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Jacques Mailhos (Traducteur)
EAN : 9782404080291
546 pages
Gallmeister (07/03/2024)
3.71/5   139 notes
Résumé :
“Nous ne sommes que des somnambules. Vous voulez que je vous dise ? Je veux me réveiller.”
Blandine Watkins est une jeune femme à part. Sa beauté éthérée et son intelligence aiguë dressent une barrière entre elle et les autres. Elle partage un appartement avec trois garçons qu’elle ne comprend ni n’apprécie, mais sur lesquels elle exerce une étrange fascination. Tous viennent de foyers brisés et tâtonnent pour trouver leur place dans le monde. Pour ne pas se ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Ecoutez-moi jusqu'à la fin est le premier roman de Tess Gunty, une femme de lettres d'à peine trente ans, qui n'avait jusqu'alors écrit que des chroniques poétiques et philosophiques. Ce coup d'essai semble être un coup de maître. L'ouvrage est considéré comme le livre de l'année aux Etats-Unis, où il a obtenu le National Book Award, un prix prestigieux outre-Atlantique. Les critiques sont dithyrambiques, on évoque un talent exceptionnel.

Hélas ! Il peut arriver que le génie me passe au-dessus de la tête. Il ne faut alors pas me tenir rigueur de ne pas être à la hauteur et de rester dubitatif.

Les événements — ne parlons pas d'intrigues, il n'y en a pas ! — se déroulent au Midwest américain, dans la ville fictive de Vacca Vale, une ancienne cité industrielle, où les usines, jadis prospères, ont depuis longtemps mis la clé sous la porte, abandonnant sur place chômage, désespérance, alcoolisme, ainsi que des dégénérescences provoquées par des pollutions. La plupart des personnages habitent un immeuble de logements sociaux mal fichus, le Clapier. Ces gens sont tous des laissés-pour-compte du mythique rêve américain (dans ses différentes déclinaisons).

Parmi eux, une jeune femme de dix-huit ans au physique insignifiant exerce une sorte de fascination sur les autres. Elle semble vouloir s'opposer à la trajectoire consumériste, capitaliste et écocidaire de l'Amérique, en s'inspirant des enseignements d'une nonne mystique et savante du douzième siècle, qui déclarait recevoir en direct la parole de Dieu. Après une déception sentimentale cruelle, la jeune femme a choisi de se faire appeler Blandine, en référence à l'esclave romaine jetée aux lions dans les premiers temps du christianisme et sanctifiée en récompense de sa Foi… Lacérée par des bêtes ! Pourrait-elle avoir la même destinée ? En tout cas, un soir, « Blandine sort de son corps »…

Il y a d'autres personnages. La veille, à Los Angeles, une femme âgée était décédée. Elle avait été la star enfantine d'une série TV à succès des années cinquante. Elle avait ensuite mené une vie de bâton de chaise, puis s'était investie dans une cause animalière, tout en assumant avoir été incapable de s'occuper d'un fils non désiré. Un stéréotype hollywoodien, qui entre parenthèses, ressemble à la vie d'une ancienne grande star française. le fils en question tient un blog sur la santé mentale. C'est un original qui aime se grimer en épouvantail luisant. Les circonstances lui permettront de rayonner.

Tout cela n'a vraiment ni queue ni tête, mais il fallait une imagination débordante, un vrai talent d'écriture et un peu d'humour pour en faire un texte de cinq cents pages, que nonobstant quelques longueurs, j'ai lu sans déplaisir, tout en essayant de comprendre où son autrice voulait m'emmener. Au travers de différents symboles, on peut en effet y voir la critique acerbe d'une société américaine et plus généralement occidentale, fondée sur des rapports de domination — patriarcale, raciale, financière, la rengaine est connue — mais on croit aussi y déceler la caricature volontaire d'une telle critique. L'une et l'autre se vaut ou se valent, pourrait-on dire.

Le titre sous lequel le livre est publié mérite un commentaire. Alors que l'original est The Rabbit Hutch (in french : le Clapier), l'éditeur a choisi pour la version française : Ecoutez-moi jusqu'à la fin. Qu'en a pensé Tess Gunty ? Il est vrai que l'annonce mystérieuse dans les premières lignes que « Blandine sort de son corps » incite à lire le livre jusqu'à la dernière page dans l'espoir d'un éclaircissement.

