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EAN : 9782070146222
344 pages
Gallimard (15/02/2016)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Que savons-nous vraiment de nos proches? C’est la question que se pose Anton, professeur de lettres et d’histoire, en voyant une photo un peu floue dans le journal local où il croit reconnaître un de ses anciens élèves. L’homme serait impliqué dans une affaire d’alerte à la bombe. Anton s’interroge, et se remémore le jeune et brillant Daniel. Le lycéen avec qui il avait noué une relation très particulière pendant tout un été, dix ans plus tôt, aurait-il pu devenir u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
“À l'époque, toute la ville en avait fait des gorges chaudes, et, après qu'on avait appris qu'un professeur passait des journées entières en pleine nature avec deux de ses élèves.....”, le prof c'est Anton, l'un des élèves Daniel. Dix ans plus tard, le premier semble reconnaître la photo du second dans le journal, alors qu'il l'a perdu de vu depuis un certain temps. Trois jours plus tôt, une alerte à la bombe était donnée à la gare, et la photo semble être celle du jeune homme recherché dans le cadre de l'enquête. Voilà comment démarre ce roman d'un auteur autrichien découvert encore grâce à une amie babeliote, Arabella, que je remercie par cette occasion.
Dés le départ, Anton le narrateur prône l'ambiguïté sur le personnage de Daniel. Revenant sur le passé, sur certains faits, incidents et accidents où le garçon fut impliqué, jugés sévèrement par des tiers autour de lui, alors que lui n'y voyait que fumé, il nous laisse perplexe. Pourtant au fur et à mesure qu'il se rappelle, avec la distance, il semble réaliser qu'effectivement quelque chose ou plusieurs choses clochaient. Ici le côté intéressant de l'histoire plus que celle de Daniel et en faites celle du narrateur, aussi complexe que celle du garçon dans cette petite ville autrichienne où il enseigne. Métaphore de l'Autriche, un petit monde borné , plein de préjugés, qui est prêt à le mettre au pilori. Comment ne pas penser à Bernhardt et Jelinek.....”Dans le monde entier, des donneurs de leçons de tout poil raillent le caractère inoffensif de Camus, et chez nous il a la réputation d'être un auteur dangereux, dis-je. Cessons d'en parler, nous nous rendrions ridicules.”
Un livre qui pose indirectement la question du sens même de la vie, à travers un enseignant troublé par le suicide de son frère, un jeune homme qui le cherche dans les livres et la religion, un révérend de secte américain qui revient sur les lieux où son père échappa de justesse à la mort.....autant de vies, autant de quêtes, où la solution finit en queue de poisson. Aussi une nième référence, mais intéressante, à la frontière fragile entre le Bien et le Mal, et son interprétation ambiguë dans les livres saints, où je suis d'accord avec les propos du narrateur, trop longs à rapporter ici.

Bienvenue dans l'univers introspectif des écrivains autrichiens contemporains, Bernhardt, Jelinek, Kohlmeier, Handke .... du moins ceux que je connais relativement bien. Des auteurs intellectuellement exigeants, intéressants à suivre dans leur fil de pensées et réflexions complexes, mais qui laissent souvent un sentiment de malaise en fin de lecture, “le malaise autrichien”. Une lecture intellectuellement stimulante, que je ne peux que conseiller pour qui aime le genre.

« Elle avait voulu dire que nul n'en savait vraiment long sur son prochain, et je pouvais difficilement la contredire sur ce point ».
“Pas de théories sur le sens et le non-sens de la vie. Pas de subtilités inutiles, alors qu'au fond tout est simple.”
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Anton, le personnage principal du roman, nous raconte à la première personne, un certain nombre d'événements, qui plus que changer le cours de sa vie, l'ont obligé à se positionner, à se plonger en lui-même et en ses souvenirs. Il croit reconnaître, sans en être certain, un de ses anciens élèves, Daniel, sur une photo floue de journal. Un jeune homme dont il a été d'une certain façon proche, qui a compté pour lui. Si cette photo apparaît dans ce journal, c'est qu'une contrefaçon de bombe accompagnée d'un message menaçant a été découverte à la gare de la petite ville où vit Anton et que le personnage sur la photo est soupçonné de l'avoir déposée. Anton n'est pas le seul à penser à Daniel, très vite tous les habitants de l'endroit semblent lui attribuer la responsabilité de l'acte, et en même temps rendre Anton responsable de ce qui arrive. La tension montre encore avec une nouvelle menace, jusqu'à une forme d'hystérie collective par moments. Anton replonge dans ses souvenirs, revisite les endroits, revoit des personnes qui pourraient évoquer des aspects qui ont pu lui échapper dans le cheminement de Daniel, et dans le sien. Tout cela dans un certain désordre, en vrac, comme cela arrive lorsqu'on se plonge dans ses souvenirs, et qu'un éléments en ramène un autre à la mémoire, arrivé à un autre moment. Anton n'explique pas tout, se parlant à lui-même il n'a pas besoin d'énoncer des choses qui sont des évidences : par exemple je me suis demandé pendant un moment quelle matière il enseignait.

