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EAN : 9782204109253
76 pages
Le Cerf (12/02/2016)
3.5/5   5 notes
Résumé :
"Domestiquer la laïcité et les libertés en Turquie, dominer un Proche-Orient abandonné aux frères musulmans: tel est le rêve de l'islamisme d'Erdogan et de l'AKP."
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Que l'auteur, Kadri Gürsel ait été renvoyé comme journaliste, il y a 5 ans, de l'important quotidien national turc "Milliyet" (= La Nation), pour avoir critiqué le despote Erdogan, n'est pas une raison pour condamner son ouvrage comme rien de plus qu'un pur exercice de revanche bon marché, comme une certaine presse a cru bon d'affirmer.

Qui 5 ans plus tard se fait encore des illusions sur les qualités politiques et humaines du sultan turc actuel ?
Contrairement à son image de croyant pieux, il ne supporte aucune vue qui diffère de la sienne et remplit allègrement les prisons, non pas de criminels et de droits communs, mais de ressortissants turcs qui ont l'audace de contester son régime. Et cette attitude depuis bientôt 17 ans (d'abord comme Premier ministre et ensuite comme Président) ne se limite pas aux frontières. Non, il a aussi le chic de se mêler d'affaires internes d'autres pays, où résident de plus ou moins importantes communautés turques, par exemple au moment des élections. Ceci est notamment le cas dans la province belge du Limbourg avec sa forte concentration d'immigrés turcs, certains cependant de la 2e et 3e génération.
En Allemagne, où la communauté turque compte 2,710 millions de personnes, la situation est évidemment pire.

En fait, ce n'est que devant le tsar Poutine qu'il se fait tout petit, pour des raisons stratégiques et contrecarrer tout bêtement l'Union européenne, avec laquelle il joue le même jeu ultracompliqué qu'au sein de l'OTAN et qu'il est d'ailleurs probablement le seul à comprendre. S'il y a quelque chose de sensé à y comprendre.

En plus, le bonhomme a ses fixations dangereuses : son ancien pote Fethullah Gülen, qu'il accuse de complots et de tous les maux de la terre, que même Trump n'est pas assez bête de mettre dans un avion avec destination Turquie, ce qu'il continue de réclamer et la minorité kurde. Surtout ses initiatives dirigées contre cette ethnie sont scandaleuses et tragiques. Mais Erdogan n'a jamais été un grand "supporteur" de minorités et c'est comme il persiste à nier le génocide arménien, envers et contre tout !

Personnellement, je suis de plus en plus convaincu que ce soit Erdogan lui-même l'instigateur de la soi-disant tentative de coup d'État dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016. Organiser un coup d'une telle ampleur à partir de l'étranger, en l'occurrence par son grand ennemi Gülen à partir de la Pennsylvanie où il s'est réfugié, me paraît un peu gros. En revanche, s'il y a un Turc dont l'avantage d'une tentative de coup soit incontestable c'est bien le brave Erdogan. Cela lui a permis de nettoyer sérieusement dans les rangs de l'armée, l'entité normalement la plus dangereuse pour tout aspirant-dictateur, et comme prime il a réussi une mainmise de la presse en mettant des dizaines de journalistes derrière les barreaux.

Le cas de Kadri Gürsel, licencié pour avoir envoyé un tweet dénonçant un mensonge d'État, illustre la liberté de la parole et de la presse dans la conception "erdoganesque" . Si l'on considère que fin 2018 (dernières données disponibles), la Turquie pouvait se vanter d'avoir le plus de journalistes en prison du monde : 68 ! L'auteur de ce petit fascicule peut, en quelque sorte, s'estimer heureux de ne pas avoir été jeté en taule. Pour les amateurs de statistiques : le second pays sur la liste est la Chine, avec 47 journalistes emprisonnés, suivi de l'Égypte 25, l'Arabie saoudite 16 etc.

