de son trou de merde. « Libérons-nous nous-mêmes de la merde que nous avons dans les yeux ou nous serons remisés parmi les morts : voilà ce que nous dit en substance la saison 3 de Twin Peaks. »

Cette libération n'est rien d'autre que la sortie hors du monde imaginaire dans lequel nous vivons depuis que le désir et le rêve ont été promus au premier plan du règne capitaliste. On peut citer Olivier Rey : « il me semble que notre époque est tout sauf matérialiste. le moteur de la société de consommation n'est pas la possession d'objets, mais la lutte pour la reconnaissance à travers ce qui est consommé. le vrai matérialiste serait attaché aux objets, alors que le consommateur s'en détache très vite au profit de nouveaux objets qui le valorisent davantage ». Et justement, « tout ce qui manque aux vies des personnages est imaginaire. le véritable drame, c'est de ne rien arriver à faire de ce qu'on a. »

Twin Peaks n'est pas une histoire à l'eau de rose que l'on boirait pour se réchauffer le coeur afin que, provisoirement revigorés, nous continuions d'approuver ce monde par abdication. Twin Peaks ne propose pas une idéologie supplémentaire, construite en opposition à l'idéologie dominante du moment. Cette série met en scène le dynamisme d'arrière-plan qui sous-tend la succession infinie de ces luttes entre esprit de conservation et esprit de dissolution, entre vérité et illusion. « le combat entre la Lumière et les Ténèbres ne cessera pas : il n'est pas un accident de ce monde, mais la substance même de celui-ci. » Twin Peaks pourrait être l'image d'une prise de conscience.
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Exégèse d'une série à part

Les premiers pas de Pacôme Thiellement dans le monde de l'édition sont consacrés à la bande dessinée, au travers d'un fanzine et d'une maison de micro-édition. Passionné par la culture dite « populaire », il publie de nombreux essais autour de figures diverses telles que Paul McCartney, Frank Zappa ou Bertrand Mandico. Il se spécialise en particulier sur l'oeuvre de David Lynch, et Trois essais sur Twin Peaks rassemble quelques-uns de ses écrits ou conférences sur le réalisateur américain. le premier, La main gauche de David Lynch, est sous-titré Twin Peaks et la fin de la télévision et fut publié aux Presses universitaires de France en 2010. le deuxième, Exégèse de la black lodge, sous-titré Un ta'wîl de Twin Peaks, est issu d'une conférence de 2014, et le troisième, La substance de ce monde, évoque en grande partie la saison 3 de la série Twin Peaks, et est le fruit de travaux publiés dans les Cahiers du cinéma ou élaborés dans les émissions Mauvais genres et Plan large.

Le début

Le miroir est pour l'homme qui le regarde une façon de se rassurer, mais il arrive que l'image qu'il nous renvoie nous trouble. Dans le long-métrage Laura, d'Otto Preminger, réalisé en 1944, l'inspecteur McPherson, interprété par Dana Andrews, mène l'enquête autour du meurtre de Laura Hunt. Cette jeune femme, qui était entourée de nombreux hommes, fut abattue d'un coup de fusil dans le visage. McPherson tombe sous le charme de Laura, de façon post-mortem, et le grand portrait d'elle accroché dans son salon le fascine. Au milieu du film, il s'endort dans le canapé et Laura réapparaît : il s'avère qu'un mannequin avait pris sa place et qu'elle était absente le week-end du crime. L'objet du film n'est donc pas l'intrigue policière en tant que telle mais plutôt l'incarnation de cette beauté fatale, et la façon dont cette image a un effet, à la fois sur le personnage principal, mais aussi sur les spectateurs.

Analyse

Replonger dans l'univers de la série créée par David Lynch avec Trois essais sur Twin Peaks est tout à fait fascinant. Pacôme Thiellement connaît bien son sujet et a des idées assez précises sur la façon dont un spectateur peut analyser cet objet télévisuel peu commun. Il explique assez bien comment ce projet a été monté, et combien il différait par rapport aux autres productions télévisuelles de l'époque, soit la fin des années 1980. C'est d'ailleurs plus complexe, puisque sur le papier, Twin Peaks reprend tous les codes de nombreux feuilletons. le spectateur est tout d'abord confronté à un meurtre non élucidé, et l'intrigue semble se diriger vers la résolution de ce mystère. Puis l'on découvre les habitants de la ville dans laquelle s'est déroulé le crime, et les nombreuses relations qu'ils développent, ce qui nous laisse penser que la série s'achemine vers un soap opera. C'est compter sans la dimension mystique, où le spectre du fantastique fait son apparition.

