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Un septembre noir est certes un théâtre de l'audace (…) Mais
Un septembre noir n'est pas un théâtre de la provocation inutile ". Ces mots de préface signés Issa Asgarally résument parfaitement ce que l'on pourrait dire de cette pièce de théâtre de
Yusuf Kadel, Prix
Jean Fanchette en 1994, qui vient finalement d'être publiée par les Editions le Printemps.
Théâtre de l'audace, oui, car c'est bel et bien une histoire d'homosexualité féminine que l'auteur met en scène dans sa pièce. Une histoire évoquée dans un couvent, par une de ses protagonistes devenue religieuse. Un sujet évoqué sans détours. Mais sans esprit de provocation gratuite. Car c'est un drame psychologique exploré avec une réelle sensibilité que nous propose
Yusuf Kadel.
A l'annonce du gagnant en 1994, certains, qui avaient pu se procurer le texte de la pièce, s'étaient émus du fait qu'elle ait pour cadre un couvent. D'autres étaient allés plus loin en tirant un parallèle entre le titre de la pièce et le mouvement palestinien Septembre Noir, nom adopté, pour rappeler l'expulsion des Palestiniens de Jordanie en septembre 1970, par un commando connu notamment pour être responsable du massacre aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 et du détournement d'un Airbus d'Air France sur Entebbe, Ouganda, fin juin 1976. Autant d'imputations et d'interprétations qui devaient amener certains à tenter, dans les coulisses, de s'opposer à la publication de la pièce.
le bon sens semble cependant avoir prévalu. Car la lecture d'
Un septembre noir ne permet pas, en toute objectivité, d'y déceler une quelconque visée ethnique ou religieuse. La relation homosexuelle ne se passe pas dans un couvent. Elle est seulement racontée, a posteriori, à partir d'un couvent où l'une des protagonistes a cru pouvoir, dans la foi, retrouver la paix d'âme et d'esprit.
Au fond,
Un septembre noir ne devrait pas avoir besoin de se justifier. Car elle est une pièce de qualité, bien écrite, dont les personnages ont une épaisseur psychologique certaine tout en demeurant énigmatique, où le style haché et haletant sait au besoin faire place aux introspections plus fouillées, une pièce qui sait se ménager des silences, des pénombres succédant aux éclairs.
Un septembre noir met en scène l'ambivalence et le doute. Pour une pièce de théâtre, ce n'est pas là un moindre mérite.
Pièce de théâtre,
Un septembre noir l'est à part entière. Et les indications scéniques vont dans le sens d'une mise en scène qui symbolise justement cette ambivalence entre divers niveaux de conscience, diverses interprétations dépendant du moment et du point de vue où l'on se trouve.
Se passant principalement à Paris, avec pour toile de fond historique le cheminement inéluctable de l'Europe vers la Seconde Guerre mondiale qui accompagne le cheminement personnel des deux jeunes femmes.
Un septembre noir sera peut-être décriée par certains comme étant une pièce bien peu " mauricienne " . Sans doute. A condition d'accepter qu'une écriture locale doive forcément faire dans la couleur locale. Dans sa pièce,
Yusuf Kadel nous parle de l'être humain. de nous, ici, d'autres, ailleurs. de la difficulté d'évaluer le poids de la responsabilité personnelle par rapport à celui de l'enchaînement des événements. de l'impalpable audace de tenter de répondre à cette provocante interrogation.
Shenaz Patel