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EAN : 9782070130184
280 pages
Gallimard (13/01/2011)
3.86/5   119 notes
Résumé :
« Le français, dit Akira Mizubayashi est ma langue paternelle. » Voici donc un Japonais qui habite notre langue. Plus, qui la vit. Soit un jeune Japonais des années 70. Accablé par les « maux de langue » que lui inflige son idiome natal, qu’il juge paralysé par le conservatisme, avili par l’injonction consumériste et tétanisé par l’hystérie mimétique des doxas soixante-huitardes, il étouffe. Il se sent immensément seul. Et se tait. Quelque chose en lui aspire à une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
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Quel merveilleux texte qu'Une langue venue d'ailleurs du Japonais Akira Mizubayashi!

Plus qu'un récit de son apprentissage de la langue française à partir de ses 18 ans, c'est un véritable chant d'amour qu'il livre avec une force et une beauté incroyables. En proie à des "maux" de langue dans son japonais natal post-1968 trop bavard, le jeune homme s'éprend du français. Cette passion se voit renforcée par la révélation reçue à l'écoute des Noces de Figaro de Mozart. le génie de Salzbourg conduit tout droit notre ami nippon dans les bras et l'esprit du siècle des Lumières et, plus spécifiquement, de Jean-Jacques Rousseau.

Akira Mizubayashi narre ses études de langue française à l'université de Tokyo, puis à Montpellier. Retour à Tokyo, licencié, pour entamer une maîtrise avant de rejoindre à nouveau la France et la rue d'Ulm à Paris pour son doctorat. Fort de son diplôme et revenu s'installer à Tokyo, il devient professeur de langue et littérature française à l'université, tout en poursuivant ses recherches et son accomplissement personnel dans cette langue volontairement choisie, cette langue venue d'ailleurs.

Car pour lui, le français et ses lettres n'ont jamais été des visées professionnelles. Un texte d'Arimasa Mori, philosophe et essayiste japonais, universitaire renommé, qui quitta tout pour demeurer en France, lui révéla le chemin à parcourir. Cet apprentissage se basait sur une discipline, sur une ascèse au long cours pour pleinement pénétrer la langue française et s'incorporer à elle du mieux qu'il puisse. C'est ce chemin de vie laborieux, parfois aventureux mais qu'il considère comme toujours source de joie qu'emprunte à ce moment-là le jeune Akira. Sa constance et sa dévotion à l'appropriation de cette langue et des innombrables richesses (et difficultés) de ses textes littéraires sont remarquables.

Son essai autobiographique est rédigé en français, de quoi faire rougir plus d'un natif de l'Hexagone, à commencer par moi tant son style est absolument magnifique. Tout son récit vibre de cet ineffable amour qui dure, à la sortie du livre en 2011, depuis près de quarante années et qui se poursuit sans aucun doute encore aujourd'hui (son nouveau roman doit sortir fin août). Son abord des thématiques rousseauistes donne envie de se plonger dans le corpus du philosophe des Lumières. Ses anecdotes sur ses premiers mois en France - non exempts de petites bourdes langagières - sont décrits avec vivacité et énergie.
Sa capacité d'apprentissage linguistique se double également d'une faculté de lecture critique des oeuvres. Procédé qu'il découvre à Montpellier, le système éducatif japonais ne prônant alors pas la technique de l'explication de texte ou de la dissertation, pas plus que le développement chez chaque enfant de son aptitude à se forger ses propres réflexions ou idées.

Est-il besoin après tout cela de préciser que j'ai pris énormément de plaisir à la lecture du récit d'Akira Mizubayashi? Même si je n'ai pas la même constance que lui, je me suis reconnue dans certaines de ses représentations de sa langue d'adoption par rapport à sa langue natale. Je suis le chemin inverse du sien, passant du français vers le japonais (essayant tout du moins) pour m'extraire de ma culture d'origine (sans la renier du tout d'ailleurs) pour accéder à quelque chose de plus large, de plus grand par la bord d'un système lexical, grammaticale et scriptural à des milliers de kilomètres du rassurant socle gréco-latin.
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Un petit trésor brut que cette déclaration d'amour de l'auteur pour la langue française , mais pas seulement, c'est aussi l'évocation de son enfance, d'une figure paternelle exceptionnelle, pour qui la culture, le savoir étaient des composantes essentielles de la VIE à transmettre à ses fils, lui, qui avait souffert du régime totalitaire de son pays… Réflexion élargie à la LITTERATURE…hommage vibrant rendu aux enseignants, aux maîtres qui ont durablement marqué « notre » écrivain…

Un texte d'une densité rare qui nous interpelle dans ce que nous avons de plus intime : notre « Langue maternelle »… ?

