Nahamma se réveille en sursaut. Dehors, les premiers rayons du soleil brillent déjà et commencent à éclairer la tente. Noah dort encore.
Quel cauchemar !
Elle se retourne vers ses deux petits. Sem et Cham n'ont pas bougé. Tout est calme. Dehors, l'arche attend dans les premiers feux du soleil et le ciel bleu rassure. Il n'y aura pas de déluge aujourd'hui.
Comment a-t-elle pu rêver tout cela ?
L'avenir ne reste-t-il pas plein de promesses ?
Dans son corps qui s'arrondit, c'est une vie nouvelle qui s'annonce. Il s'appellera Japhet. « Que deviendra le vivant qui sortira de moi ? ».
La prophétie de son homme remplit son coeur et ses pensées. Quelle étrange crainte que ce déluge redouté ! Quelle étrange décision de s'en protéger en construisant une maison flottante au cas où … !
Devenir la mère de toute l'humanité future lui remue le coeur. Pas étonnant qu'elle en rêve !
Ce n'est pas la fin du livre de
Marek Halter, mais seulement la suite que la fin de son livre Ève m'a inspirée.
Marek Halter n'en dira rien.
Il laisse le lecteur là où le rêve s'achève. Entre l'ombre et la lumière, lorsque le rêve atteint son paroxysme angoissant qui provoque le réveil.
A ce moment où les questions se bousculent à la sortie du sommeil lorsque la conscience reprend sa place et essaie, vainement, de faire redéfiler le rêve insaisissable qui, quelques instants plus tôt, semblait parvenir à mélanger si clairement des personnes et des lieux d'époques différentes dans une cohérence qui ne peut subsister au réveil.
Le roman Ève de
Marek Halter nous fait vivre dans un rêve de Nahamma, la femme de Noé.
Le tableau qu'il nous dresse des premiers temps de l'humanité est touchant et dramatique, mais rempli de beauté et de poésie.
On s'y croirait. C'est de l'impressionnisme et du surréalisme. Mais, le regard est lumineux.
La trame du rêve de Nahamma la transporte, loin dans le passé, au pays de ses ancêtres, mais s'achève dans le futur du déluge.
Ne soyez pas trop surpris de voir coexister Adam et Ève avec Noé, le temps de l'Eden et celui du déluge !
Car, en entrant dans le rêve de Nahamma, vous allez à votre tour effectuer un fameux voyage dans les débuts de l'humanité.
L'écriture de
Marek Halter est magnifique et les 350 pages qu'il nous propose sont une gourmandise trop vite passée.
La culture biblique et historique de
Marek Halter est brillante.
Et, comme dans nos propres rêves, le rêve de Nahamma se nourrit d'un réel bien concret et nous offre une fresque historique à travers de multiples détails imaginaires qui nous rapprochent davantage du réel qu'un récit plus réaliste ne pourrait le faire.
Il nous ouvre à la seule connaissance du passé qui nous soit possible, celle dont les détails imprécis permettent par leur imprécision même de toucher plus près le réel concret de ce qu'a pu vivre et rêver une ancêtre lointaine nommée Nahamma.
Le roman de
Marek Halter n'a pas choisi le chemin facile qui aurait consisté à imaginer une histoire qu'il aurait greffée sur les détails d'une lecture littérale strictement respectée du récit de la Genèse, même s'il est rempli de tels détails.
Comme le récit biblique du jardin d'Eden nous y invite lui-même, il nous fait sortir des perspectives trop cérébrales pour nous faire entrer dans une vision où nous pouvons être davantage ouverts à des réalités au-delà de nous-mêmes.
Et, dans l'univers du rêve, il nous donne de pouvoir toucher un peu mieux une réalité historique autant qu'une réalité spirituelle des origines de notre humanité.
Merci Marek !