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Wladimir Berelowitch (Autre)
EAN : 9782020093941
321 pages
Seuil (01/10/1986)
5/5   1 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition Source : Seuil - 10/1986)


Ce récit est plus effrayant en un sens que les récits sur les camps. Il nous montre la machine soviétique en plein rendement, mobilisant toute une armée de policiers, de juges, de médecins aussi, surtout, pour assujettir, briser un homme et une femme – Andréï Sakharov, physicien éminent, prix Nobel de la paix, et son épouse Elena Bonner —, tout en faisant croire au monde entier qu'il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

"Ce récit ne sera guère joyeux, il est difficile de le rendre distrayant" nous prévient, déjà à la page 14 de son oeuvre, l'auteure, Elena Bonner (1923-2011). Et elle n'a bien sûr pas tort : c'est une descente en enfer. Presque pire que celle de Dante. Il s'agit de son exil partagé avec son 2e mari, le génial scientifique et Prix Nobel de la paix en 1975, Andreï Sakharov (1921-1989), à Nijni Novgorod, appelée Gorki de 1932 à 1991.

Son témoignage vaut la peine d'être lu pour voir jusqu'où un régime politique pourri peut aller pour rendre la vie impossible à même ses ressortissants les plus brillants. de nos jours ce n'est plus aussi manifeste, bien que de temps en temps on puisse constater que Poutine a été à bonne école. Il n'a jamais caché son admiration pour l'ancien maître du Kremlin et patron du KGB, Iouri Andropov, qui déclara en 1983 à des sénateurs américains que Sakharov était fou !

Elena Bonner, de père arménien et mère juive, était pédiatre de formation. D'un premier mariage avec son camarade d'études à la faculté de médecine de l'université de Leningrad, Ivan Semenov, elle a eu 2 enfants : Tatiana née en 1950 et Alekseï né en 1956. C'est en 1971 qu'elle épousa Sakharov.

Andreï Sakharov, docteur en physique, est transféré par le boss du KGB, Lavrenti Beria, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée.... de la bombe atomique. C'est ainsi, qu'en 1953 l'année de la mort de Staline, il deviendra "le père de la bombe à hydrogène soviétique". Mais c'est le même homme qui sera à l'origine du Traité de Moscou de 1962, signé par Nikita Khrouchtchev et John Fitzgerald Kennedy, sur l'interdiction des essais nucléaires dans l'atmosphère, l'eau et le cosmos. En 1968, l'année où des tanks russes sont envoyés à Prague, il écrit son "Réflexions sur le progrès, la coexistence pacifique et la liberté individuelle" vendu à 18 millions d'exemplaires. Deux ans plus tard, en 1970, Sakharov est l'un des fondateurs du Comité des droits de l'homme en URSS. C'est sa condamnation de l'invasion soviétique d'Afghanistan - la dernière goutte d'eau pour Léonid Brejnev et le Politburo - qui lui vaudra l'exil et l'isolation à la ville interdite aux étrangers de Gorki, à 400 km est de la capitale. En 1969, son épouse, meurt, qui lui a laissé 3 enfants : Tatiana, née en 1945, Lioubov, en 1949 et Dmitri en 1957.

Le traitement inhumain dont Andreï et Elena sont victimes à Gorki à partir de 1980, est merveilleusement bien résumé dans une lettre d'elle à lui de 1984, qu'on pourrait intituler de "Je suis lasse". Car Elena Bonner y note : Je suis lasse des calomnies, des persécutions, des surveillances et des filatures policières permanentes, de toute l'illégalité que nous subissons...d'être séparée de ma mère et de mes enfants." (page 83). Et encore, elle n'y mentionne pas les coupures de téléphone, les campagnes de presse, le vol jusqu'à 4 reprises du manuscrit des "Mémoires" d'Andreï Sacharov, le manque de nourriture, les agressions verbales par des agents du KGB déguisés dans la rue, la pression exercée sur leurs amis, les soins médicaux fantaisistes etc.

Gravement malade du coeur, Sacharov fera une grève de la faim pour obtenir l'autorisation à son épouse de recevoir des soins médicaux urgents à l'étranger. Devant les virulentes réactions en Occident, le Kremlin capitule et permet à Elena de se rendre aux États-Unis pour y être opérée. C'est pendant ces 180 jours loin de Gorki en 1986 qu'elle a écrit le présent ouvrage.

Ses problèmes de santé, plusieurs interventions chirurgicales, l'émotion de revoir ses enfants et de faire la connaissance de ses petits-enfants, ainsi que l'angoisse pour son mari font que "Un exil partagé" est un livre qui sort du commun. Un document humain élaboré par une dame exceptionnellement courageuse. Un témoignage pas facile à lire, mais Elena Bonner a bénéficié de l'excellent travail du traducteur, Wladimir Berelowitch, lui-même écrivain et auteur d'entre autres "Le grand siècle russe d'Alexandre Ier à Nicolas II" et qui a également traduit les"Mémoires" de Sacharov. Berelowitch, directeur à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales, à Paris), a ajouté plein de notes de bas de pages fort utiles. L'ouvrage compte en outre 10 annexes et 16 pages de photographies.

