C'est avec une écriture tout aussi limpide qu'efficace que l'auteur nous plonge dans la vie d'un jeune troll adolescent vivant à Crachoutos, une cité sous le joug d'un sorcier aux "yeux rougis où brillait la folie".
"La population de Crachoutos était composé d'ogres, de gnomes et de goules qui vivaient sous la terre et ne sortaient que la nuit. Les trolls avaient de la peine à mener une vie normale. Ils travaillaient jour après jour et accomplissaient des tâches que personne ne voulait faire. Au mieux, ils édifiaient de pauvres masures dans les remblais entre les ponts, un lieu toujours froid et humide."
Travaillants et d'une nature facile et soumise, les trolls sont au bas de la hiérarchie sociale et remplissent la fonction d'esclaves sous le règne du sorcier Styrux Rex. Celui-ci, comme la majorité des habitants de Crachoustos, se complaît à vivre dans la laideur (synonyme d'attrait dans leur culture).
Or, le tyran décide un jour de faire édifier un pont au-dessus de l'imposant gouffre séparant Crapoustos de Bois-Joli, une cité garnie de forêts luxuriantes et habitée par les elfes et les fées, ces créatures ayant si mauvaise réputation. On raconte en effet toutes sortes d'horreurs sur eux : " Ils peuvent transformer une goule en un mignon phacochère. Les fées sont des êtres aux pouvoirs maléfiques et les elfes sont des brutes meurtrières. Ils collectionnent les têtes de trolls et s'en servent comme cibles pour y planter leurs flèches empoisonnées".
Quant au gouffre en question, il est très large, aboutissant à " un glacier au nord et à un volcan actif au sud" et dont le fond accueille "une coulée de lave qui bouillonne perpétuellement".
En conséquence, le projet est insensé tant par la tâche que par la fonction et personne d'autre que le sorcier ne veut de ce pont. Mais c'est dans la nature d'un tyran d'exiger et c'est ainsi que commence le recrutement des ouvriers, qui se font "trollnapper" par les ogres. Les victimes ne se font pas d'illusions: "Il était certain qu'ils goûteraient au fouet, travailleraient de longues heures et mangeraient mal. Parce que c'était le sort des trolls sous la férules des ogres."
Un récit vivant, sachant capter l'intérêt soutenu du lecteur du début à la fin: vivement la suite!
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Pourquoi les goules et les ogres nous maltraitent-ils? se demandait Rollo. Les trolls ne sont pas aussi répugnants que les ogres, ni aussi hideux que les goules, mais nous sommes suffisamment laids. Nous sommes velus, nous avons un long pifs, une grosse bedaine et des petites guibolles. Que veulent-ils de plus?
- Nous sommes des trolls, nous avons passé notre vie sous les ponts. À nous cacher. Nous ne voulions pas être vu de personne. Eh bien, on nous a remarqués. Ils veulent que nous fassions quelque chose de spécial, quelque chose que ni les ogres ni les goules ne peuvent faire.
La goule grognait et s'ébrouait comme un chien en faisant voler des morceaux de peau pourrie un peu partout. Une écume d'un vert fielleux coulait de sa blessure et Rollo réprima un haut-le-coeur.
Je ne suis pas un bon travailleur, mais je sais faire semblant d'avoir l'air occupé.
-Que fait-il? demanda Rollo en continuant à tanguer.
-Il fait quelque chose qu'il sait très bien faire... Il fait le mort.