Je m'incline devant le choix de l'éditeur, mais à mon sens, « Le Clapier » aurait été un titre vraiment pertinent. J'ai bien aimé l'histoire aberrante de cet immeuble imaginé par l'autrice. Elle me rappelle celle, non moins aberrante, d'un authentique immeuble de logements sociaux, en France, dans une ville ayant subi une déqualification analogue à celle de Vacca Vale. Cet immeuble grotesque porte le nom — ni inspiré ni inspirant — de « Unité d'Habitation de Firminy-Vert ». J'y avais situé une partie de mon roman Les moyens de son ambition.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Blandine, 18 ans, est fascinée par les femmes mystiques. Elle vit a Vacca vale dans un HLM que l'on surnomme le clapier et partage un logement avec trois garçons qu'elle ne connaît pour ainsi dire pas.
Je ne souhaite pas trop en dire, ce serait gâcher le plaisir.
C'est la vie de ses locataires que vous allez découvrir d'une manière originale, ce sont tous des faits de société qui vont transparaître à travers les histoires de chacun.
Je suis d'abord surprise par l'entrée en matière et la surprise passe à l'étonnement.

Blandine trouve son réconfort dans la spiritualité parfois débordante mais c'est pour elle une manière de se protéger de ce monde qui va droit dans la misère, dans le chaos.
C'est une jeune femme tres intelligente mais cela ne la rend pas accessible aux yeux des gens méfiants préférant rester à leur quotidien sans couleurs.

Ce livre au commencement est atypique, une fois imprégné de son univers c'est grisant.
Certains passages sont des électrochocs.
Un panel de vérités.

Tess Gunty est un électron libre qui triture les faits de société de l'Amérique. Son phrasé harponne, elle rebondit d'un sujet vers un autre, c'est juste incroyable.
je qualifierai ma lecture comme intrépide elle aborde tout, rien ne la freine.
Ouvrir un livre d'un auteur inconnu c'est comme partir vers un voyage en destination inconnue soit vous y retournerez ou passerez votre chemin. J'y retournerai avec plaisir.
Il faut noter que c'est le premier roman de Tess Gunty et d'autant plus un immense coup de coeur
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Blandine Watkins, jeune fille de 18 ans aux cheveux couleur de lune, vit dans la ville (fictive) de Vacca Vale, connue pour avoir hébergé la célèbre usine de voitures Zorn Automobiles.
Avec 3 adolescents, issus comme elle de milieux d'accueil, elle partage l'appartement C4 de la résidence à loyers modérés La lapinière, surnommée « le Clapier » qui abritait jadis les ouvriers de l'usine.

Cette jeune fille à haut potentiel intellectuel et à la sensibilité à fleur de peau s'intéresse à chaque petit détail de la nature.
Écoeurée par le consumérisme, elle développe une fascination pour les mystiques dont elle admire la détermination.

Que s'est-il passé en cette chaude soirée d'été de juillet pour que Blandine sorte de son corps, vivant cette expérience que les mystiques appellent la transverbération du coeur ?

Autour de Blandine, Tess Gunty dresse, avec une originalité peu commune, une galerie de personnages, fragiles pour la plupart, confrontés à leurs propres problèmes qu'ils affrontent tantôt avec tendresse, tantôt d'une façon qui peut nous paraître absurde et pointe du doigt certaines dérives de la société.

Ce roman aux multiples structures aussi drôle qu'intelligent m'a bluffée par son audace et son imagination débordante.

Un nouveau roman culte dont les émotions vous laisseront des stigmates.
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Au coeur de Vacca Vale, ville fictive de l'Indiana, se trouve La Lapiniere, logement social où s'entassent travailleurs précaires, retraités aux revenus modestes, déclassés suite à la fermeture des usines automobiles Zorn, et orphelins qui se lancent dans la vie active. À la manière de la Vie mode d'emploi de Georges Perec (1978), Écoutez-moi jusqu'à la fin, premier roman de Tess Gunty, lauréate du National Book Award 2022, va suivre les différents habitants de l'immeuble, avec un focus sur Blandine Watkins, brillante et atypique jeune femme de 18 ans, fascinée par les textes de la moniale bénédictine mystique Hildegard von Bingen. Issue du système de placement familial de l'État et ayant récemment quitté l'école, Blandine vit avec ses trois colocataires – Jack, Malik et Todd –qui ont également grandi en famille d'accueil.

