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EAN : 9791091750011
77 pages
Cours Toujours (31/01/2019)
4.18/5   11 notes
Résumé :
C’est l’histoire de la rencontre insolite entre un obus belliqueux et des hommes ordinaires. Qui, de l’obus fabriqué pour détruire ou du soldat sommé de tuer, est le plus humain, le plus bourreau des deux ? Lequel mène le monde ? L’homme a-t-il le monopole du destin ?
Tandis que l’obus prend rageusement la parole et traverse les décennies avec effarement, deux générations d’hommes qui ont croisé son chemin, de la bataille de la Somme à l’Historial de Péronne,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Histoires croisées :
• celle d'Emile, père de famille né en Allemagne à la fin du XIXe siècle par le caprice des mouvements de frontière, mais résolument français et soucieux de défendre 'son' pays lorsque la guerre éclate en 1914 ;
• celle d'un obus, fabriqué pour tuer des soldats, fort justement considérés comme 'chair à canon', tant leurs vies sont interchangeables, juste utiles à gagner quelques mètres sur le territoire ennemi.
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Je ne suis pas friande des ouvrages sur la première Guerre mondiale. J'ai lâchement l'impression d'avoir eu ma dose avec quelques films et documentaires et des dizaines de romans abordant le sujet sous des angles variés (combats, tranchées & boucherie, animaux réquisitionnés, civils à l'arrière, 'après' difficile pour les gueules cassées, les traumatisés ayant perdu la raison, les familles endeuillées, les femmes renvoyées chez elles pour laisser leur place à l'usine aux anciens combattants...).
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Mais ce texte est original. Publié par les éditions 'Cours Toujours' dans la collection 'La vie rêvée des choses', il donne la parole à un objet - un obus :
« Ce sont 1,6 million de mes congénères qu'on a jetés sur les lignes allemandes durant ces sept jours de bombardements [la bataille de la Somme]. (...) Bientôt ce sera mon tour, je serai amené à la pièce qui convient à mon calibre, et j'irai semer moi aussi mort et destruction sur une ligne allemande. »
Zélé, il a hâte d'accomplir cette mission, d'être à son tour l'auteur d'un flamboyant carnage, mais le 'destin' (ou une anomalie de fabrication) en décide autrement, et tout change aussi alors pour Emile...
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Court et percutant, ce roman aborde également de manière subtile le thème de la Mémoire (au sens 'historique'), collective et familiale, ainsi que la délicate question des non-dits sur nos aïeuls anciens combattants, généralement présentés comme des héros ou des 'administratifs' qui ont gardé les mains propres.
J'ai aimé le personnage du fils, qui rééquilibre le 'bilan' familial par ses activités qui sauvent des vies, indirectement - de même qu'un obus tue aveuglément, au hasard.
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« le diable est avec nous…. »
Guillaume de Fonclare s'amuse de cet oxymore pour nous titiller…..pour nous faire regarder en face les absurdités de la guerre, de toute guerre.
Ces pluies d'obus ont enseveli et tué des milliers et milliers de combattants et de civils….depuis que l'obus a été inventé !
Comment nous du fond de nos fauteuils de lecteurs ne pouvons-nous pas être interpellés par ce titre…et ravis dès les premiers mots par cette lecture ?
Oui , « le diable est avec nous « disaient les poilus qui avançaient de trou d'obus en trou d'obus et qui voyaient retomber en charpie leurs camarades touchés par ces engins..Oui, « le diable est avec nous » disaient plusieurs années après les femmes d'agriculteurs qui ne voyaient pas rentrer leur mari et le cheval du ménage, tous deux pulvérisés par l'une de ces munitions tombées du ciel et enfouies.Les munitions de guerre ont encore tué longtemps après ce 11 novembre …et aujourd'hui on en trouve toujours d'autres encore dangereuses.
