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EAN : 9782362241420
336 pages
Cairn (24/10/2022)
4.68/5   14 notes
Résumé :
Au printemps 1975, le monde s’offre à une jeunesse effervescente. On écoute Leonard Cohen ou America, on lit Jack Kerouac et Actuel. Tout est possible et le futur s’invente à chaque seconde.
Suzanne veut en être. À 17 ans, elle brûle de larguer les amarres, fuir la Normandie et ses parents adoptifs. Et de savoir enfin d’où elle vient. Sous quel nom est-elle née? Qui fut celle qui l’a portée avant de la confier à l’Assistance publique? Et Suzanne de prendre cl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Peut-on réunifier des fragments de son existence restés longtemps disjoints et étrangers l'un à l'autre ?
C'est à cette question que tente de répondre Serge Legrand-Vall dans son dernier roman Un oubli sans nom. Suzanne Hamel, personnage principal du roman, vit en Normandie ; elle y coule une vie heureuse, ses parents sont libraires et l'entourent de toute leur affection. Nous sommes au mitan des années soixante-dix. Les amateurs de pop music écoutent Leonard Cohen, se grisent aux compositions grandioses d'Emerson, Lake et Palmer, et lisent Jack Kerouac, l'un des membres de la Beat Generation.
Ils lisent Actuel, Libération, ou accessoirement René Dumont, un essayiste écologiste peu pris au sérieux par ses lecteurs d'alors. Pourtant, Suzanne souffre car elle sait qu'elle a été adoptée, qu'elle est une enfant de l'Assistance Publique. Qui était-elle avant ? Quelles étaient l'identité, les vies des membres de sa première famille ?
En progressant à pas très lents, en éclairant graduellement toutes les interrogations qui habitent Suzanne Hamel, Serge Legrand-Vall nous livre une belle radiographie, celle des étapes de la recherche de réunification d'une vie. Suzanne se pose, bien sûr, des questions sur son propre ressenti : « Avais-je du regret de ce qui s'était passé avant ? Je savais tourner le dos à un brouillon de vie, où tout sûrement n'était pas raté. Mais il était temps de me détacher de la Suzanne que j'avais été jusque-là. Puisque j'étais celle qui avait survécu. Qui n'avait plus d'illusions et savait ne pouvoir faire confiance à personne. »
C'est le sentiment d'appartenance qui préoccupe Suzanne, lorsque sa recherche débute vraiment. Elle parvient à une synthèse fragile, qui est peut-être un aboutissement : « Que signifie appartenir ? j'appartiens à la famille Hamel (…) ce patronyme qui n'était pas le mien m'appartient maintenant (…) Mais n'appartiendrais-je pas aussi (…) à ces bourgs et villages caillouteux, (…) à une histoire enfuie et pourtant enfouie en moi ? »
Cette quête de ses premières racines passe par Perpignan, Céret, l'île de Formentera en Catalogne. Suzanne va rencontrer des jeunes qui tentent de vivre l'amour libre, de partager tout en communauté. Ils sont représentatifs des idéaux utopiques de cette période, riche en tentatives de ce type. Les révélations successives concernant le passé de Suzanne sont dévoilées : avant son adoption, Suzanne s'appelait Suzanne Lluch, patronyme catalan. Au service de l'état-civil de la mairie de Perpignan, l'employé indique à Suzanne l'identité de sa mère : Raquel Lluch. Nous ne dévoilerons pas le dénouement final de ce beau roman, belle illustration des pouvoirs de la volonté humaine pour intégrer toutes les phases d'une vie et se réconcilier avec soi-même. Il y a dans ce roman une évocation de la guerre civile espagnole, comme dans les précédents romans La rive sombre de l'Èbre et Reconquista. C'est un fil conducteur dans son oeuvre romanesque qui éclaire, à la fin du roman, les origines de Suzanne, enfin en possession de sa vérité.


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Un oubli sans nom de Serge Legrand Vall, publié aux éditions in8
On écoute beaucoup la bande son des années 70 dans ce roman : paroles et musiques rebelles, voix off prégnantes, collectives où l'intime partagé dans la sensualité trouve sa place... Sans nostalgie aucune, ces réminiscences joyeuses sont de nature à séduire des générations de lecteurs le plus souvent interpellés autour de cette époque, davantage par le cinéma et les arts visuels que par l'écriture...
