Quatre jeunes Kurdes, vivant dans un pays écartelé entre Syrie, Iran, Turquie et Irak, vivant... la tête pleine de rêves... rêves de liberté, de fortune et d'amour. Objectif : l'Europe et, surtout, Paris, la ville-lumières.
On a donc Sino, de Kotiya, au Kurdistan turc... Grand lecteur du Prince de Machiavel, fils d'un mollah (imam) défroqué qui tire le diable par la queue mais qui, en «fabriquant» des amulettes, arrive à (bien ) s'en sortir et accepte, le gamin ayant décroché son bac, de le laisser partir... avec le secret espoir, bien sûr, de le voir revenir au pays au volant d'une belle voiture et, peut-être même demander en mariage une jouvencelle de la région issue d'une famille aisée et noble.
Il y a Dara, de Taliké, au Kurdistan irakien... Fils unique de la famille, né le 6 mars 1975, le même jour de l'Accord d'Alger qui avait mis fin aux hostilités entre l'Iran et l'Irak et à la révolte kurde.
Il y a Sherko, de Mahabad, au Kurdistan iranien... Né le 1er février, l'année de retour de Khomeini en Iran après quinze ans d'exil. Il voulait mettre fin à une vie dépourvue de sens et il aspirait à vivre heureux «non comme un poisson dans l'eau , mais plutôt comme un toutou choyé dans un appartement somptueux de Paris».
Il y a, enfin, Rustemé Zal, né en Syrie. Marié et père d'enfants qui le comblaient de joie... Il ne supportait pas d'être privé de ses droits civiques et d'être considéré comme un étranger sur le sol où lui et ses ancêtres avaient vu le jour. Tous les quatre ont le même passeur (un métier florissant avec ses rabatteurs !) et empruntent la même filière mise en place par la même organisation.
Pour tout bagage (selon les consignes strictes du passeur !) un maillot de corps, un caleçon, une paire de chaussettes, une chemise de rechange et une trousse contenant le strict minimum pour se raser devant un bout de miroir cassé... et donner une apparence de propreté à son arrivée.
Paris, enfin ! D'autres tracasseries... administratives, surtout pour obtenir le statut de réfugié politique... Quatre aventures humaines douloureuses, émouvantes, avec leurs espoirs de lendemains meilleurs, de rêves inaboutis... Quatre autres histoires qui se croisent mais qui ne se ressemblent pas... avec trois échecs - des décès - et une seule réussite... celle du mieux armé (bachelier et connaisseur de Machiavel... devenu «croque-mort», spécialisé dans les inhumations et les rapatriements des corps de ses compatriotes)... Moralité : l'exil n'est jamais doré pour les damnés. Il est bien souvent mortel !
Un roman certes mais, à travers lui le récit de la «harga» kurde... une région écartelée et écrasée par les dictatures nationalistes et des populations écrasées par la misère... et une Europe idéalisée pas si accueillante que ça !
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«Dans l'islam, le monde entier tournait autour du trou de la femme et de la membrane fragile qui le couvrait. La femme aux droits bafoués et qu'on méprisait tant dans la vie ici-bas était l'ultime récompense dans l'au-delà, la paradis promis aux fidèles de la foi mohammadienne était avant tout connu pour ses vierges» (p. 126).
Fawaz Hussain, Yasmine Chouaki, RFI. 1