Dans la famille d'Émile Joseph , on sortait le drapeau français dans la cuisine, chaque 14 juillet…En Lorraine occupée depuis la guerre de 70, il n'était pas bon d'afficher des sympathies pour la France…Et quand Émile Joseph s'est engagé dans l'armée française il était « le Boche », pour certains bidasses et officiers….
Lui voulait se battre pour sa patrie. Il a voulu partir à la guerre malgré ses 7 enfants….5 encore vivants l'ont vu s'éloigner sans s'imaginer les risques qu'il prendrait…S'il aime la France, il n'en est pas de même en ce qui concerne la discipline.
Au moment de l'attaque, il a couru d'un trou d'obus à l'autre, s'est caché dans l'un d'eux, en attendant que l'orage d'obus passe…il savait que l'obus suivant tomberait plus loin…Et là, dans son trou, il trouva un obus non explosé…il dévissa le percuteur et emporta l'obus inerte dans sa musette..Il venait de trouver un ennemi dont il s'est fait un copain.
D'autres prennent la parole dans ce petit livre…ce sont les obus, la grande famille des obus, de différents calibres, de poids divers..ils racontent l'imagination sans limite de ceux qui les conçoivent, qui les imaginent diffusant des gaz, ou des billes, tous faits pour tuer, tuer toujours plus…ces obus racontent leur hiérarchie, du plus petit au plus grand. Ils racontent celles qui les fabriquent, ces épouses restées à l'arrière qui travaillent pour que ces armes tuent le plus d'hommes possible. Et pour les mettre en oeuvre nombreux sont ceux qui les transportent qui les stockent..une fourmilière…jamais à l'arrêt.
Ces obus sont détestés mais aimés aussi….on les embrasse au moment de les mettre dans le canon en leur souhaitant de faire le plus grand nombre possible de morts ou d'amputés…d'autres les transforment en porteurs de messages destinés à l'ennemi, en peignant quelques mots destinés au Kaiser….
Au delà de leur oeuvre de mort, ils permettent aussi de tuer le temps dans la tranchée, du tuer ces temps morts.Certains profitent de ces instants de calme pour les décorer alors que d'autres les gravent au couteau…. on les embellit. Ils deviennent souvenirs, qu'on prendra plaisir à montrer…à exposer et à conserver, plusieurs générations après, sur le linteau des cheminées.
Mais la vie de ces engins de mort ne s'achève pas avec la fin des conflits.En temps de paix, d'autres générations devront prendre tous les risques pour les arracher à la terre qui les garde…c'est une autre histoire…Qui n'en finit pas.
Ce petit livre est un petit bijou, qui s'achève par une série de photos d'époque, colorisées.
Qu'est devenu Joseph Émile dans tout ça…L'histoire nous le dira…en tout cas pendant que lui se bat pour la France, son fils est encore le « Sale boche » pour certains de ses camarades de classe. Certains s'interrogeront encore « mais était-il français ou boche? »
Fin de l'histoire…..
En quelques pages, cette tragi-comédie nous montre toute l'absurdité de ces guerres, toute l'humanité et le courage de ces bidasses, toute la connerie de cette hiérarchie, et de l'administration…chacun en prend pour son grade…bref un petit pamphlet teinté d'absurdité et d'antimilitarisme.
Belle découverte de Guillaume de Fonclare.
J'ai été séduit. J'en reparlerai
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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En moins de 70 pages, avec quelques personnages centraux, nous traversons deux guerres mondiales !

La première guerre mondiale est bien décrite : une inepte boucherie dirigée par de stupides chefs de guerre dans chaque camp. La manière dont Emile Adam a traversé les années de ce conflit m'a fait penser au témoignage de guerre d'Ernst Jünger dans « Orages d'acier », même si cet auteur s'est illustré dans le camp allemand. Il est d'ailleurs ici aussi beaucoup question d'obus, comme l'indique le titre.
J'ai apprécié l'évocation de la place des personnes intégrées à la Prusse en 1871 suite au traité de Francfort signé par la France après sa défaite dans la guerre de 1870.

