Dans le splendide désert américain, rougeoyant pays des canyons, la machine capitaliste est en marche.
Sous les traits d'un excavateur géant, le rutilant GOLIATH, 13000 tonnes d'acier, de fonte et d'huile de moteur, progresse l'expansion industrielle, implacable course au profit, inévitable modernisation des grands espaces de l'Ouest.
Pour les militants du collectif Earth First ! comme pour les anciens membres du gang de la clef à molette, ce cauchemar mécanique doit cesser. Il est la cible ultime, le boss final à abattre.
Mais la sécurité autour de l'énorme machine s'est elle aussi renforcée…
Ah ! ils m'avaient manqué les joyeux lurons du gang… Bonnie, devenue un poil parano depuis qu'elle materne, Doc, devenu un poil vieux depuis qu'il est vieux, Seldom devenu Seldom, on se refait pas, et Georges, devenu mort, ou pas, ah mais non je ne dirais rien, même sous la torture.
Alors oui, ils ont vieillit, et certains passages sentent un peu le réchauffé mais c'était tellement tentant de retrouver le piquant et la mauvaise foi d'
Edward Abbey, plus irrévérencieux que jamais, que j'ai foncé tête baissée.
Seulement voilà, le gang n'est plus vraiment le même et l'époque a bien changé…
Face à un Goliath toujours plus gros, notre petit David aussi a grandit, devenu un ado boutonneux et vulgaire, au vocabulaire fleuri et à l'attitude désabusée.
Car il en rajoute des tonnes notre écrivain du désert, sans retenue, toujours plus provocateur. Il nous avait habitué à plus de subtilité, comme s'il savait qu'il tenait là son dernier livre, un dernier combat, ultime coup de gueule face à l'inéluctable. Autant y aller franco !
Mais ce dernier combat est un combat perdu d'avance, donnant à l'ensemble une saveur douce-amère, entre cynisme et nostalgie, un peu triste en fait.
Je ne vais pas dire que je n'ai pas ri du tout, il y a des passages vraiment marrants (J'ai adoré le chapitre du rassemblement d'Earth First ! sorte de fête de l'Huma hippie où des militants écolo-gauchistes-féministes-idéalistes-nudistes déambulent parmis les différents stands, fabrication de saucisses végétales, lecture du pouvoir cosmique des cristaux, tressage de fleurs ou propagande anarchiste, et tentent de créer une coalition écolo; vraiment excellent)
Mais l'ensemble manque quand même furieusement de classe. On a peine à reconnaître un Abbey admiré pour la poésie de son écriture et sa finesse d'esprit (malgré une mauvaise foi légendaire, qui, elle, n'a pas bougé).
J'ai eu l'impression de manger une de ces copies de biscuits de grande marque qu'on trouve en magasin discount, vous savez, les « Popitos », ça a l'aspect du vrai, presque le même goût, mais en trop sucré, trop bourratif, trop écoeurant.
C'est too much et ça me rend tellement chagrin !
Adieu chers amis du gang, amoureux du désert et des cannettes de bière. Je vous ai aimé (beaucoup), mais je vous quitte. Ce fut pour moi le combat de trop.