Lecture jeune, n°123 - Rachid Djaïdani publie ici son troisième roman. Après quelques années dans la maçonnerie et la boxe, ce rejeton des cités écrit en 2001 un premier livre, Boumkoeur (Points virgule, voir LJ n°91), vendu à 300.000exemplaires – qui lui vaut une invitation chez Pivot –, mène une carrière d’acteur – notamment chez Peter Brook – et de réalisateur. Son héros, Lies, jeune adulte d’un quartier dit sensible, ancien champion de boxe, entraîne un groupe de jeunes dans un gymnase et quelques détenus en prison. Deux rencontres bouleversent le cours de sa vie : celle de Shéhérazade, la sœur belle et sensuelle d’un de ses élèves, et celle d’une directrice de casting. L’intrigue bien ficelée tourne alors à la tragédie. La mécanique huilée d’une petite vie tranquille s’enraye, la faute au hasard et à une fatalité implacable. Le livre se colore d’une violence (séquestration, incendie du gymnase, hold-up sanglant) aux motivations universelles : la jalousie, le fanatisme, l’incompréhension… La tendresse d’un amour naissant tempère ce climat. Rachid Djaïdani a la rage d’exister, de faire entendre sa voix d’artiste« urbain » : il interpelle le lecteur, mène une réflexion sans clichés sur les problèmes des cités (mais pas exclusivement), écrit dans une langue chahutée et inventive, pleine de métaphores, tantôt proche du slam, tantôt épurée (excepté un premier chapitre assez échevelé) et toujours originale. Ce livre révolté, émouvant et très visuel devrait toucher comme Boumkoeur un large public, pas forcément grand lecteur mais ouvert à une nouvelle voix. Marie-Françoise Brihaye
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Son interlocuteur est un homme de quarante ans, la voix nasillarde, il carbure au demi. Le monsieur porte une paire de lunettes de vue à double foyer type Boursinhac, sapé en Kasso One, proportionné comme un Ken Loach, les cheveux en bataille genre Cassavetes, un sourire de Fejtö et des doigts plus bagués que Tarantino. Réal sans paillettes ni sucettes, il porte sur son visage les traits de l'artiste pondu par la flamme de sa propre étincelle.
Ici les rats portent des combinaisons en Téflon. Les cafards font du smurf sur le dos des mollards. Les pits sniffent des rails de coke avant de chiquer des têtards. Le béton a de l'herpès soigné au Kärcher, les barbelés le sida, et la Déclaration universelle des droits de l'homme est une blague qui circule sous le manteau.
Samir fait quelques étirements. Son corps de roseau a la souplesse d'un kamasoutra, sous sa capuche on devine une boulette à zéro ayant gommé ses bouclettes. Il a un visage en forme d'olive Son regard a le pétillant d'une Selecto, boisson officielle de tous les blédards.
La France nous baise
sans jamais nous dire je t'aime.
Pourquoi quand elle a ses règles,
c'est moi qui saigne ?
Rengaine: rencontre allumée avec Rachid Djaïdani et sa bande .Rengaine, le film de Rachid Djaïdani était diffusé au Ciné Club des Inrocks au centre George Pompidou. Pour l'occasion, le réalisateur et quatre de ses acteurs et amis se sont livrés face caméra, avec humour et poésie. Interview allumée.