Mais justement l'écriture de Serge Legrand-Vall et de son héroïne, résiste, et de belle manière... robinsonne.
Au commencement, un naufrage : l'amnésie, qui occulte une naissance et les cinq premières années d'une vie, un nom, un paysage, frappés d'interdit à la suite d'une adoption.
Elle est une île oubliée, sans nom, une page blanche, une identité à écrire, à conquérir envers et contre tous. Un thriller, où des indices affleurent, une lettre redoublée : LL , un mot : Céret, un nom insulaire : Las ILLAS, ce village où elle avait été placée dans son enfance, pour que remonte enfin à la lumière, LLuch le nom de sa famille.
L'aventure commencée en stop sur la route à la manière de Kerouac la conduit vers un col frontalier en terre espagnole, un lieu de passage multi-séculaire qui devient prétexte à inverser et remonter le temps. Suzanne explore in situ l'atlas historique qui avait bercé sa mémoire adolescente et devient dès lors l'archéologue de sa propre vie .
La qualité et l'étrangeté de ce roman au rythme haletant, tient à l'étonnant contraste entre une écriture maîtrisée visuelle, naturelle, fluide parfois distanciée et une quête existentielle, intime, longue et douloureuse, à l'issue incertaine, celle des aléas de la vie même. Une vérité qui se conjugue avec la liberté.
“Un roman « mémoire » fascinant à plus d'un titre... qui révèle tout à la
fois l'intime et le social - presque oublié des années 70 - dans les décors
de rêve et cependant familiers des cols frontaliers catalans et de l'île de
Formentera, hantés par les séquelles tragiques le plus souvent
dissimulées de l'histoire franquiste.”
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En quête d'identité
La guerre d'Espagne n'a pas fini de nous interroger sur la part de mystère des femmes et des hommes de part et d'autre des Pyrénées. Cette chaîne de montagnes qui ressemble à une feuille de fougère pour reprendre la formule d'Elisée Reclus, est davantage un lieu de passage qu'un barrage entre les deux peuples espagnol et français. Un roman, Un oubli sans nom de Serge Legrand-Vall publié aux éditions in8, aborde la question des enfants adoptés, ceux descendants de la première et deuxième générations des républicains espagnols.
Observons la couverture, vous avez combien je suis attaché au graphisme, aux photographies qui traduisent le texte, invitent à la lecture. En l'espèce, deux femmes revêtues de grandes robes noires avec un fichu sur la tête, une figure de notre Méditerranée. Elles sont de dos et marchent en se tenant la main, une belle image qui trouvera écho dans le livre, vous lirez. Face à elles, avance une jeune femme blonde, moderne, les yeux baissés comme éblouie par le soleil ou à la recherche d'un mystère. Vous lirez encore.
Les enfants adoptés, même choyés dans leur nouvelle famille, ont toujours ce doute, cette volonté de savoir. Ils sont en recherche d'identité. C'est le cas de Suzanne, née dans les Pyrénées-Orientales, adoptée par une famille normande. Français moyens, pas idiots, une vie familiale classique. Ils lui offrent tout ce qu'ils peuvent et elle ne leur en veut pas. Nous sommes dans les années 70, la jeunesse est bouillonnante. Kerouac, Leonard Cohen, tout est possible, y compris de traverser la France pour se retrouver dans ces paysages qui accueillirent dans la souffrance les réfugiés espagnols. Qui l'a confiée à l'Assistance publique ? Quel est son vrai nom ? Quel est ce village pyrénéen dont elle a un vague souvenir ?
A la recherche de son village, de sa famille, elle se découvre dans une aventure affective, intellectuelle, sexuelle, il lui faut remonter le temps. Nous, cela nous permet de découvrir les communautés libertaires et leurs complexités politiques, écolos avant l'heure.