Habile avec les digressions et les changements de points de vue, Tess Gunty crée une galerie de personnages improbables : Moses, fils d'une super star de la télé, qui enduit son corps de liquide de bâton lumineux, et se manifeste dans la réalité pour hanter les gens dont l'attitude en ligne lui déplaît ; Joan Kowalski, femme timide qui travaille comme modératrice de commentaires chez restinpeace.com, un service de nécrologie ; ou encore Hope, qui est incapable de regarder son bébé dans les yeux.

Tess Gunty raconte le monde en collant à sa réalité – le capitalisme, l'amour, l'identité, les jeux de pouvoir et les traumas – tout en multipliant les pas de côté : Amérique à la géographie réinventée, goût pour la bizarrerie et l'insolite, confrontation avec ce qu'il y a de plus morbide dans l'être humain, incursions fantastiques et réalisme magique. En cela, elle se positionne en digne héritière de David Foster Wallace et de L'infinie comédie (1996). Blandine Watkins pourrait même être vue comme une version réactualisée de Joelle van Dyne alias PGOAT – pour « Prettiest Girl of All Time » – : Blandine est un trou noir qui capte tous les regards, dont tous les hommes tombent amoureux. Sauf qu'en 2022, ce n'est pas sa beauté qui est au centre de tout, mais son aura hypnotique : « Elle irradie une forme de puissance qu'il associe aux fantômes, aux extraterrestres, à la magie, aux miracles », dit un des personnages. Blandine est une sorcière aux invocations lumineuses.

Ancré dans la tradition littéraire américaine d'exploration du capitalisme et de ses conséquences, Écoutez-moi jusqu'à la fin parle d'un point de bascule entre l'ère industrielle – industrie automobile en tête – et celle des sociétés d'exploitation immobilières, comme si après avoir assuré les déplacements des personnes, il s'agissait de les sédentariser, en mettant sous le tapis la pauvreté sur laquelle les nouveaux bâtiments de luxe seront construits. Tess Gunty dénonce le capitalisme, et dans un même mouvement celles et ceux qui en font un bouc émissaire au malheur, à même de justifier leur aux échecs. Moses dira de sa mère : « Mais au lieu de chercher de l'aide, poursuit Moses, elle a demandé de plus en plus de morphine. La vilaine vérité, c'est qu'elle adorait être accro, qu'elle adorait être une victime, qu'elle adorait se sentir oppressée, qu'elle adorait perdre le contrôle. Elle adorait toutes les excuses pour partir en vrille. »

Plus spécifiquement, Tess Gunty examine l'exploitation capitaliste – l'exploitation du corps de la femme, traitée comme une marchandise ; l'exploitation des animaux, tués par les colocataires de Blandine pour lui prouver leur amour ; l'exploitation du ventre de Hope par le bébé qu'elle attend –, en intriquant celle-ci au patriarcat. L'histoire d'amour que vie Blandine avec James Yager, son professeur de théâtre, convaincu d'être un homme bien, à l'éthique irréprochable, est éloquente de ce qui se passe dans l'ère post metoo : la nécessité pour les dominants de prendre conscience de l'étendue de leur pouvoir.

Non content d'être un bouillon d'idées et de personnages, Écoutez-moi jusqu'à la fin alterne en plus les styles et les formes : passages à la troisième et à la première personne, extraits de textes, nécrologie autobiographique, ou encore un chapitre incroyable composé des dessins de Todd. Publié aux éditions Gallmeister, il s'agit d'un grand roman sur des personnages obligés de vivre ensemble, malgré leurs différences, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. le tout traduit d'une main de maître par Jacques Mailhos.
Lien : https://www.playlistsociety...
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Ok.

Ok, putain, ok.

Sérieusement, j'ai pas ressenti un émoi aussi vivifiant depuis le temps où je me gavais des meilleurs Chuck Palahniuk (on peut en causer by the way). Époque où je rêvais également d'une vie entièrement narrée par Bret Easton Ellis, à me gonfler de ce futur snobisme qui ne me quitte presque plus, sublimant une jeunesse blasée prête à pisser du vitriol sur tout ce qui bouge.

Tess Gunty m'a cloué au poteau. J'ai littéralement bouffé son roman de 550 pages avec une seule pause, au milieu.

Mais laissons de côté l'introductif et mate plutôt :

Tiffany/Blandine (qui ne choisit pas son prénom par hasard, en référence à Sainte Blandine) est une pointure concernant les femmes mystiques qui ont fait leurs armes question ésotérisme.