Eh bien notre écrivain talentueux s'est créé une deuxième naissance avec la langue française, la « Langue paternelle »…On ne peut que rester ébahi devant la virtuosité de son style, de ce qu'il exprime en profondeur : toute langue qui se nourrit non seulement de règles grammaticales, et lexicographiques mais aussi de l'âme du pays, de sa culture, de ses habitants, des usages et rituels de leur quotidien…En fait, à de nombreuses reprises, je me suis laissée porter par la beauté de sa prose… comme ces lignes qui suivent…Sans oublier deux nourritures esthétiques et culturelles nourrissant l'écrivain : MOZART et Jean-Jacques ROUSSEAU

« Ce qui, finalement, nourrissait et fortifiait ma langue paternelle, la langue que je portais donc en moi depuis un peu moins de dix ans, ce n'était pas tant ce que j'apprenais dans les cours et les conférences que ce qui frappait mes yeux dans les rues, dans les cafés ou dans les jardins, les films que je regardais dans les salles de cinéma, la musique qui me caressait les oreilles à l'Opéra ou dans les salles de concert, les tableaux que je contemplais dans les musées grands et petits, les paroles vives, dans leur matérialité sonore, que je captais au cours des échanges quotidiens interminables avec les amis rencontrés dans et autour de l'enceinte de l'Ecole, et enfin, et surtout, les textes d'un certain nombre, au demeurant assez limité, d'auteurs classiques et modernes que je lisais et relisais dans le silence tout sonore de ma solitude. Un spectacle de rue étonnant, une musique sublime, un film bouleversant, un tableau magnifique, une joyeuse conversation amicale dans un café, une belle page de roman: tout cela pouvait irriguer et fertiliser la langue qui me traversait désormais de part en part, car tous ces chocs esthétiques suscitaient des mots et libéraient la parole (...) (p. 203)”

Ravie de découvrir ce texte …alors que j'avais en attente un autre livre de ce même auteur , où la musique est le "noyau central", « L'Ame brisée » offert en priorité à un ami violoniste..…
Ce récit sur son amour pour la langue française a l'immense mérite d'expliquer en profondeur son roman « L'Ame brisée » . Je prêterai cet ouvrage à l'ami, qui me prêtera réciproquement « son autre livre », sur-habité par la musique !

Une figure paternelle extraordinaire, un papa-ingénieur-enseignant, qui s'investit de toutes ses forces pour encourager et soutenir ses deux fils : l'un dans la musique, l'autre, notre auteur, qui se prend de passion pour la langue française, alors le Père fait l'acquisition assez onéreuse d'un magnétophone, afin qu'il puisse travailler à loisir « sa » nouvelle langue !

« J'ai le sentiment d'avoir profité, en tierce personne, du face-à-face de m
on père et de mon frère [qui a étudié longuement le violon] pour m'éveiller à la musique. Et c'est peut-être cette musique-là, que je ne pratique pourtant sur aucun instrument, qui m'a acheminé vers cette autre musique qu'est la langue française. Quand je parle cette langue étrangère qui est devenue mienne, je porte au plus profond de mes yeux l'image ineffaçable de mon père; j'entends au plus profond de mes oreilles toutes les nuances de la voix de de la voix de mon père. le français est ma langue paternelle.”

Multiples passions, passion pour l'oeuvre de Jean-Jacques Rousseau, ainsi que pour Jean Starobinski , critique brillantissime de l'oeuvre de ce dernier…
Des analyses affinées du bilinguisme, des doutes, questionnements quant à sa toute petite fille… ayant une maman , française et un « papa » japonais. Il se demande quelle sera la meilleure solution pour son enfant ,de maîtriser et d'aimer les deux langues de ses parents !