D'ailleurs une place non négligeable est donnée, dans Trois essais sur Twin Peaks, sur la dimension mystique de la série. Il ne faut pas oublier que la méditation transcendantale a une place essentielle dans la vie de David Lynch, pour qui le maître spirituel Maharishi Mahesh Yogi a eu un impact substantiel. Et force est de constater que les éléments fantastiques s'épanouissent dans Twin Peaks, de la loge noire, un des éléments phares de cette oeuvre aux multiples ressorts spirituels, du feu qui « marche » aux tulpas, en passant par les intuitions de l'agent Dale Cooper ou les doppelgängers. Les mystères de la série sont nombreux, et Pacôme Thiellement ne tente pas de tous les résoudre. S'il accorde une très grande place à son interprétation et à ses clés de lecture, il ne force aucunement le lecteur à entrer dans son analyse, et plusieurs passage de ses textes laissent à penser que la création de David Lynch, et de Robert Frost, réserve encore une quantité d'énigmes, ce qui en accroît sa richesse.

Et Trois essais sur Twin Peaks parvient à établir des correspondances entre les trois saisons de la série et d'autres oeuvres, en premier lieu celles de David Lynch, mais aussi d'autres artistes. Ainsi la filmographie du metteur en scène est-elle regardée au prisme des interactions que ses productions développe entre elles. On peut citer par exemple Mullholand drive, où le Silencio aux rideaux rouges rappelle la salle d'attente où Laura Palmer « discute » avec Dale Cooper, ou l'innocence pervertie de Jeffrey Beaumont, dans Blue velvet, et la noirceur de la destinée de Nikki Grace, dans Inland empire. Mais l'on peut aussi remarquer plusieurs liens entre Twin peaks et d'autres oeuvres cinématographiques, en premier lieu desquels le prénom de Laura Palmer, qui est, selon Pacôme Thiellement, et bien d'autres observateurs, une réminiscence de la protagoniste du film d'Otto Preminger, figurant sans nul doute parmi les films préférés de David Lynch.
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Il se passe quelque chose.

Mais quoi ?

C'est à cette question que répond ce livre.

Pas seulement : il se passe quelque chose dans Twin Peaks, ou dans l'Oeuvre de David Lynch. Mais aussi : il se passe quelque chose, tout court. Dans notre réalité, dans notre monde. Et les trois saisons de la série culte (Ô mot galvaudé s'il en est) et le long métrage qui en découle en témoignent. Ce témoignage est singulier, cryptique, donc à déchiffrer, tout en étant viscéral, donc à ressentir. Funambule, vas-tu tomber ? Assurément Pacôme Thiellement ne chute pas, il plane même. Usant de sa tête comme de son ventre, il dit ce qu'il a vu, ce qu'il a compris, il dit ce qui se passe.

Et toi de hocher la tête, incrédule, dubitatif (parfois), conquis, enthousiasmé (souvent).
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Une superstition moderne voudrait qu'un excès d'analyse nuise au plaisir de l'oeuvre d'art. C'est une vision extrêmement réductrice du plaisir esthétique. Et une oeuvre qui épuiserait sa grandeur et sa puissance dans l'épreuve de sa dissection ne serait pas d'une portée très haute. On ne perdrait honnêtement pas grand-chose à l'exercice, de toute manière. Si l'on suit Dante, au contraire, le plaisir artistique est décuplé par l'immersion du spectateur (ou du lecteur, de l'auditeur) à l'intérieur de son processus créatif. La recherche des significations enchâssées dans une oeuvre d'art est l'activité participante du lecteur (ou du spectateur) dont l'objectif est bien l'assimilation de l'oeuvre d'art et de ses composantes, et sa régénération dans dans son propre corps. La confrontation à une oeuvre d'art authentique modifie notre manière de penser, de vivre, de mouvoir notre corps dans l'espace, de percevoir l'action de nos semblables dans la vaste composition du monde. C'est ce qui sépare un modeste divertissement d'une aventure artistique (initiatique ou non). Mais la part de divertissement, de jeu, de plaisir, est évidemment partie intégrante de l'opération décrite : l'une n'est rien sans l'autre. C'est pourquoi une oeuvre d'art qui ne procure pas également un plaisir au premier degré n'est pas non plus d'une très haute valeur.

