C'est la dernière pièce publiée par l'auteur, sortie cette année (2017). Il explique qu'elle est née de sa rencontre avec les élèves du Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris. Les élèves souhaitaient que Wajdi Mouawad leur écrive un texte, il manquait de temps, leur a proposé de reprendre un ancien texte. Mais au final, un texte nouveau est né, qui comprend quelques éléments écrits par les étudiants eux-mêmes.
Dans la pièce deux moments, deux réalités s'entrecroisent. Les étudiants du conservatoire de Paris cohabitent avec ceux de l'Ecole nationale de théâtre de Montréal, dans laquelle Wajdi Mouawad a étudié. Un étudiant s'y est suicidé, ce qui a provoqué une forte onde de choc. Wajdi Mouwad transpose ce fait tragique dans la pièce, une étudiante parisienne, Victoire, s'est suicidée. Chacun de ses camarade réagit à sa façon à cette mort, qui les interroge tous, les remet en question. Nous avons par ailleurs quelques flashs sur les étudiants québécois qui ont été confronté à cette situation environ trente ans auparavant.
Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure pièce pour aborder Wajdi Mouwad. C'est un peu une pièce de commande, avec des contraintes fortes, dont celle d'avoir 12 rôles, pour les 12 étudiants comédiens. Et une partie du texte a été écrite par les étudiants eux-mêmes, sans doute dans l'esprit du projet, et peut être à cause du manque de temps qu'évoque l'auteur. Cela devait constituer une expérience forte et formatrice pour les étudiants, le lecteur pour sa part est confronté à un texte qui n'est sans doute pas le plus abouti et le plus personnel de Wajdi Mouawad.
Challenge Théâtre 2017-2018
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Moi, je veux pas penser de même, je veux pas me fermer parce que j'ai peur, et je crois que c'est pour ça que le théâtre est pas seulement une forme d'expression pour moi, mais que le théâtre peut être une manière de rencontrer ce qu'on est en train de devenir comme société, et d'aider le monde à ne pas avoir peur de ce qui s'en vient. En fait, ce serait ça mon rêve : je rêverais de ne pas avoir peur de l'étranger.
Qu'est-il advenu de Lucie ? Que s'est-il passé dans le casier de Victoire ? Est-ce que les âmes égarées du Conservatoire ou le souffle de quelques ancêtre oubliés qui ont pénétré l'esprit de Lucie ? Mystère.
Je te conseille vivement de garder tes débilités pour tes pièces de boulevard puisque tout porte à croire que tu seras un comédien destiné à crever de faim en vivotant de-ci de-là, de projets merdiques en projets merdeux, jusqu’à ce que, écœuré, tu sois obligé de constater ton manque de talent flagrant et que tu n’as rien à faire sur une scène de théâtre, alors tu deviendras enseignant de français pour des maisons de riches où tu finiras par trouver une femme à ta mesure qui te donnera une situation pour que tu sois enfin ce que tu ne veux pas assumer d’être, c’est-à-dire, bêtement, un mec de droite. La situation est, me semble-t-il, assez grave, et je ne suis pas venu ici pour plaisanter avec des refoulés de la politique. A présent, prenez les chaises, ceux qui ont été au bar, et disposez-vous comme vous étiez disposés, et tâchez, de vous rappeler ce qui s’est passé.
Et on parle, on parle, on parle ! Ce n'est pas le suicide de Victoire qui nous choque, c'est qu'elle l'ai fait, le geste ! Victoire s'est défenestrée. Elle n'a pas fait semblant de se défenestrer, elle n'a pas dit qu'elle allait se défenestrer, elle n'a pas fait un monologue sur le sens de la fenêtre dans l'oeuvre de Spinoza ! Non ! Victoire s'est défenestrée ! Les 2 avions se sont fracassés contre les tours du World Trade center et les 2 mecs sont entrés dans les locaux de Charlie Hebdo ! ils ont ouvert la porte, ils ont grimpé les escaliers, ils ont tiré des balles, ils ont tué les yeux dans les yeux ! Tout ça ce sont des gestes, non ? Très peu de mots et beaucoup de gestes ! Pourquoi les seuls gestes qui ont frappé mon esprit ont toujours été des gestes de terreur et d'effroi ?
Je ne vais pas avoir peur parce qu'on me dit que je dois avoir peur. Mes peurs, je veux les éprouver pour les avoir vécues. Pas autrement. Non, pas autrement. Sortir de la matrice. Tout est trop propre ici. Je vais écrire, je vais filmer, je vais peindre, je vais chanter, je vais danser.
Wadji Mouawad est dramaturge, romancier, metteur en scène, Grand prix du théâtre de l'Académie française et il dirige actuellement le Théâtre national de la Colline depuis 2016. Cet homme d'origine libanaise est venu donner son point de vue sur la question "Que faire de notre héritage culturel?". "On a semé en moi la graine de la détestation, qui consistait au fond à détester tout ce qui n'était pas de mon camp et mon clan", a expliqué Wadji Mouawad, qui a grandi au Liban pendant la guerre civile, dans une "culture de la détestation". Aujourd'hui, il a choisi de réfléchir à la manière dont son héritage personnel l'encombre dans la situation que nous vivons actuellement, et notamment le conflit israélo-palestinien, et plus particulièrement depuis les attentats du 7 octobre 2023. Selon lui, il n'est pas possible d'être neutre du fait de notre héritage. Après ce constat, il en vient à se poser la question suivante : "Est-ce que notre héritage ne devient pas un obstacle à notre capacité à l'empathie?".
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