Réhabilité en 1988 sous Mikhaïl Gorbatchev et élu au présidium de l'Académie des sciences, en 1988, Andreï Sakharov meurt l'année après. Son cortège funèbre immense reflète l'espoir des simples Russes en des jours meilleurs.

Le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit est créé en 1988 par le Parlement européen. Parmi les lauréats, je cite Nelson Mandela, Alexander Dubček, Aung San Suu Kyi de Birmanie, les mères de la Place de Mai de Buenos Aires, Kofi Anan, Malala Youfsafzai du Pakistan etc.

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Une vingtaine de pages avec des photographies en noir et blanc, des documents en annexe et un livre témoignage bouleversant.
Elena Bonner et son époux, Andrëi Sakharov, sont en exil à Gorki, surveillés, pistés, prisonniers, dans un simulacre de vie libre lorsqu'elle obtient de se faire opérer du coeur à l'étranger. Elle y reste six mois et met cette période à profit pour écrire « Un exil partagé ».
Elle a rencontré Andrëi dans le comité pour la défense des droits de l'Homme et la défense des victimes politiques qu'il a créé et où il militait. Ils sont restés mariés vingt ans (il est décédé en 1989 et elle en 2011). Il est connu comme le père de la bombe H et surtout pour sa prise de conscience humaniste lorsqu'il a compris les dangers de cette « conquête » de pouvoir par son pays. Il a eu le prix Nobel de la paix en 1975 (mais le gouvernement russe lui avait interdit de sortir du pays pour aller le chercher).
Ce livre est le récit de leur quotidien pendant leurs années d'exil « interne » à Gorki de 1980 à 1986. Ils étaient isolés pour n'avoir aucun contact avec l'étranger et seulement ceux voulus par les gouvernants dans leur pays. Autrement dit, aucune liberté, aucun choix….
Filmés sans arrêt, n'ayant pas le droit d'envoyer du courrier, de téléphoner, de recevoir de la visite, seule Elena peut « bouger » un peu mais sous surveillance. Elle arrive à tricher, à poster quelques télégrammes… Elle a deux alertes cardiaques sérieuses et doit rester au domicile. C'est là que son mari, malgré sa santé faible, décide de faire une grève de la faim pour qu'elle puisse se faire soigner à l'étranger. Il obtiendra gain de cause, elle pourra partir et ce recueil verra le jour.
Ils subiront tout. Des informations mensongères sur eux seront relayées par des « officiels » (infirmières, médecins disant que tout va bien), mal soignés volontairement, tout est mis en place pour les détruire (et c'est vraiment ce mot qu'il faut employer) physiquement et moralement. Tout est truqué : les procès, les dialogues, les échanges. On les vole, on fouille chez eux, on les nourrit mal, on les insulte, on les traite avec mépris.
Beaucoup se seraient effondrés, laissés aller devant tant d'horreurs mais ils ont tenu encore et encore, repoussant leurs limites, ne lâchant rien, tenant tête. Lui re écrivant ses « Mémoires » chaque fois que le manuscrit en cours disparaît. Elle, restant près de lui, prodiguant des soins, de l'amour, faisant tout pour offrir un peu de sérénité.
Je pense que si ces deux-là n'avaient pas eu l'un pour l'autre un amour immense et une volonté hors normes, ils n'auraient pas tenu. Mais, un jour après l'autre, ils ont avancé ….
« Je ressentais alors une telle fatigue que j'avais l'impression que je ne pourrais plus tenir. Mais tous les jours, je me répétais : « Allez, encore un jour ou deux, et tout sera réglé. » C'est ce qui me faisait vivre.
Cet exil me semble encore plus pervers que la prison ou le camp, car c'est plus manipulateur pour l'opinion publique et pour le couple. Fausses promesses, fausses informations ….rien ne leur sera épargné.
Cette lecture n'est pas gaie, elle montre la cruauté des hommes mais elle nous éclaire sur le destin de ce couple. L'écriture (la traduction est de qualité car je n'ai pas ressenti de lourdeurs ou de déséquilibre) nous procure diverses émotions : empathie, colère, respect, admiration …
Un coup de coeur !

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Ce récit est plus effrayant en un sens que les récits sur les camps. Il nous montre la machine soviétique en plein rendement, mobilisant toute une armée de policiers, de juges, de médecins aussi, surtout, pour assujettir, briser un homme et une femme - Andrëi Sakharov, physicien éminent, prix Nobel de la paix, et son épouse Elena Bonner -, tout en faisant croire au monde entier qu'ils mènent à Gorki, où ils sont exilés, une vie parfaitement normale.
Les persécuteurs sont inventifs: examens médicaux filmés en cachette, perfusion malencontreuse provoquant un début d'attaque cérébrale chez Sakharov, diagnostics sciemment faussés, alimentation forcée lors de grèves de la faim, perquisitions, vols, procès truqué, campagne de diffamation... Voyage au bout de l'URSS.
Mais ce couple profondément uni - les attentions touchantes de l'un pour l'autre émaillent ce récit - s'avère plus fort que l'appareil qui veut le détruire; la machine quelquefois grippe et cède: Elena Bonner réussit à se rendre en Occident pour se faire opérer du coeur. Elle y laisse, à ses risques et périls, avant de rentrer, un témoignage comme peut-être on n'en avait encore jamais vu.
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