Au soir de sa vie,
Voltaire accepte, en son château de Ferney, situé près de la Suisse, de recevoir Lasalle qui souhaite rédiger sa biographie.
Voltaire lui raconte alors quelques épisodes marquants de sa vie : adolescence, premiers pamphlets, premières pièces de théâtre, premières amantes, premiers embastillements, … , jusqu'à arriver à son âge avancé où le philosophe a pris la place de l'homme de lettres et n'hésite pas à s'engager dans des procès iniques qui ont le don de le faire enrager par la stupidité des juges et des curés, personnes d'un autre âge qui ne voient pas que le monde et les idées ont évolué.
Critique :
Ce livre qui déplaira aux amateurs d'action par son côté narratif, enchantera ceux qui veulent découvrir
Voltaire, son oeuvre et son temps.
Philippe Richelle, le scénariste, ne cherche nullement à présenter l'écrivain comme un individu d'une rectitude parfaite, puisqu'on parle là de celui qui fut sans doute le plus grand philosophe des lumières. Bien au contraire,
Philippe Richelle nous montre également des aspects du personnage nettement moins séduisants. Ainsi,
Voltaire s'est moqué du Régent (qui gouverne après la mort de
Louis XIV jusqu'à ce que Louis XV soit en âge de monter sur le trône) qui était un brave homme « progressiste », animé de l'esprit des lumières, simplement pour permettre au sieur
Voltaire de faire parler de lui, de se faire connaître, car, quoi de mieux que de susciter un scandale pour que l'on parle de vous ? le scénario désarçonnera certains lecteurs par son découpage car l'on passe d'une époque à une autre par un effet de yo-yo pas toujours facile à saisir, mais que l'on comprend si on pratique une lecture attentive.
Le scénariste accorde une place de choix aux maîtresses
De Voltaire, non pour appâter le public par des scènes lubriques, mais tout simplement parce qu'elles ont joué un rôle dans sa vie, en particulier
Emilie du Châtelet qui, mériterait bien une bande dessinée centrée sur sa personne. Femme tout-à-fait exceptionnelle, voici ce qu'en dit Wikipédia : « mathématicienne, femme de lettres et physicienne française. Elle est renommée pour la traduction en français des Principia Mathematica de Newton qui fait encore autorité aujourd'hui. Elle-même expérimentatrice, elle a contribué non seulement à populariser en France l'oeuvre physique de
Leibniz, mais a aussi démontré par l'expérience que l'énergie cinétique (appelée à l'époque « force vive »), était bien proportionnelle, comme il l'avait formulé, à la masse et au carré de la vitesse.
Voltaire, avec qui elle entretient une liaison de quinze ans, l'encouragea à poursuivre ses recherches scientifiques. »
Le dessinateur,
Jean-Michel Beuriot, accomplit ici une oeuvre très personnelle et ayant nécessité un travail de recherche considérable pour représenter
Voltaire à son époque. Beuriot a appliqué directement les couleurs sur les planches originales qui ont ensuite été scannées pour pouvoir y inclure les « bulles » et effectuer la mise en page. Un important travail à la palette graphique a complété l'ouvrage.
Jean-Michel Beuriot a opté pour les aquarelles que d'aucuns adoreront (j'en suis) et que d'autres déploreront car cette technique en bande dessinée surprend certains lecteurs habitués à des mises en couleurs plus classiques. Chaque case devient ainsi un vrai petit tableau. le lettrage est réalisé à partir de l'écriture du dessinateur, digitalisée pour en faire une police de caractères. Tout ceci explique pourquoi il a fallu pas moins de trois ans au dessinateur pour venir à bout de ce chef-d'oeuvre (si vous n'êtes pas d'accord avec moi, je ne vous ferai pas de procès, nous n'avons pas tous la même opinion et c'est très bien ainsi).
Attention : le personnage de Lasalle, le « biographe »
De Voltaire, est purement imaginaire ! Les autres « acteurs » de ce récit ont bel et bien existé.
Ce double album est bien plus qu'une BD, un roman graphique, une biographie
De Voltaire. Il est tout cela et un livre d'art en plus. Il met en lumière la dualité de cet homme aux idées de qui nous devons tant (séparation de l'église et de l'état, respect des libertés individuelles et collectives, démocratie représentative, droits des femmes à pouvoir être les égales des hommes, …) et quelques côtés plus sombres (son goût immodéré pour l'argent, son opposition au suffrage universel, jugeant que tous les hommes n'étaient pas aptes à réfléchir suffisamment que pour élire sainement, …).
Je pourrais encore vous chanter les louanges de cette BD pendant longtemps, mais je vous volerais du temps que vous pourriez employer au mieux en la lisant !