Certaines personnes ont pour modèle de civilité des héros comme Peter Parker mais pour Blandine, il s'agit essentiellement d'Hildegarde de Bingen.

Le soir du 17 juillet, Blandine sort de son corps.

Tout le roman repose sur l'avant, le comment, le pourquoi. Les atomes d'abord isolés qui petit à Petit forment un grand tout pertinent et cathartique.

J'aime tellement ces histoires qui aboutissent en une sorte d'apocalypse avortée, mêlant tour à tour des personnages aussi déjantés que celleux de Tom Robbins, avec beaucoup plus de relief dans leur personnalité.

Et si ce bouquin est aussi jouissif à lire c'est surtout parce qu'il se gonfle de philosophies et de théories anarcho-capitalistes, entremêlés d'histoire et de visions bibliques, véritables masturbations intellectuelles mordantes et cyniques qui semblent malheureusement déserter les publications éditoriales …

Merde alors, c'en est tout un talent ! Et je salue encore une fois la géniale traduction de Jacques Mailhos, parce que bordel, y'a rien de plus kiffant qu'une traduction qui vous prend pas pour un pigeon de garenne, à traduire des expressions typiquement américaines sans trouver un foutu équivalent en français.

Bravo pour tout, je suis conquis.

Ouais.
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critiques presse (2)
LePoint
27 mars 2023
Avec « Écoutez-moi jusqu’à la fin », Tess Gunty signe un portrait à l’acide de l’Amérique à travers une héroïne mystique. Un premier roman bluffant de maîtrise.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesEchos
23 mars 2023
L'écrivaine américaine est la plus jeune lauréate du prestigieux National Book Award depuis Philip Roth en 1960. Tess Gunty signe avec son premier opus, « Ecoutez-moi jusqu'à la fin », une version choc, ultracontemporaine, du roman d'apprentissage et de trahison, ancré dans un Midwest désindustrialisé.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
Il se réveille avant l'aube dans un musée des objets magnifiques de sa femme et passe sa journée à errer de pièce en pièce d'un pas traînant. Les chats se font discrets. Il évite le Couloir de la Famille Zorn qui lui a toujours flanqué la trouille et qui lui cause à présent des spasmes oesophagiens. Il ne croit pas aux fantômes, mais il y a longtemps qu'il a accepté leur présence dans cette maison. Ils l'habillent de couvertures froides et humides. Ils foutent le bordel dans le réseau électrique, le réseau mobile et le wifi. Ils le traitent de petit péquenaud. Ils savent ce qu'il a fait. Il essaie de faire une flambée, tisonne et réarrange les bûches, utilise tout le papier journal qu'il y a dans la maison, mais le bois refuse de prendre feu.
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Elle trouve profondément dérangeant les effets ensorceleurs qu'un bien immobilier peut avoir sur son corps, et elle ne parvient pas à réconcilier ses idéologies bourgeonnantes sur la propriété privée. Qui a permis à cette fille de la protection de l'enfance de s'intéresser au mobilier artisanal ? D'apprécier comme une putain d'aristocrate les tapis faits à la main ? Pour qui se prend t-elle ? Tels sont les contours de ses pensées tandis qu'elle lit aux filles une comptine illustrée sur les ravages du capitalisme.Le papier peint de leur chambre la fait ressembler à une forêt. Des fées confectionnées en tissus, paillettes et cure-pipes nichent dans un enchevêtrement de lumières au plafond. Tiffany n'a même jamais rêvé d'une enfance si joliment paysagée tandis qu'elle grandissait dans le système, léguée de maison en maison comme un héritage maudit. Avec des cadenas aux réfrigérateurs.
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Le problème, c’est que quand tu es une jeune femme, tu ne peux pas décider de sortir du système de production économique. Personne ne le peut, pas vraiment, mais un homme blanc comme toi est au moins en mesure de faire quelque chose qui ressemble à une telle sortie. Une femme ne peut même pas plus ou moins décider de sortir, peu importe ses efforts, parce que son corps contient des biens et des services, et que les gens essaieront forcément d’extraire ces biens et ses services avec ou sans sa permission. Comment pourrais-tu comprendre ? On commence enfin à parler de comportements sexuels abusifs, et c’est déjà ça. À l’évidence, il y a un peu de justice horizontale qui se fait actuellement, et ce n’est pas vraiment idéal, mais c’est quand même quelque chose.