« le jour où je me suis emparé de la langue française, j'ai perdu le japonais pour toujours dans sa pureté originelle. Ma langue d'origine a perdu son statut de langue d'origine. J'ai appris à parler comme un étranger dans ma propre langue. Mon errance entre les deux langues a commencé... Je ne suis donc ni japonais ni français. Je ne cesse finalement de me rendre étranger à moi même dans les deux langues, en allant et en revenant de l'une à l'autre, pour me sentir toujours décalé, hors de place. Mais, justement, c'est de ce lieu écarté que j' accède à la parole; c'est de ce lieu ou plutôt de ce non-lieu que j'exprime tout mon amour du français, tout mon attachement au japonais. »

Ce texte est une merveille d'intelligence, de culture et de profonde humanité. Je reste admirative devant la personnalité lumineusement bienveillante du père de l'écrivain : » Bref , mon père était là dans toute sa splendeur, avec toute la puissance de son désir d'apprendre, de sa soif de connaissances, de sa volonté d'aller toujours plus loin et enfin de sa fougueuse et inépuisable passion pédagogique. Je me suis souvenu que c'était lui qui nous avait appris à nager, alors que lui-même ne savait pas. » (p. 55)

Une lecture extraordinaire… nous faisant intelligemment réfléchir à notre propre apprentissage du langage ainsi que nos manières intimes ou non d'habiter notre “langue maternelle”…


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Du japonais au français.

Akira Mizubayashi raconte son apprentissage du français et son rapport avec cette langue.

Le japonais est une langue qui me fascine. Incroyablement complexe, elle comporte trois alphabets et de nombreuses formules à utiliser en fonction du rang de l'interlocuteur. C'est cette complexité qui m'a fait renoncer à apprendre cette langue.

Ce livre écrit par un japonais fasciné par le français avait donc tout pour me plaire. Impression confirmée à la fin de ma lecture. L'auteur s'exprime non-seulement dans un français magnifique, mais son propos est passionnant.

Étape par étape, nous le suivons dans son apprentissage du français, puis à la découverte de la culture française. A cela s'ajoute une réflexion sur le langage. En quoi notre langue maternelle fait-elle notre identité ? Apprendre et parler une autre langue modifie t-elle cette dernière ? N'est-ce pas une forme de trahison vis à vis de nos racines ?

Bref, c'est un très bon essai sur le français et plus généralement le langage.
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Dans ce livre, publié pour la première fois en 2010, Akira Mizubayashi raconte son rapport à la langue et aussi la culture française. C'est la lecture d'un texte d'Arimasa Mori qui est le déclencheur de son envie de se tourner vers le français, langue qu'il commencera à apprendre à 19 ans seulement, à l'université. Il aura ensuite l'opportunité d'obtenir une bourse de la France pour partir deux ans à Montpellier, dans une formation de professeur de français langue étrangère, puis après un retour au Japon, de revenir pour trois années encore à l'Ecole Normale Supérieure, avant de s'engager dans une carrière universitaire dans son pays, en temps que professeur et chercheur en français. C'est tout ce parcours, les difficultés de l'apprentissage, les barrières culturelles qui font que malgré toute la maîtrise il reste toujours quelque chose d'impénétrable dans une langue apprise à l'âge adulte, et malgré tout l'accomplissement de soi que lui a permis son choix de se consacrer à une langue étrangère. Il rend un hommage vibrant à son père, qui lui a permis par sa rigueur, mais aussi son ouverture d'esprit, de pouvoir s'engager dans le chemin qui lui convenait. Cette déclaration d'amour à langue française n'est pas passé inaperçue : le livre a été couronné par l'Académie française et par le prix de Rayonnement de la langue et de la littérature françaises.

C'est un livre très sympathique, bien écrit, même si certaines tournures ont un côté un peu précieux, voire suranné. le plus intéressant pour moi, est la façon dont l'auteur parle de ses difficultés pour s'approprier certains aspects de la langue liées aux mentalités et à la culture de la vie quotidienne. Il ne suffit pas d'étudier, là il s'agit du vécu, et malgré toute la passion, on ne rattrape pas l'expérience de l'enfance et de l'adolescence. Il a presque plus de facilité à entrer dans Rousseau, dans des textes et mentalités éloignés dans le temps que dans la mentalité contemporaine. L'écartèlement entre deux cultures et surtout entre deux langues est aussi bien rendu.