Que fait qu'un livre vous bouleverse d'une façon terrible et merveilleuse à la fois ? Comment rendre compte d'un tel livre ? J'ai beaucoup de mal à mettre des mots sur ce que j'ai ressenti et aussi toutes les pistes de réflexion que ce roman a ouvertes pour moi. Car c'est à la fois très sensible, dans des description de lieux, des sensations, des ambiances, des émotions, mais le sensible n'occulte pas la réflexion, la question du sens, des choix, de la marge de liberté laissée à chacun, ou que chacun s'autorise.

Ne vous attendez pas si vous lisez ce livre à un cheminement d'un jeune qui « se radicalise » qui verse dans la violence, sujet sans doute d'actualité. Mais le roman de Norbert Gstrein va au-delà d'un sujet dans l'actualité. Nous ne saurons pas grand-chose de sûr à propos de Daniel, il devient presque une métaphore, une sorte de golem dans lequel chacun projette ses propres représentations, peurs ou espoirs. Ou qui suscite, comme chez Anton, des questionnements : sur ce qu'est une éducation, sur la façon dont on peut ou pas contribuer à la construction d'un esprit jeune, sur la légitimité et les limites de ces tentatives. Daniel, comme beaucoup d'adolescents, se posait des questions sur le sens des choses ; crise inévitable mais passagère, ou ce type de questionnement doit-il rester toujours vivant quelque part dans chaque homme pour être véritablement homme ? Et même si ce type de problématique traverse l'esprit à toutes les époques (je ne peux m'empêcher de penser à Saint-Augustin dont je viens de finir une biographie) Norbert Gstrein suggère avec subtilité à quel point la façon de la poser et le type de réponses dépendent aussi de la société, du monde dans lequel on vit. Il dresse au passage un tableau à proprement parlé effroyable d'une petite ville autrichienne, dans une sorte de décomposition haineuse. Mais cette petite ville n'est qu'un condensé, sans doute de l'Autriche, mais aussi de notre monde européen de ce début du siècle. le roman est ponctué de référence à des livres, dont le contenu paraît par moments aussi tangible que les événements dans le monde sensible.

Très sombre en partie, très angoissant par moments, le livre ne verse pas dans un pessimisme total qui serait une facilité, mais contient aussi une part de merveilleuse lumière, comme celle de ces journées d'été dans le vieux moulin d'Anton.

L'auteur du seul autre commentaire sur ce livre s'interrogeait pourquoi il n'attirait pas plus de lecteurs. Je me pose la question pourquoi Norbert Gstrein en général n'attire pas plus de lecteurs : j'ai déjà lu un autre de ses romans, «  Les années d'Angleterre » que j'ai trouvé excellent (sans qu'il me touche autant) et là aussi, à part le mien, un seul commentaire en trois mots. Et rien sur ses autres livres. Une recherche sur Internet ne m'a permis de découvrir qu'une seule critique « professionnelle » un très bref commentaire du Monde, passe partout, vague, un peu incolore. Il mériterait à mon sens tellement plus, ce livre, qui pour moi sera sans conteste un des livres essentiel de ma vie de lectrice.