Je me permets de vous renvoyer à ma critique de l'ouvrage de l'éminente écrivaine Asli Erdogan (et oui, le même nom de famille, la pauvre) "Le silence même n'est plus à toi" du 19 juillet 2017 et à laquelle je veux juste ajouter que l'auteure a fait aussi de la prison en 2016, mais a été libérée sous contrôle judiciaire à la suite d'une montagne de protestations en provenance du monde entier. La gagnante des prix Tucholsky, Simone de Beauvoir, Václav Havel, Bruno Kreisky et Erich Maria Remarque (de la paix) s'est réfugiée en Allemagne et vit actuellement à Francfort-sur-le-Main. C'est tout ce que ce génie de Recep Tayyip Erdogan y a gagné !

Je sais parfaitement bien que mon billet est sans nuances, mais que signifient des nuances dans l'optique d'Erdogan ?
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C'est par hasard que je suis tombé sur le petit livre du journaliste turc Kadri Gürsel. J'étais dans l'une des bibliothèques municipales de mon agglomération à la recherche d'un livre sur la situation géopolitique en Syrie. Je voulais en savoir plus sur la prise de la ville de Kobané par ce que nous avons, nous occidentaux, pris la mauvaise habitude d'appeler Etat islamique, sans concrètement pouvoir le nommer. Mais peu importe. Dans le rayon, se trouvait alors exposé l'ouvrage de Gürsel: « Turquie, année zéro ». N'ayant rien d'autre à me mettre sous l'oeil, je pris le livre avec hésitation car je me doutais un peu de ce que j'allais y trouver.

Le premier chapitre du livre pose d'emblée le motif de son écriture: « la police de la pensée ». Ce journaliste explique qu'il fut licencié du quotidien national Milliyet le 22 juillet 2015 à cause d'un tweet contre le régime d'Ankara lorsque le président Hollande a présenté ses condoléances au président Erdogan après l'attentat de Suruç (ville à quelques kilomètres de Kobané, frontière syro-turque) survenu deux jours avant. Selon lui, l'Etat policier turc, et en particulier le président Recep Tayyip Erdogan, n'a pas supporté son commentaire qui dit :  « Il est honteux que des responsables étrangers appellent la personne qui est la principale responsable du terrorisme de l'Etat islamique en Turquie pour lui présenter des condoléances après l'attentat de Suruç.»
A partir de là, tout le livre est une tentative, à mon sens ratée car revancharde, pour démontrer que le président turc a sinon facilité du moins fermé les yeux sur les agissements de l'Etat islamique. La démonstration ne repose sur aucun fait solide et la faiblesse de son argumentation se limite à pointer le totalitarisme, le conservatisme et l'islamisme radical du régime turc sans même justifier ses attaques ad personam.
Si le régime d'Ankara pratique la police de la pensée, ce qui est fort possible, il use d'une méthode qui se retrouve très largement dans les démocraties occidentales les plus avancées telle que la France où les pouvoirs sont séparés depuis bien longtemps. Depuis une décennie, l'Etat français (même au temps d'une gauche dite progressiste) s'est effectivement durci et pratique un sécuritarisme insidieux qui ferait presque rougir certains dictateurs (il suffit pour s'en convaincre de reprendre la série de lois qui remettent en cause les libertés fondamentales comme celle sur le Renseignement votée au début de l'été 2015)

Finalement ce qu'exprime Gürsel n'est ni plus ni moins que la manifestation d'une volonté de pouvoir à la place de ceux qui l'exercent aujourd'hui. Il se place en opposant politique et je vois mal comment pourrait-il sortir la Turquie de son marasme et de sa dictature en s'inspirant d'Atatürk et de Mitterrand ?
Cette liberté d'expression qui anime tant Gürsel se limite en réalité à une expression sans l'exercice véritable de la liberté (qui est un leurre de la démocratie) et il y a fort à parier qu'il n'en accepterait aucune qui soit contre la sienne si un jour il se veut postulant au trône et que le peuple turc lui délègue démocratiquement sa souveraineté. Peut-être devrait-il relire à l'endroit et entièrement la fameuse dystopie orwellienne ?
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Journaliste turc renvoyé du quotidien Milliyet pour avoir tweeté contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan, Kadri Gürsel dénonce, dans cet ouvrage très mince et très court, ses dérives autoritaires - voire totalitaires, ses politiques intérieures et extérieures. Elles sont, pour lui, alarmantes et désastreuses. Alarmantes parce qu'elles mènent le pays vers le chaos. Désastreuses parce qu'elles l'éloignent des aspirations premières du père fondateur (Atatürk): Progrès, Laïcité, Liberté et Fraternité. Kadri Gürsel s'insurge: la politique va-t-en guerre de l'A.K.P, son immixtion dans la politique intérieure syrienne, ses volontés expansionnistes néo-ottomanes, son alliance idéologique et politique avec les Frères musulmans, son soutien "discret" et silencieux à Daesh sont autant de faux pas qui isolent et fragilisent le pays sur la scène internationale. Quant à sa mauvaise gestion du pouvoir, son autoritarisme, son intransigeance face à l'opposition et la communautarisation de la vie politique, elles exacerbent, selon lui, les tensions dans le pays toujours plus affaibli.