Par moment j'ai trouvé quand même le livre un peu verbeux, et un peu trop appuyé. Par exemple toute la partie sur la manière de savoir quelle langue et à quel moment il utilise avec sa chienne, qu'il pense être devenue bilingue, m'a parue un peu forcée.

Cela me donne quand même l'envie de découvrir maintenant ses romans.
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Un très grand plaisir de lecture, dans un moment de découragement.
Tout le monde connaît, du moins je l'imagine, un moment où tous les livres perdent leur saveur.
Je me réfugie alors dans la lecture des blogs et je partage vos passions mais de loin sans complètement y croire.
Or voilà un petit bijou dont j'aimerais vous parler.
Un intellectuel japonais est tombé follement amoureux de la langue française.
Il raconte son périple et ses joies.
Moi qui, dans une autre vie, ai enseigné à des étudiants étrangers, j'ai retrouvé avec émotion les efforts et les joies que représentent le passage d'une langue à une autre.
Akira Mizubayashi avec la délicatesse japonaise adopte peu à peu la culture française, évidemment , la Française que je suis, se sent fier et un peu étonné d'un tel amour pour Jean-Jacques Rousseau. Sa sensibilité à l'oralité passe aussi par la musique et là surprise c'est à Mozart qu'il doit l'éducation de son oreille.
Ses pages sur le personnage de Suzanne dans Les noces de Figaro m'ont rappelé de très bons moments de mes études universitaires : lorsqu'un enseignant savait au détour d'une explication nous faire revivre tous les enjeux d'un héros de roman ou d'un personnage de théâtre.
Beaumarchais est un auteur qui ne m'a jamais ennuyé et dont la modernité me surprend aujourd'hui encore. Mozart en fait un chef d'oeuvre à l'opéra, on est décidément en bien bonne compagnie avec Akira Mizubayashi !
L'autre moment que je vous recommande, ce sont les pages consacrés à son père.
Il est rare de lire chez les romanciers japonais une critique du régime nationaliste qui a conduit leur pays à mener des guerres impérialistes et racistes Son père a souffert de ce régime et s'est réfugié dans l'amour de la musique occidentale alors totalement interdite (je ne savais pas qu'à l'époque écouter Beethoven était passible de condamnations).
Il a surtout aimé ses fils et s'est totalement consacré à leur éducation, après avoir lu ce livre vous n'oublierez pas le dévouement de ce père qui accompagne son aîné pendant les 14 heures de train qui séparent leur ville natale de Tokyo où résidaient le professeur qui pouvait donner des leçons de violon.
Mais ce qui me ravit dans cet ouvrage c'est l'analyse très fine des différences culturelles qui passent par la langue entre le japonais et le français.
Qui peut croire, par exemple que le « Bonjour messieurs dames », lancé à la cantonade dans un commerce puisse mettre aussi mal à l'aise un Japonais qui y voit une intrusion insupportable dans la vie privée d'autrui ?
J ai aimé ce livre de bout en bout, ce n'est pas une lecture passionnante mais j'étais bien avec cet homme si délicat qui aime tant notre langue et notre littérature.


Lien : http://luocine.over-blog.com..
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
11 mars 2013
A poser sur le papier ces mots qu'il affectionne tant. Comme un acte d'amour qui lui vaut aujourd'hui d'être dans la lumière. "Une langue venue d’ailleurs" est une véritable déclaration d'amour à la langue française, sa langue "paternelle", comme aime l'appeler l'auteur.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Le japonais n'est pas une langue que j'ai choisie. Le français, si.
....Le français est la langue dans laquelle j'ai décidé, un jour, de me plonger.
J'ai "adhéré" à cette langue et elle m'a adopté.....
C'est une question d'amour. Je l'aime et elle m'aime ...si j'ose dire...

....c'est la langue vers laquelle j'ai cheminé avec patience et impatience tout à la fois; je me suis déplacé vers elle; c'est celle que je suis allé recueillir tandis qu'elle m'a accueilli en elle .....