La main gauche de David Lynch
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Les grands films de cinéma sont ceux qui ont forcé le spectateur à regarder à l'intérieur de lui-même, dans l'espace sans dimension qui sépare l’œil de la paupière, pour montrer les fantômes de la mélancolie et du rêve que son regard, depuis toujours, portait : ces spectres foliacés que la pellicule retira de nos corps depuis son ancêtre direct, le daguerréotype, et qu'elle se mit ensuite à actionner comme les pantins tirés d'un rêve. Par eux, l’œil de la caméra devient l’œil du cauchemar. Roger Gilbert Lecomte l'écrit : "Le rôle véritable du cinéma devrait être par le moyen de ses diverses techniques de transposer sur l'écran toute la vie de l'esprit. Le cinéaste devrait confronter les images qu'il puise au fond de lui-même et les images qu'il projette sur l'écran jusqu'à ce que l'expérience lui donne l'intuition d'une coïncidence approchée au plus près."

La main gauche de David Lynch
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Ce n’est pas seulement Dale Cooper qui a suivi son intuition dans une enquête qui, une fois dépassée, s’est transformée en quête des « coulisses du monde », c’est toujours David Lynch, avançant pas à pas dans les chemins contre-initiatiques de la télévision comme « monde des formes en suspens » du capitalisme pour en produire l’ésotérique par une Voie de la Main Gauche appropriée, se croyant temporairement protégé par ses croyances syncrétiques et sa foi New Age (mais aussi sa profonde gentillesse, sa délicieuse humanité, son aspiration permanente à la bonté, son incapacité charmante à blesser qui que ce soit : ce qui ne suffit pas, ce qui ne suffit jamais). Enfin, ce n’est pas seulement Dale Cooper qui s’est retrouvé bloqué dans la Loge Noire, c’est David Lynch, succombant aux forces qu’il a imprudemment déchaînées. Et les films qui suivent Twin Peaks ne sont dès lors plus de David Lynch.
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Les hommes se retournent dans leur miroir comme les enfants dans leur lit : pour trouver le sommeil. La constance apparente des choses est ce sommeil ; la permanence du visible alliée à la confiance que notre identité ne va pas nous faire faux bond pendant la nuit. Pour cela, nous composons énormément, avec ce monde comme avec nous. Nous recouvrons nos mutuels abîmes d'une fine bande de gaze. Nous attribuons nos inconsistances crasses aux hasards de la vie. Et nous nous aveuglons sur ce qui glisse en nous avec l'évidence du fildefériste ivre dans le cirque anticosmique du dieu mauvais. Le premier garant de cet aveuglement, c'est encore notre visage. En lui s'unifient, lorsque nous le regardons, les multiples puissances que nous savons s'éparpiller et s'affronter inlassablement dans notre âme jusqu'au plus complet déchirement. C'est pourquoi nous retournons, toujours, dans le miroir, vérifiant notre constance, appuyant notre permanence, implémentant notre confiance, et nous nous rassurons... Mais parfois, quelque chose d'étrange se passe. Un détail nous échappe, un amour nous trouble, un mort nous parle. Soudain, c'est le miroir qui se retourne dans l'homme ; et ce qu'il lui montre alors n'est pas bien glorieux.
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Et l’objectif de Twin Peaks, film et série, n’est rien d’autre que la sensibilisation du spectateur télévisuel à la possibilité d’une œuvre d’art initiatique. Sans cette sensibilisation préalable, l’œuvre elle-même est totalement incompréhensible et sa communication impossible. Sans cette sensibilisation, le spectateur ne peut pas même comprendre l’angoisse et l’urgence de ce que l’artiste tente de lui communiquer. Il reste passif devant la réalité de cette souffrance. Il la quitte comme le dilettante quitte une salle de cinéma où, après s’être goinfré d’images, il a commencé à s’ennuyer. Car il ne s’agit pas de voir. Il ne s’agit jamais seulement de voir. Il ne s’agit pas seulement de connaître non plus. Il s’agit de voir pour connaître. Et de connaître pour voir encore.
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Vidéo de Pacôme Thiellement
Pacôme Thiellement vous présente son ouvrage "Infernet. Internet et moi : une confession" aux éditions Massot. Entretien avec Arthur Louis Cingualte.
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