Michaël Glück –
nuova prova d'orchestra. Couverture Pascaline Boura. Préface de
Francesco Pittau. Collection Pousse-Café. Editions Les Carnets du Dessert de Lune. 2017. ISBN 9782930607627. 9 €
C'est avec un accordéoniste que
Thierry Radière ouvrait son livre, et c'est maintenant tout un orchestre que convoque
Michaël Glück. de petit format, facilement glissé dans une poche, le livre est en fait un recueil d'aphorismes, une forme où la concision va de pair avec le triturage du langage. On y trouve donc force doubles sens, homophonies approximatives ou jeux de mots divers. Par exemple, saviez-vous que « Nul n'est autorisé à jouer du triangle en bermuda » ou que « Les Rolling Stones ont beaucoup joué la musique de Satie » ? Les petites phrases dégagent cette connivence avec un lecteur que Michaël ne prend pas pour un idiot, et à qui il reconnaît la culture générale nécessaire pour comprendre à demi-mot ses bons mots.
Pour qui connaît la poésie « sérieuse » de l'auteur (parce qu'on peut clairement dire que cet ouvrage se situe dans une veine humoristique, même si, on le verra, il ne s'interdit pas les piques qui siéent à un écrivain regardant son époque avec lucidité), rien d'étonnant : cette dernière est toujours sur le bord des mots, glissant dans ses vers ciselés de nombreuses figures de style que ne renierait pas un aphoriste virtuose. Les instruments de musique les plus divers défilent, créant une unité de thème qui permet de donner un véritable liant au recueil, et cela jusqu'aux plus insolites, comme ce tocsin dont joue… Quasimodo. Lequel s'est « longtemps couché en sonneur » — culture, quand tu nous tiens… Mais au fil des pages, le poète distille aussi quelques sentences plus politiques : « Ces temps derniers on joue, partout, trop de canons et ce n'est pas vraiment drone. Les seules batteries qu'on entend sont meurtrières. » Voire de critique littéraire : « Salieri est à Mozart ce que Salgari est à
Jules Verne. » Pas très sympathique ni pour Salieri ni pour Salgari, que j'avoue avoir beaucoup aimé lors d'explorations de la littérature populaire italienne en version originale. Mais diablement efficace !
Nuova prova d'orchestra est un livre à garder à portée de main, qu'on feuillette régulièrement pour picorer quelques aphorismes bien troussés. Et pas seulement pendant la pause syndicale d'un orchestre symphonique, foi de chef d'orchestre. Pas besoin de lire la musique pour en apprécier l'humour polyphonique.
© Florent Toniello in http://accrocstich.es/category/Notes-de-lecture
Aphorismes en musique
Je ne sais si le célèbre Chevalier von Gluck, auteur de nombreux opéras comme Orphée et Eurydice, figure dans l'arbre généalogique de
Michaël Glück (la question a dû lui être posée de nombreuses fois mais j'avais besoin de cette interrogation pour introduire ma chronique), le cas échéant cela pourrait peut-être expliquer le penchant de l'auteur de ce recueil pour la musique. Il compose des aphorismes comme le Chevalier composait des partitions musicales pour les divers morceaux qu'il a créés. Alors, même si ces deux personnages n'ont aucuns liens familiaux en commun, ils ont un point commun : la musique. Et même si « Sept notes de musique ne font pas un arc-en-ciel » elles peuvent inspirer un compositeur comme un auteur d'aphorismes. Et, notre Glück à nous celui qui nous fait rire « Scarlatti n'avait pas été vacciné, mais il fut pourtant la coqueluche de ces dames. », sourire « Elle astiquait les cuivres pour de l'argent » ou parfois même rire un peu jaune « Une chanson douce… murmurent les enfants dans les villes bombardées. La musique adoucit-elle les morts ? » Même s'il prend plaisir à nous dérider,
Michaël Glück prend la musique très au sérieux et constate que comme de nombreuses composantes de notre monde, elle souffre un peu de la sottise des hommes qui ne la respecte pas toujours comme elle le mérite « Histoire de la musique : on est passé du concert public à l'enregistrement live, sans public ». Ce recueil publié dans la jolie collection Pousse-Café de Les Carnets du Dessert de Lune est donc pour l'auteur l'occasion de rendre un hommage à la fois drolatique et très sérieux à cet art qu'il semble si bien connaître au point de demander en ultime requête : « S'il vous plait, laissez-moi donner mon dernier soupir ».
© Denis Billamboz in http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/52075