...Elle est de nature "horizontale", d'une étendue immense qui conserve toujours des recoins inexplorés, des vides à remplir, des espaces à conquérir.
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Ce qui, finalement, nourrissait et fortifiait ma langue paternelle, la langue que je portais donc en moi depuis un peu moins de dix ans, ce n'était pas tant ce que j'apprenais dans les cours et les conférences que ce qui frappait mes yeux dans les rues, dans les cafés ou dans les jardins, les films que je regardais dans les salles de cinéma, la musique qui me caressait les oreilles à l'Opéra ou dans les salles de concert, les tableaux que je contemplais dans les musées grands et petits, les paroles vives, dans leur matérialité sonore, que je captais au cours des échanges quotidiens interminables avec les amis rencontrés dans et autour de l'enceinte de l'Ecole, et enfin, et surtout, les textes d'un certain nombre, au demeurant assez limité, d'auteurs classiques et modernes que je lisais et relisais dans le silence tout sonore de ma solitude. Un spectacle de rue étonnant, une musique sublime, un film bouleversant, un tableau magnifique, une joyeuse conversation amicale dans un café, une belle page de roman: tout cela pouvait irriguer et fertiliser la langue qui me traversait désormais de part en part, car tous ces chocs esthétiques suscitaient des mots et libéraient la parole ; la langue que je cultivais en moi comme une plante précieuse se développait , se ramifiait, se revigorait au contact d'une source de désir qui se cachait dans ces moments d'émerveillement. (p. 203)
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Dans les boulangeries, les bureaux de tabac ou d’autres petits commerces, je fus frappé par le fait que des hommes (et, moins souvent, des femmes) entraient dans la boutique en disant à la cantonade, « Bonjour, messieurs-dames », ou tout simplement « bonjour » ou encore succinctement : « Messieurs-dames ». Saluer des personnes inconnues ? Et oui, cela est fréquent France ; il suffit de se promener dans les rues de Paris ou de prendre le métro, d’être attentif aux spectacles qui s’offrent çà et là dans les lieux publics. Tandis que dans mon pays, un tel geste, potentiellement créateur de liens, serait perçu comme une violence inacceptable tout au moins comme une incongruité suspecte. La vie sociale s’organise de telle manière qu’un individu (pas un groupe constitué comme militants politiques ou syndicalistes…) n’ait pas à s’adresser, autant que faire se peut, à un inconnu, c’est-à-dire à quelqu’un qui n’appartient pas aux mêmes groupes communautaires que lui. Les inconnus sont par définition suspects. 
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Je n'étais pas insensible à la présence diffuse de tout un discours social de gauche sur l'auteur du -Contrat social-Rousseau, le père de la démocratie moderne; Rousseau, le précurseur de la Révolution française; Rousseau, le premier écrivain moderne, etc. Puis, il faut dire qu'"être moderne" avait une valeur absolue pour moi, moi qui savais que mon père avait souffert d'un régime militaire d'un totalitarisme barbare et sanguinaire, subissant jusqu'à la torture physique et mentale. (p. 77)
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Bref, des mots dévitalisés, des phrases creuses, des paroles désubstantialisées flottaient sans attache autour de moi comme des méduses en pullulement. Partout il y avait de la langue, de la langue fatiguée, pâle, étiolée: paroles proférées à travers micros et porte-voix, vocables tracés sur de gigantesques panneaux, discours imprimés dans des tracts qui puaient l'encre, tout cela constituait mon quotidien linguistique, et de tout cela, c'est cette sensation, désagréable voire intolérable, de flottement qui m'est restée. (Y avait-il là un écho lointain de l'ukiyo, "monde flottant" - monde incertain en perpétuelle dérive - comme on dit en japonais à l'image d'une ukikussa, plante flottante? C'est possib le.) C'étaient des mots qui ne s'enracinaient pas, des mots privés de tremblements de vie et de respiration profonde. Des mots inadéquats, décollés. L'écart entre les mots et les choses était évident. L'insoutenable légèreté des mots, le sentiment que les mots n'atteignent pas le plus profond des êtres et des choses me mettaient dans un état de méfiance que je ne cachais pas à ceux qui m'entouraient.
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