Vous goûterez sans doute l'émotion du chemin, celle des retrouvailles. Pourtant retrouvera-t-elle ses parents ? Cette quête se poursuivra aux Baléares sous la dictature franquiste, plus particulièrement sur l'île de Formentera. Les atrocités de la répression, les fusillades sont évoquées à voix basse par les habitants, inavouables secrets ! Forte d'une reconstitution toujours imparfaite bien sûr, mais qui éclaire cependant Suzanne. Celle-ci revient en France et vous achèverez la lecture d'un livre qui est tout sauf mièvre et à l'eau de rose. Comme la vie !
Francis Pian. Émission “Au fil des pages”, Radio libertaire, 10 mai 2023
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Si l'on posait ce livre devant moi avec le défi de deviner son auteur, je n'hésiterais une seconde : je le sais, c'est Serge Legrand-Vall. Je reconnais immédiatement son écriture fluide, harmonieuse, riche en goûts, sons, sensations, couleurs et senteurs, à tel point que le récit se fait film et le lecteur... spectateur !
Dans "un oubli sans nom", je passe un cran : de spectatrice, je deviens actrice : je me glisse aisément dans la peau de Suzanne, l'héroïne, puisque le narrateur personnage principal me donne accès à son intériorité. Je suis Suzanne et d'emblée, dès les premières lignes, je ressens le "froid de Novembre", "la fumée âcre de la cigarette qui me brûle la gorge". (P9)
Tout au long du récit, je vais vibrer au rythme des émotions de Suzanne, au cours d'une dure quête identitaire.
J'ai 17 ans. Enfant adoptée, je veux faire la lumière sur cette partie de moi-même (jusqu'à mes 5 ans) que je ne connais pas, remonter à mes sources "d'avant l'orphelinat", combler cet "oubli sans nom", être enfin "un tout" et non juste une partie de moi-même.
Une dure quête, oui, qui va m'emmener de Normandie à Formentera en passant par les Pyrénées dans les années 70... Car elles sont bien là, les années 70, avec leur musique, leur presse, leurs auteurs et leurs idéaux !
Une dure quête qui me fera aller d'aventure en aventure, au fil des indices difficilement gagnés, et qui forcera même une omerta datant de la guerre d'Espagne.
Certes, je connaîtrai mains tendues, amour et amitié, mais je passerai aussi par toutes sortes d'affres, incertitudes et traumatismes.
Quoiqu'il m'en coûte, je ne lâcherai jamais rien... Persévérance ? Acharnement ? Courage ? Rien ne pourra me détourner de ma quête.

Dernière page : je peux me libérer de l'emprise de ce livre poignant qui m'a passionnée, happée au point de me faire tout oublier. Je l'ai dévoré, mais je l'ai dévoré trop vite... J'ai sûrement manqué de beaux passages... Heureusement, je vais pouvoir le relire, tranquillement, sans précipitation, maintenant que je connais la fin : et quelle fin !!!
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“la petite prolétaire qu'il avait cueillie dans le sel

J'ai lu Un oubli sans nom avec une grande facilité, m'abandonnant à sa douce fluidité et à son bruissement d'impressions, à la volupté des paysages, des goûts filtrés par la sensualité naissante de Suzanne. J'ai trouvé que c'était un récit clair, comme un paysage méridional de Cézanne, avec son horizon, ses reliefs qui indiquent les fortins à prendre, les massifs encore brumeux, l'horizon à conquérir. Un roman très solaire pour une héroïne qui se dit souvent tourmentée, attirée ou retenue par le côté sombre de son histoire dérobée, mais que je trouve lumineuse et sans tache (hormis celle obscure de son abandon), ouverte aux autres, habitante du monde comme on se souhaite à tous de l'être. J'ai aimé sa liberté, jusqu'à cette fin qui m'a beaucoup touchée - il faut toujours sortir de voiture quand on en a envie, quand le trop-plein est là, on parviendra toujours par nos propres moyens au bout du voyage.
Raquel, dans sa façon légère d'être, désinvolte en surface, est un personnage d'une force incroyable à mes yeux, elle vaut tout à fait le voyage, les sentiments ambigus qu'elle soulève mais aussi ce double apprentissage, qu'il n'y a pas que la fascination pour le passé qui compte mais que la route compte aussi, "Regarde devant. Dans le rétroviseur tout est moche." Intéressant clin d'oeil à la fin d'un texte tout entier consacré à la mise en récit d'un passé confisqué !

