Tiziano Terzani a le cancer. Les médecins qui le prennent en charge à l'hôpital de New-York le font un peu flipper. Au programme : chimio et radiothérapie, mais surtout déprime et espoirs bidons.
Tiziano Terzani a toujours eu l'âme baroudeuse. S'il a passé sa vie à voyager en tant que journaliste, il décide cette fois de partir en quête du remède miraculeux qui pourra vaincre son cancer mieux que la chimiothérapie. Lorsqu'il annonce sa maladie à un médecin d'origine indienne, celui-ci lui répond : « cela a dû être le moment le plus sacré de votre vie ». Tiziano va chercher le remède à son cancer mental pendant que les médecins occidentaux se chargeront de réguler son cancer physique.
On aurait pu s'attendre à ce que
Tiziano Terzani nous fasse le récit d'un voyage merveilleux à travers les landes d'un Extrême-Orient fantasmé où tout ne serait qu'harmonie et sagesse. Et si nos préjugés nous rendaient responsables de la cancérisation généralisée de notre monde ? Après tout, même les mystiques indiens les plus modernes ont pu succomber du cancer, que l'on pense à Krisnamurti ou Maharaj. En traversant les territoires les plus sacrés de l'Inde,
Tiziano Terzani doit bien reconnaître que ceux-ci ne ressemblent plus que de loin aux lieux sacrés décrits dans les grands livres. Ils se sont maintenant transformés en parcs d'attraction pour touristes occidentaux en mal de spiritualité. Alors,
Tiziano Terzani ne cesse de décrire des allers-retours entre le monde oriental et le monde occidental à la recherche d'un équilibre convenable entre science et sagesse spirituelle. En occident, il se moque des groupes de yoga ou de reiki qui ont vidé les disciplines de leur substance pour apaiser quelques heures les angoisses de ses contemporains. En orient, il se moque des guérisseurs orientaux qui préparent de la pâtée pour chats en broyant des herbes et des minéraux. Même s'ils utilisent des remèdes naturels, ils ne pensent finalement qu'à soigner le corps, comme les médecins occidentaux, alors que la quête de
Tiziano Terzani indique qu'il recherche avant tout la paix de son esprit. Mais qu'il s'agisse des traitements proposés par la médecine occidentale ou orientale, il salue les efforts de toutes les personnes qu'il rencontre lorsqu'elles essaient de donner un sens aux maladies que l'homme doit affronter. Ce qu'il refuse désormais, ce n'est finalement rien d'autre que la contre-façon.
« A la fin, tout le monde était content, tout le monde disait avoir ressenti de la chaleur, de la lumière, de l'énergie. Moi, j'avais seulement senti le sang me monter à la tête. Je n'en pouvais plus du rationnel, mais j'étais tout autant horripilé par son contraire. C'était mon dilemme : il me semblait que seul ce que j'avais découvert par moi-même, ce que j'avais l'impression d'avoir conquis, était intéressant et avait de la valeur ; a contrario, ce que je trouvais sur les étagères d'un supermarché me rebutait. […] Maintenant que je me trouvais parmi des « croyants », je redevenais un sceptique invétéré. »
Tiziano Terzani n'a pas vaincu son cancer mais il n'y a pas succombé non plus, acceptant toutes les méthodes thérapeutiques qu'on lui propose mais n'en acceptant exclusivement aucune. Son récit montre le bilan d'un homme qui essaie de garder l'esprit critique dans toutes les situations qu'il traverse. C'est sa force vitale, celle qui lui permet de prendre ses distances quant à toute situation d'élection, et sa passion immodérée pour les cultures et les personnes qu'il rencontre, qui lui ont sans doute permis de prolonger sa vie au-delà des pronostics les plus optimistes des médecins occidentaux.
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