Avec « Tuer
Napoléon III », les éditions Plon inaugurent une nouvelle collection consacrée au roman historique avec pour toile de fond de cette première publication, Paris et le coup d'Etat de
Napoléon III en 1851.
« Tuer
Napoléon III » nous invite à suivre les évènements accompagnant le changement de régime à travers le destin d'un jeune ouvrier typographe récemment débarqué à Paris. le quotidien monotone d'Etienne va être bouleversé par le coup d'Etat policier et militaire et ce Républicain convaincu va peu à peu prendre part à la lutte contre le régime impérial.
Jean-Baptiste Evette s'attaque donc à une période de grands troubles politiques et sociaux. Si sur le fond, on est de prime abord tenté de comparer ce roman à « La fortune des Rougon » de
Zola (notamment en raison de la proximité des thèmes abordés), sur la forme, on comprend rapidement que l'on a affaire ici à un style tout à fait différent, tant l'écriture et l'intrigue de
Jean-Baptiste Evette sont empreintes de modernité.
Le contexte historique est largement développé et le récit fourmille de références et de marques d'érudition, donnant parfois à l'ensemble des allures d'exposé. En effet, on ne doute pas une seule seconde que l'auteur n'est pas un contemporain de l'époque qu'il décrit. Il existe un profond décalage entre le style souvent froid, manquant de spontanéité et d'émotion, et l'époque dont nous parle
Jean-Baptiste Evette. Il devient dès lors difficile pour le lecteur d'éprouver de l'empathie pour les personnages et de se sentir pleinement concerné par ce qui leur arrive.
En dépit de cet écueil, le roman jouit néanmoins de certaines qualités indéniables. J'ai ainsi pris beaucoup de plaisir à découvrir le monde passionnant de l'imprimerie et l'hommage ainsi rendu au livre et à la lecture. J'ai apprécié entrer dans l'intimité des ateliers de typographie, découvrir les procédés employés ainsi que les risques professionnels qui en découlaient (d'ailleurs remarquablement illustrés par Etienne qui souffre de saturnisme).
L'auteur a en outre su brillamment décrire la brutalité et les bouleversements engendrés par le coup d'Etat. A travers le quotidien d'Etienne Sombre, le lecteur prend pleinement conscience de l'enchaînement des évènements et de leurs répercussions. A la monotonie du travail à l'imprimerie succède ainsi la brutalité et les bouleversements du coup d'Etat.
Le mouvement d'insurrection qui s'organise alors apparait improvisé et composé d'amateurs qui vont mener, au péril de leur vie, une lutte clandestine contre le régime impérial. Chacun devant faire face à un dilemme où la volonté de se battre se heurte à la crainte de tout perdre.
En regard de cet aspect historique du récit se greffe d'autres intrigues parmi lesquelles la naissance d'une histoire d'amour entre Etienne et une jeune voleuse, ainsi que la rencontre entre le typographe et une énigmatique jeune femme dont il va tenter de percer les secrets. Les révélations d'ailleurs inhérentes à l'identité de cette femme mystère et son rôle dans la suite de l'intrigue offrent d'ailleurs une tournure aussi inédite qu'inattendue à ce roman historique où l'auteur semble parfois jouer avec les genres.
Autant de fils du récit qui vont se croiser et se superposer au décours d'une intrigue aux multiples facettes et à la croisée des genres, qui tend pourtant (malheureusement) à s'essouffler à de multiples reprises. Car malgré quelques bonnes idées et des sursauts de rythme à certains moments, « Tuer
Napoléon III » pêche par un manque de rythme global évident.
Une lecture en dents de scie donc, sympathique dans l'ensemble, mais pas inoubliable.
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Avec « Tuer
Napoléon III »,
Jean-Baptiste Evette signe un roman historique déroutant mais non dénué d'intérêt, proposant un récit mêlant fiction et réalité historique, où la modernité du style et de la conduite de l'intrigue se heurte à l'époque décrite. Difficile dès lors pour le lecteur de pleinement entrer dans cette histoire en permanence à cheval entre passé et présent.
Les amateurs de purs romans historiques seront donc probablement déstabilisés par cette intrigue aux multiples fils qui semble parfois à la frontière des genres. Entre reconstitution historique rigoureuse et fiction aux multiples rebondissements,
Jean-Baptiste Evette signe avec « Tuer
Napoléon III » un roman historique qui en dépit de certains défauts a le mérite de se démarquer des autres romans du genre.
Je remercie Babelio et les éditions Plon de m'avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.