Il y eut des tentatives de fraternisation au premier Noël du conflit.
Mais ces espoirs furent vite réprimés.
Les militaires et les marchands de canons n'allaient pas, sans réaction, regarder se briser un si beau Joujou (1)
Ce n'était pas une bande de quelques excités, mauvais français, qui allaient leur gâcher la fête.
Car ils l'attendaient depuis si longtemps leur guerre.
Ils étaient comme le joueur sur le banc de touche : frustré et impatient d'en découdre.
Crénom, ils allaient faire voir à ces Boches ce dont ils étaient capables !
L'apothéose de leur carrière s'offrait à eux ! Terminé la caserne où l'on fait toujours semblant. Enfin de vrais combats que l'on imagine sur un vrai champ de bataille avec de vrais ennemis pour une vraie gloire.
Ils en rêvaient les militaires et peu importe le prix à payer. À payer par les autres.
Et c'est ainsi qu'ils ont envoyé des milliers d'hommes se faire hacher, face à un rang de mitrailleuses, dans un champ plat comme le dos de la main. C'est ainsi qu'ils les ont laissé pourrir dans des tranchées pleines de boue et de vermine d'où venaient les déloger l'obus et la baïonnette.
Le livre de
Jean Galtier-Boissière est le témoignage de toutes ces infamies et il est facile de l'imaginer à son retour du front à l'hiver 1918. Facile de comprendre son dégout, son état de révolte qui va l'habiter toute sa vie durant.
Jean Galtier-Boissière est l'un de nos penseurs, polémiste rare que chaque amoureux de littérature ancré dans le réel doit lire.
N'attendez pas que cet ouvrage soit introuvable (tirage 300 exemplaires) pour venir découvrir
Galtier-Boissière qui dès 1915 créa le journal de tranchées satirique et non conformiste : "Le Crapouillot".
Le premier numéro était ainsi libellé : "Courage les civils".
Le ton était donné pour quatre vingt ans d'existence.
La rage est un moteur de longévité !
(1) Clin d'oeil au pamphlet de Remy de Gourmont : le joujou patriotisme