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13 ans, 1 mètre 47, une poignée de kilos, croissance stoppée, développement physique en berne ; un corps aérodynamique dur, tendu et aérien comme un missile ; une machine de guerre, dont le calme, la force et la concentration sont surnaturels, mais dont l'aspect fané fait d'elle la fille de 13 ans la plus vieille du monde, une sorte de nonagénaire adolescente aux articulations déformées, aux cicatrices nombreuses en raison de fractures multiples. C'est Devon, gymnaste prodige, dont les parents sont tellement fiers qu'ils ont consenti tous les sacrifices familiaux, professionnels, financiers, lorsque les mots « équipe olympique », qui ressemblent à une incantation, à de la magie, ont été prononcés par le coach de la surdouée sportive. Dès lors, toute la famille se surinvestit pour assurer la réussite de Devon, future championne. Eric, le père préside le club des supporters, drague tout investisseur prêt à financer des équipements nouveaux pour la salle de sport ; la mère, Katie accompagne chaque acte devenu mythique de sa fille, dans une petite ville très middle-class où tout le monde se connaît, s'adore ou se déteste en fonction des circonstances ou des rumeurs. Seul Drew, le petit frère, paraît hors du coup, négligé. Son élevage d'artémies pour un concours scolaire n'intéresse personne, et de surcroît, il attrape la scarlatine qui risque de contaminer l'idole surnommée l'élastique humain, supergirl, superstar des agrès. Mais voilà, aucun avenir n'est gravé dans le marbre et un drame mortel remet en cause tout ce bel ordonnancement, jusqu'à l'épilogue cohérent mais dérangeant, glaçant. Une fois encore, Megan Abbott intervient dans le domaine sportif comme dans Vilaines filles ou La fin de l'innocence, choisissant des héroïnes au coeur de l'adolescence, cette période vulnérable et floue, propice au meilleur comme au pire. Avec virtuosité et lenteur, elle décrit dans le moindre détail le désastre que représente le sport de haut niveau qui absorbe une famille complète et au-delà une communauté. L'auteure réalise un beau réquisitoire assorti d'un suspens exceptionnel et mâtiné d'une psychologie élaborée ; les personnages sont plus vrais que nature. Ce n'est évidemment pas par hasard que des citations de Nadia Comaneci, tirées de Lettres à une jeune gymnaste, précèdent les 2ème et 4ème parties du roman. Une grande réussite ! Bon, je vous laisse, j'ai piscine. + Lire la suite |