Je suis très heureuse qu'il reste encore quelques livres de cet auteur à découvrir. Et j'espère très bientôt de nouvelles parutions.
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Roman dont je m'étonne qu'il n'est pas plus de lecteurs. L'histoire est assez simple : un professeur de lycée reconnaît un de ses anciens élèves (avec qui il a eu une relation privilégié) comme le poseur d'une (fausse) bombe dans sa ville. Une fois ce cadre posé, ce professeur va revoir toute sa relation avec cet élève et essayer de comprendre les liens qu'il a eu avec lui, de les analyser. Il va découvrir des éléments nouveaux et je ne peux en dire beaucoup plus s'en gâcher l'histoire. La narration est très complexe (c'est d'ailleurs un argument de la quatrième de couverture !), on s'y perd un peu et j'aurais du mal à faire une frise chronologique des événements après ce roman mais ce n'est pas l'important, la psychologie des personnages, leurs relations, tout cela est très bien écrit et pensé. On pourra regretter une écriture un peu trop académique (ou plate) mais ce roman m'a bien plu et je le recommande vivement.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
J’étais arrivé à la hauteur du terrain de football,....C’était un des chemins que j’avais coutume d’emprunter lors de mes promenades nocturnes, et, quand j’approchais du terrain, j’avais toujours l’impression qu’il suffirait d’un rien pour que les projecteurs s’allument brusquement, et soustraient à l’obscurité deux équipes qui, dans le rond central, prêtes à donner le coup d’envoi, attendaient seulement que le sifflet retentisse. Et les tribunes pleines expliqueraient que la ville, à cette heure, fût si morte......Derrière les buts, dans le clair de lune, le vent semblait faire vibrer le grillage, un léger sifflement dont je ne savais pas si je l’entendais ou me l’imaginais simplement, et qui m’évoquait des chauves-souris. Un mouvement ondulatoire animait tout entier le treillis métallique aux mailles serrées, c’était comme si l’on voyait le monde depuis les profondeurs marines, ou dans la chaleur vibrante d’un jour d’été, même si ce spectacle me faisait plutôt frissonner.
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Il semblerait que le spectre humain soit moins large qu’on ne le pense, et quoique nous tirions tous la plus grande vanité de nos particularités, quelques traits suffisent pour dresser une caricature.
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Le spectacle de la grand-rue plongée dans la nuit me donnait toujours le frisson. De nombreux magasins ont fermé ces dernières années, aussi y avait-il toujours quelque chose d'un peu angoissant à passer devant ces locaux vides où, parfois, à l'étage, une lumière inattendue perçait l'obscurité, renforçant encore cette impression. Les vitrines des autres boutiques semblaient n'avoir pas changé depuis des années, ici une enseigne au néon vacillante, là une lumière clignotante, et, comme surgie de très loin, une voiture solitaire contournait les bacs à fleurs paradoxalement disposés là pour ralentir le trafic. C'était comme si j'étais le seul homme en chemin dans la rue, pas seulement ce soir-là, et pas seulement à cause de la pluie, mais parce qu'il en était ainsi tous les jours, sauf peut-être le samedi, et il y a deux, trois ans encore, ç'aurait été suffisant pour que je me demande s'il ne valait pas mieux partir, à Vienne ou quelque part à l'étranger ; mais deux, trois ans, c'était déjà un bout de temps.
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Je me souviens tout particulièrement de certains jours de fin d'année, quand la nuit tombait tôt, que la ville se nimbait d'une brume jaunâtre, que je regardais les lumières s'allumer une à une sur les rives, sur les bateaux dispersés à la surface de l'eau, et que j'avais la sensation, après avoir lu des heures durant, que la réalité allait se dissoudre sous mes yeux et que je pénétrais dans un monde intermédiaire, désamarré, ni dans l'histoire que j'étais en train de lire, ni dans le monde des passants qui, entre Beyoglu et Sultanehmet, déambulaient, et ne pouvaient voir ce que je voyais.
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Depuis, j'ai porté si souvent ces deux complets qu'ils pochent aux coudes et aux genoux, qu'ils sont lustrés à maints endroits, mais ils me font encore de l'usage, et il me semble que, d'être si vieux, si élimés, ils n'en remplissent que mieux leur fonction. Car ils me transportent aussitôt dans un monde parallèle et me rendent visible d'une façon qui évoque parfois cette invisibilité à laquelle croient les enfants, quand ils se cachent le visage dans les mains.
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