Cette lecture me semble idéale pour compléter les cours d'Histoire des jeunes élèves sur la première guerre mondiale, et les plus âgés apprécieront également.
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C'est une région où pendant longtemps les labours moissonnaient des obus qui eux-mêmes avaient auparavant fauché les hommes. Les douilles ainsi récoltées (quand le soc de la charrue ne les faisait pas éclater à retardement) fleurissaient sur le marbre des cheminées, sur les étagères, entre cendres et poussières. Dans les cimetières, aussi, où elles ramassaient quelques fleurs in memoriam. Parfois des bleuets... Objets manufacturés par les hommes pour pulvériser d'autres hommes, les arbres, maisons, monuments, villes et campagnes et qui, pour certains, échouaient sur la tombe même de ceux qu'ils avaient contribué à tuer. Drôle d'ouroboros !
Conçu, préparé, choyé, convoyé, envoyé pour exploser et ravager, notre bel obus a raté sa mission. Pouf, "enfoncé dans la glaise" ! Autant dire qu'il a "fait long feu"... ce qui ne l'empêche pas de conserver son caractère martial et son âme de tueur, même lorsqu'il sauve, bien involontairement, la vie d'Emile. Désamorcé mais pas désarmé, le voilà parmi les hommes, dans la tranchée. Devenu pour Emile, le Poilu, une sorte de talisman infernal, il lui transmet sa faim de sang et d'entrailles déchirées, remplissant ainsi son rôle, par procuration en quelque sorte. Mais est-ce bien l'obus qui transforme l'homme en impitoyable machine à tuer ? Ou bien est-ce l'homme qui, en fabriquant l'obus, répand la guerre, la mort et les représailles sanglantes ? Pas drôle, l'ouroboros !
Mais les générations se suivent et les hommes capables de façonner les obus sont aussi ceux qui savent déminer la terre. L'ogive nettoyée, débarrassée de sa puissance mortelle, redevient matériau et support de rêves déployés en feuilles d'acanthe, en frises gravées de dentelles. Emile, le tueur, allié à l'obus maléfique, "a su conserver suffisamment de sensibilité pour faire de l'art ; ces sillons enchâssés dans le métal proclament que l'espoir n'est pas mort à Verdun, dans la Somme ou sur le Chemin des Dames, et que le regard d'un seul, l'habileté de ses mains, sa capacité créatrice peuvent sauver le monde."
En moins de cent pages, Guillaume de Fonclare condense, d'une manière subtile et vivante, l'un des paradoxes les plus complexes de la condition humaine : cette imbrication irréductible entre bien et mal au sein de tout être. A la fois acteur, instrument et symbole, l'obus est aussi le témoin de cette dualité et, en tant que tel, parvient au statut de passeur de mémoire. Sa personnification est une trouvaille épatante qui ouvre un large horizon d'interprétations et de résonances conceptuelles et sensibles. Il y a quelque chose de tragi-comique dans les mésaventures de cet obus obtus et obsessionnel et ce mélange inventif de drame, de suspense et d'ironie, relayé par la vivacité de l'écriture, reflète aussi l'alliage de beauté, de bonté et de férocité qui compose une part de l'âme humaine.
Bref c'est un condensé d'humanité et d'émotion que nous offre ici Guillaume de Fonclare avec ce roman petit en quantité de pages mais d'une immense profondeur. Avec son carnet de curiosités en fin d'ouvrage, ce "bel obus" prend une place de choix dans la superbe collection "La vie rêvée des choses", qui décidément continue de me surprendre et de m'enchanter à chaque nouvelle parution !
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Croyez-vous aux porte-bonheurs? Pensez qu'un objet puisse avoir une influence sur votre destin, votre vie, vos actions? C'est par la parole d'un obus que commence cette histoire qui devient, malgré ce que l'on peut en penser au départ, vite passionnant. Les chapitres s'alternent entre l'obus et Emile, jeun père et mari né en Alsace Lorraine devenue Allemande, dont les chemins vont se croiser et les destins s'influencer. Va s'en suivre la découverte d'une famille à travers deux générations, la famille d'Emile. Dans ces guerres, ces combats menés par l'homme, qui est le meurtrier, l'arme ou celui qui a crée l'arme? Une idée de roman originale et intelligente qui porte à réflexions sur les actions humaines, sur cette tendance à se cacher, à justifier ses actes derrière un objet, une arme. Un point de vue différent et me concernant inédit sur la première guerre mondiale...
