TOUJOURS JEUNES, LES PARFUMS
Avril en fleurs, tu ne courais si vite
à l’extrémité du jardin que pour reprendre
haleine, tu ne savais alors aucun nom d’arbre
sauf celui de lilas, et comme dans les contes
tu te retrouvais sur leurs cimes
à la hauteur d’un mur, mais au-delà
tu n’avais nul besoin de voir : le monde
sans fin oscillait, respirait
en la couleur de son parfum, qu’elle soit
blanche ou mauve, tu y restais des heures,
le laissant t’imprégner, dire à ta place
le mot qui recueille autant qu’il dilate.
Comme les enfants, les poèmes sont des juges sévères, ils espèrent en nous, ne les décevons pas.
Le premier mot, si nous pouvions le dire, ce serait « ?oui ? ». Un enfant vient au monde, il n’en perçoit que ces visages qui s’inclinent vers lui, ces souffles qui l’effleurent, ces mains qui le caressent, ces voix, ces voix surtout qui lui sont vite chaleureuses, qui l’enchantent. Ensuite, plus ou moins tôt, il le constatera, trop de mensonges gangrènent la plupart de nos conduites, il cessera d’approuver sans réserve.
Un souffle entre les souffles, la parole
apprenait ainsi à ne rien définir,
tu la gardais au creux des paumes et des lèvres,
de nuit, l’empêchant de s’éteindre :
les nuits froides, désormais, tu te plaindrais,
tu trahirais cette force en nous prête encore
à restaurer l’enfance où notre neige
comme un parfum annonçait son retour
si tu prononces, les yeux fermés, le mot fluide,
intrépide, qui ne s’exhale ou ne s’enflamme
que pour se prodiguer sur une terre
éventée, réjouie.
Décembre, un soir, au bord d’une terrasse,
feuilles lourdes, piétinées, nuages
interminablement poussés par le noroît,
en bas, bruyante, une rivière en crue,
nous ne la voyons pas, mais peu à peu,
sans avoir à nous souvenir, apparaissent,
en désordre, obscures, quelques syllabes,
nous les reprenons à voix haute,
elles raniment, de plus en plus intenses,
elles ramifient un poème : aucun
ne dit la perte, nous y entendons les enfants
qui jouent par tous les temps, qui reconnaissent
sous les arbres, dans la neige, les paroles en fête,
toutes leur sont dédiées.
un enfant sur la vitre qu'il recouvre de son haleine dessine quelques signes, avec l''haleine les signes se dissipent, le jardin se déploie dans la splendeur d'un instant.
Toi, ce ne sont pas des traces que tu aurais dû déposer sur ta feuille : quelles traces ont rouvert l'écoute, l'écoute parturiente ?
À l'occasion de l'édition 2021 (Auteur/lecteur) du Festival Résonances, les rencontres du patrimoine littéraire et de la création, nous vous proposons ici "Trajectoires d’écoute", une série d'entretiens avec Pierre Dhainaut, par Thomas Demoulin.
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