La critique du journaliste démi de ses fonctions est la bienvenue. Elle interroge, à juste titre, la sincérité du pouvoir politique, ses projets et ses ambitions. Elle révèle leur duplicité, leurs erreurs et leurs faux-pas. Et pourtant, elle manque, à mes yeux, d'efficacité. Elle est, en effet, pour moi, mal écrite, mal organisée. Et j'ai, moi aussi, une critique à lui apporter. Si je suis d'accord avec Kadri Gürsel pour dénoncer les politiques internes et externes de Recep Tayyip Erdoğan, je suis en désaccord avec lui lorsqu'il s'agit de "vanter" les mérites des régimes précédents qui n'ont, malheureusement pas été plus efficaces en terme démocratiques. J'entends souvent, dans la bouche des nouveaux opposants au régime, "la Turquie, c'était mieux avant". le propos n'est vrai qu'à l'égard de celles et ceux qui n'ont pas souffert "avant". Pour les autres, les Kurdes en particulier, l' "avant" vaut l' "après", le régime ayant toujours eu à leurs égards les mêmes pratiques assassines et anti-démocratiques. Où étaient-ils ces "nouveaux" opposants"? Pourquoi n'ont-ils pas dénoncé avec autant de forces et de convictions les élans autoritaires voire totalitaires du régime lorsqu'il s'agissait de leurs "frères" kurdes? Il y a, chez eux, comme un réveil, un sursaut. Ils ont l'air de découvrir que le régime politique turc est capable du pire. Faut-il le leur rappeler? Recep Tayyip Erdoğan ne fait que poser son cul sur un trône déjà prêt pour un exercice du pouvoir, il est vrai autoritaire. Il ne fait qu'imiter ses prédécesseurs et user des mécanismes déjà en place. La seule différence avec l'homme c'est que ses "ennemis" sont plus nombreux - toutes celles et ceux qui ne sont pas avec lui sont contre lui - et que les "protégés" d'autrefois sont les "parias" d'aujourd'hui. Faut-il attendre d'être touché pour crier et s"indigner? La question mérite d'être posée...
Lien : http://mezelamin.blogspot.fr..
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Kadrid Gürsel, ancien journaliste du quotidien national "Milliyet" licencié en juillet 2015, se livre à une critique acerbe du régime turc et des choix géopolitiques récents de Erdogan.

Dans ce court essai Turquie, année zéro, il fustige l'emprise de l'AKP sur la politique turque, la rampante radicalisation sunnite de la population et le jeu dangereux que joue la Turquie sur le plan économique et géopolitique, son absence de ressources en matières premières la rendant incapable d'assumer une indépendance frondeuse sur le modèle russe ou iranien.

Il salue avec ironie "l'aide" du maréchal Sisi pour freiner l'expansion frériste au Moyen-Orient suite aux printemps arabes, qu'il dénonce comme usant de la rhétorique démocratique pour mieux asseoir une prise de pouvoir islamique.