J'ai mis en exergue mon image favorite, un trait qui semble condenser une vision encore plus qu'une trajectoire. A ce propos, j'ai aussi senti dans le texte un désir plus souterrain, d'un livre ou d'une enquête prochaine... Quelque chose autour de la honte de trahir, de faire son chemin, de laisser la place à ce qui nous divise, risque de déplaire au point de briser nos éphémères équilibres ("il n'est pas un moi, il n'est pas dix moi, il n'est pas de moi... Moi n'est qu'une position d'équilibre" comme disait Michaux). Il y a beaucoup de rapides aveux de cet ordre dans le livre, sur la peur de l'incompréhension, le sentiment de clandestinité, et j'ai pensé, peut-être en me projetant comme chaque lecteur le fait, que lorsqu'on est né sous ce sceau, ce n'est jamais une affaire faite, et qu'il y avait là une parole qui dans le présent, tentait de se dire. Qu'est-ce qu'appartenir ? Et appartient-on une bonne fois pour toutes, tout entier, à ce qu'on s'est échiné à conquérir ?”
A. L.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Qui suis-je ? Je n'en sais rien. Mais je sais d'où je viens, c'est déjà ça.
Car il me manque mon nom. Avant, je m'appelais bien Suzanne quelque chose. Et ce quelque chose, je le savais, je l'avais prononcé et même écrit. Cet inoubliable pourtant, je l'ai oublié.
Et j'ai eu beau passer des heures d'insomnie à essayer de le faire réapparaître, de réécrire les lettres qui le composaient, seule la première revient à ma mémoire. Un L, ça commençait par un L.
À mes questions, mes parents m'ont répondu n'avoir jamais voulu le connaître et se sont étonnés. Ça ne me plaît pas, Hamel ? Je suis seule avec mon patronyme oublié, recouvert d'un autre qui ne me va qu'à moitié et n'aura jamais le pouvoir de me nommer complètement.”
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Près de la station essence où se pressent les scooters, quatre jeunes marchent dans ma direction, beaux, cheveux longs, les filles seins nus sous leurs tuniques légères, les garçons barbus, en tee-shirts et sandales, deux d’entre eux sacrifiant à la tradition locale avec leurs paniers de corde tressée. Trois vieilles femmes de dos, tout de noir vêtues, sont sur le point de les croiser. Aucune ne parvient à l’épaule des jeunes gens, façonnées depuis des générations par les maigres ressources de leur île. Elles n’ont aucune idée de la vie de ceux-là ni de ce qu’ils pensent. Leur monde
à elles, clos et isolé, peine à émerger de quarante
années d’enfermement et de crainte. Deux cultures
aux antipodes. Qu’ont-elles à se dire ? Et qui suis-je,
moi si semblable à première vue aux visiteurs, alors
que les fils qui me relient à Formentera baignent dans le sang et les larmes de ses reclus ?
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Avais-je du regret de ce qui s’était passé avant ? Je savais tourner le dos à un brouillon de vie, où tout sûrement n’était pas raté. Mais il était temps de me détacher de la Suzanne que j’avais été jusque-là. Puisque j’étais celle qui avait survécu. Qui n’avait plus d’illusions et savait ne pouvoir faire confiance à personne.
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Un roman mémoire fascinant à plus d'un titre qui révèle tout à la fois l'intime et le social presque oublié des années 70, dans les décors de rêve et cependant familiers des cols frontaliers catalans et de l'île de Formentera, hantés par les séquelles tragiques, le plus souvent dissimulées, de l'histoire franquiste.
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Je mesure ici la puissance du bulldozer de l'oubli. La facilité avec laquelle les crimes sont enfouis comme s'ils n'avaient jamais existé, pour qu'une génération venue d'ailleurs installe son paradis insouciant sur cette île, en ignorant tout de sa désolation.
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Vidéo de Serge Legrand-Vall
Serge Legrand-Vall vous présente son ouvrage "Un oubli sans nom" aux éditions In8.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2652286/serge-legrand-vall-un-oubli-sans-nom
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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