–Justice horizontale ?
–Je veux dire que si on ne peut pas abattre le machisme américain en la personne de son commandant-en-chef alors peut-être qu’on peut abattre le producteur, le PDG, les présentateurs de JT, les acteurs, et ainsi de suite. On s’en sentira bien, ça fera un peu de bien, mais au bout du compte, note sécurité, nucléaire et démocratique est déterminée par un concours international pour savoir qui a la plus grosse, et quand tu as vécu dans des foyers d’accueil, tu ne… Peu importe.
(page 442)
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À tous égards, Beth est un être humain extraordinaire et une partenaire très compréhensive/patiente/positive. Elle sent la lavande et m’envoie des articles scientifiques intéressants par SMS à l’heure du déjeuner. Ou, du moins, m’en envoyait, avant que tout parte en couille. Alors j’ai eu envie de faire quelque chose de gentil pour son quarantième anniversaire.
J’ai invité quelques uns de ses amis du travail - elle travaille dans une petite association de défense de l’environnement - et comme je voulais qu’elle passe une excellente journée, j’ai invité Valentina, sa copine de Master. Beth est proche de Valentina, et protectrice à son égard, parce que Valentina aurait soi-disant subi une sorte de traumatisme d’enfance au sujet duquel Beth refuse de m’en dire plus. Je suis sceptique à propos de ce « traumatisme » c’est bien dans le genre de Valentina que de chercher à susciter la compassion à coup de mensonges.
Pour moi, Valentina est au mieux agaçante, au pire, sociopathe. Elle est bruyante et malpolie, elle boit toujours trop et elle démolit souvent les gens pour s’amuser. Je la soupçonne aussi d’être une menteuse pathologique. Elle n’est jamais sortie qu’avec des milliardaires hautains et aucune de ses relations n’a duré plus qu’un mois. Elle a une mystérieuse réserve d’argent qui finance son style de vie et hédoniste – elle voyage, accumule des diplômes de premier cycle, tient un blog culinaire et se prétend photographe. Elle a l’air d’être un peu connue sur les réseaux sociaux, même si personne ne sait pourquoi. La seule conversation plaisante que j’ai jamais eue avec Valentina étais à propos de la programmation informatique, parce qu’elle a fait un stage intensif de programmation à Mexico pour s’amuser. Je reconnais que c’est une sorte de génie, et bien que je l’a méprise fondamentalement, je reconnais aussi qu’elle a un sorte de charisme terrifiant.
La fête de Thanksgiving de cette année avec nos amis sans enfants, Valentina, s’est enivrée et nous a raconté une série d’histoires compliquées à propos de la ferme, l’élevage de renards de sa famille en Espagne. Comme j’ai beaucoup espionné Valentina sur Internet, il se trouve que je sais qu’elle est d’origine italienne et polonaise, mais que sa famille vit en Nouvelle-Angleterre depuis des générations, et que je suis à peu près sûre que son vrai nom est Valerie.
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Il n’avait jamais entendu parler de Vacca Vale avant l’affront de la nécrologie, mais il aime bien visiter l’Amérique du milieu, il aime aller y enquêter puis livrer ses rapports aux deux côtes. Leurs églises et leurs sourires de supermarchés. Leur maïs en boîte, qui parcourt des milliers de kilomètres avant de revenir dans la région qui l’a produit. Leurs drapeaux américains dans leurs jardins, leurs monospaces et leurs écoles chrétiennes. Les routes, l’impossibilité de se déplacer à pied, les R qu’ils prononcent de façon à la fois rude et amicale. Leurs gentils pompistes. La foi, la colère, la géométrie. Tout n’est que grande route et Dieu. Moses ne comprend la politique contemporaine que lorsqu’il est dans le Midwest.
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Videos de Tess Gunty (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tess Gunty
Tess Gunty a remporté en 2022 le National Book Award pour son premier roman, The Rabbit Hutch. Un livre épais et un récit polyphonique, qui donne à voir l'envers du rêve américain : les ravages écologiques et sociaux d'un capitalisme débridé, les dégâts de la masculinité toxique, la solitude des habitants des villes désindustrialisées du Midwest. Elle est l'invitée d'Olivia Gesbert.
#litterature #roman #capitalisme ___________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Bienvenue au club :
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