Très critique des agissements de la Turquie vis-à-vis de la guerre civile en Syrie, Kadri Gürsel rappelle à quel point la frontière turque demeure poreuse, et souligne la responsabilité turque dans l'expansion de Daesh. En s'affranchissant de toute considération de respect de la souveraineté d'un pays voisin et en espérant tirer profit du chaos syrien pour consolider son influence au Moyen-Orient, l'auteur n'accuse nin plus ni moins Ankara d'avoir "offert à l'Etat islamique son seul accès au monde extérieur", en mettant à sa disposition "des ressources, des territoires, des réseaux et des structures".

On sent toute la fureur de l'auteur dans ses propos, qui posent néanmoins des questions pertinentes quant à "l'opportunité" qu'a pu constituer Daesh dans le jeu géopolitique malsain de la Turquie (et ce n'est sûrement pas la seule à avoir tenté d'en tirer profit).
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Faisons le compte. Que ce serait-il passé si la Turquie n'avait pas joué avec le feu, en voulant instrumentaliser les djihadistes ? Est-ce qu'Al-Qaida-en-Irak aurait pu se transformer si aisément en État islamique en Irak et au Levant ? Est-ce que l'État islamique aurait pu devenir une organisation transfrontalière et régionale en si peu de temps ? Est-ce que Da'ech aurait pu se montrer si fort et aller si vite en Syrie en s'y implantant si durablement ? Est-ce que Da'ech aurait pu prendre Mossoul et menacer Erbil et Bagdad sans la profondeur stratégique acquise en Syrie ? Est-ce que Da'ech, enfin, grimé en Califat, aurait pu s'internationaliser si systématiquement, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, mais aussi en Europe ? Disons-le clairement : rien de tout cela n'aurait été possible sans le laisser-faire intéressé de la Turquie ; sans sa mise à disposition, en échange d'une entente illusoire, des ressources de ses territoires, de ses réseaux, de ses structures. La vérité est qu'Ankara a offert à l'État islamique son seul accès au monde extérieur.
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Récapitulons. Soumise à l'emprise de l'AKP qui la détourne de sa vocation laïque, la Turquie subit la radicalisation de l'islamisme à l'intérieur et promeut le sectarisme sunnite à l'extérieur. Dépourvue de ressources naturelles qui, à la différence de la Russie ou de l'Iran, lui permettraient de monnayer à la fois contentement populaire et intérêts internationaux, il lui faudrait innover politiquement et économiquement. Au lieu de quoi, elle régresse. Seule une Turquie cherchant la stabilité par la démocratie peut apporter quelque chose à l'Europe. J'en suis persuadé depuis le début.
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Avant le dernier acte qui vise à ramener la Turquie à l’année zéro de sa fondation, il n’est pas trop tard pour méditer sur le mot du défunt président François Mitterand lorsqu’il évoquait « la nécessité de renforcer l’ancrage de la Turquie à l’Europe »
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Les Occidentaux n'y voient que du feu. Ils pensent avoir trouvé dans l'AKP un modèle de démocratie-musulmane exportable alors que l'AKP vise à diffuser une méthode de prise de pouvoir islamique sous couvert de rhétorique de démocratie auprès des mouvements fondamentalistes ascendants qui sont reçus les uns après les autres à Ankara. Quel est à ce moment le rêve d'Erdoğan ? Sinon forger à partir du chaos arabe une Méditerranée orientale dominée par les Frères musulmans et qu'il lui reviendrait, à lui, le plus puissant, le plus fortuné et le plus expérimenté d'entre eux, de guider.

Ce ne seront ni Washington, ni Paris qui stopperont cette aspiration à la suprématie théologico-politique. Mais Le Caire, avec le coup d'État du général Sissi.
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Au début, comment a-t-on pu imaginer que la solution pourrait passer par les djihadistes, incapables de gouverner autrement que par la terreur ? Damas n'étant pas tombée, comme prévu, dans les trois premiers mois de l'insurrection, il a découlé de cette équation mortifère des dizaines de milliers de victimes et des millions de réfugiés. Enfin, comment Ankara n'a-t-elle pas pressenti que sa politique étrangère allait transformer Daech en une menace mondiale ? Tel est le bilan de cette opération « portes ouvertes », reposant sur la négation de la souveraineté d'un pays voisin et sur la négation de la frontière au vu d'intérêts à très court terme.
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