En mai dernier, j'ai eu l'opportunité d'assister à une rencontre avec
Jeanne Guien autour de ce livre, et son intervention m'avait tellement plu (fait halluciner ?) que je n'ai pas pu m'empêcher d'acheter son livre pour poursuivre la conversation.
Dans cet essai, Jeanne revient sur l'histoire de la création des serviettes hygiéniques et des tampons, mais pas que. Elle va plus loin et s'interroge sur le marché qui se cache derrière ces produits qu'on nous vend.
Jouant sur un marketing de la peur et de la honte (le sang ne doit pas être vu, montré, ni ressenti, il ne faut pas qu'on sache que vous ayez vos règles, oubliez même que vous avez vos règles), l'industrie des produits périodiques jetables s'est imposé sur le marché sans aucun précédent. Leur argument ? Ces produits sont mieux pour vous car plus hygiéniques, plus blancs, plus modernes (on se passera de commentaire sur l'association blanc = pureté et modernité).
Alors oui, je pense que les produits menstruels ont aidé les femmes à se libérer du temps, et même d'une certaine charge mentale. Mais à quel prix ? Car pour proposer des produits toujours plus blancs et absorbants, ces compagnies utilisent des produits chimiques souvent dangereux. Et même en connaissance de cause, cela ne les arrête pas. A titre d'exemple, on apprend qu'en 1996, des produits retirés du marché européen et nord-américain ont continué d'être vendu ailleurs dans le monde car il y avait moins de contrôles et de plaintes.
Et ce n'est pas non plus en faisant quelques campagnes de pub d'empowerment et des dons ponctuels en Afrique que cela fera changer les choses. Si ces marques étaient vraiment engagées pour le bien-être des personnes menstruées, elles pourraient par exemple réduire les inégalités salariales dans leurs propres entreprises, ou proposer exclusivement des produits sains sans danger pour la santé. Pourtant, à côté des nouvelles gammes en coton bio, sans chlore, on trouve toujours et majoritairement les autres gammes remplies de parfums et autres cochonneries.
Dans cet essai, il y a également tout un chapitre consacré aux applications de suivi menstruel, qui à leur manière, profite également des menstruations pour se faire de l'argent.
Mais la meilleure façon de résumer ce livre se trouve peut-être dans ces quelques lignes que l'on peut lire à la fin de l'essai : « L'industrie des produits menstruels a su jouer de ces ambivalences, en décrivant les femmes comme handicapées physiquement et socialement par leurs règles, mais « libérées » par les produits menstruels; en répétant que les règles étaient un processus normal, tout en l'entourant de précautions et de secrets; en employant des femmes, tout en leur donnant des positions subordonnées; en prétendant les guider dans la gestion de leur vie intime, tout en revendant leurs données à ce sujet… »
C'est donc un livre très complet, très documenté, que je vous invite vraiment à lire. Sans être forcément d'accord sur tous les points de vue, il a le mérite de nous ouvrir les yeux sur l'industrie des protections menstruelles et ses conséquences sur les personnes menstruées.
D'ailleurs, le mot « protection » en lui-même, quand on y pense, ne continue-t-il pas à alimenter ce tabou des règles ? Pourquoi se protéger de quelque chose de complètement naturel ?