Lien : https://livresque78.com/2021..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Sans y prendre garde, [il] devient machine, son corps robuste et musclé par l'effort est tendu tout entier vers l'objectif de tuer ; les seuls plaisirs qu'il éprouve désormais sont le bonheur simple de plonger son couteau de tranchée dans un buste ou une gorge, dans un tressaillement de plaisir, et de fumer une dernière cigarette le soir avant de dormir. Il s'éloigne peu à peu du monde des vivants, pour n'appartenir qu'à ce 'no man's land' qu'il traverse sac au dos dès qu'on lui en donne l'occasion (...).
Les lettres à [sa femme] se font plus rares, parce qu'il est plus difficile de dire ce que l'on fait, l'homme qu'on est devenu, ses aspirations morbides et ses rêves ensanglantés. (...) De lettre en lettre, on abuse, on berne, on raconte des balivernes ; là où l'on était sincère et vrai, on devient machiavélique et faux.
(p. 36-37)
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Se battre pour la France [en 1914] n'est pas la moindre des gageures, particulièrement lorsque l'on a fait son service militaire en Allemagne et que, administrativement, on est de nationalité germanique. Il faut se soumettre à une enquête, répondre aux questions et afficher ses convictions républicaines. Mais la France a trop besoin de fusils pour s'affranchir des bonnes volontés, fussent-elles teutonnes par effet des mouvements de frontière.
(p. 13)
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[ années 60 ]
La guerre est toujours là, et obus, schrapnels et restes de soldats rappellent régulièrement que les plaines de betteraves et de céréales sont d'anciens champs de bataille ; il faut sans cesse nettoyer, prélever, sécuriser, et si la vie a repris le dessus, le diable n'est jamais loin.

(p. 68)
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Je suis fils et petit-fils du carreau de l'arbalète, du boulet de la couleuvrine, descendant de la pierre lancée de la fronde et de la flèche sortie de l'arc bandé. (...) On nous fit une forme oblongue pour mieux déchirer le ciel, on nous bourra d'explosif, puis on nous accola un culot pour nous propulser dans l'air ; un système ingénieux pour faire d'un cylindre d'acier un tueur. (...) Détruire, tout détruire, et ne laisser que des ruines, du sang et des pleurs.
(p. 8)
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[ 1916 ]
On vit comme on peut, petitement, sans beaucoup de joie, alors que les rues se peuplent de femmes en noir. On craint comme on l'espère l'arrivée du facteur, on se réjouit de recevoir des nouvelles d'Emile, on s'effraie du courrier quand il porte un signe officiel.
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Videos de Guillaume de Fonclare (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Guillaume de Fonclare
Sur le plateau, François Busnel donne la parole au moine bouddhiste Matthieu Ricard, au philosophe Alexandre Jollien et au psychiatre Christophe André, qui publient «A nous la liberté !». Après «Trois amis en quête de sagesse», ils se retrouvent pour un nouvel opus en commun sur le thème de la liberté intérieure. Léonor de Récondo publie «Manifesto», roman autobiographique sur les derniers instants de la vie de son père. Guillaume de Fonclare évoque «Ce nom qu'à Dieu ils donnent», récit sur la retraite d'un écrivain en proie aux malaises. A ses côtés, Philippe Claudel parle de sa dernière pièce, «Compromis», jouée par Pierre Arditi et Michel Leeb. Elisabeth Quin complète la liste des invités avec «La nuit se lève». La journaliste, atteinte d'un double glaucome, y raconte son combat contre la maladie.
+ Lire la suite
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