Comment en suis-je venue à lire
Fairyland ?
Fairyland, le titre, rappelle le Neverland de
Peter Pan, le Wonderland d'Alice au Pays des Merveilles. La photographie en couverture, la quatrième de couverture nous expliquent très vite les couleurs choisies pour le titre : la Fairy s'illumine aux couleurs de la Gay Pride, car le père, Steve Abbott, l'homme en couverture, le père de l'enfant, fut l'un des activistes de la scène gay de San Francisco et le violet du Land nous ramènent plus à l'enfant, Alysia, symbolisant la délicatesse mais aussi la mort, le deuil ; et dans le langage des fleurs, le violet symbolise l'amour caché ... l'amour caché d'une fille à son père et d'un père à sa fille.
Ce roman (auto)biographique raconte l'histoire d'Alysia qui se raconte mais qui raconte aussi son père. Au-delà de leur histoire personnelle, elle rapporte aussi l'histoire des gays, notamment des gays de San Francisco, dans les années fin 70-80, jusqu'aux années fin 90. Elle parle de l'épidémie de sida, qui a décimé la communauté, mais elle parle aussi et plus longuement des rencontres, des cercles où gravitaient son père etc, de l'activisme politique que la communauté faisait déjà à l'époque (en lutte contre les conservateurs qui s'inquiétaient pour les enfants qui grandissent dans ces communautés ou qui ne comprenaient pas cette libération sexuelle), des tensions et violences de ces années-là qui rappellent les tensions que nous avons encore aujourd'hui entre la communauté LGBTQI+ et d'autres partis moins "progressistes", que je qualifierais de "réactionnaires" justement en réaction à ce "progressisme" si bien décrit dans ce roman. Et elle parle des courants artistiques de l'époque, et l'on voit comment son père et d'autres sont devenus des écrivains, des poètes, militants, aussi, car son père s'attachait particulièrement à la publication des auteurs gays.
Mais il parle aussi dans ses oeuvres de sa vie de père célibataire et d'Alysia, sa fille, qui apparaît dans ses bandes dessinées, sur ses couvertures de livres, dans ses écrits, ses poèmes. Et c'est assez touchant de découvrir son enfant comme sa muse, mais c'est aussi inquiétant, je trouve, de voir qu'Alysia a été, enfant, embarquée dans des soirées où les hommes se mettaient à nu (lors de la lecture de poèmes), ou se mettaient véritablement nu, et se travestissaient, et faisaient je ne sais quoi pendant qu'elle, enfant ne sachant pas nager, se retrouve à barboter sans surveillance dans une piscine ... ou se voit confiée par son père à des colocataires drogués, ou se retrouve à jouer avec les pailles qu'elle trouve dans les poubelles, pailles qui ont servi à la consommation de cocaïne ( heureusement que son père n'utilisait pas de seringue dans l'appartement ...) ou se retrouve perdue seule, la nuit, dans les rues de San Francisco et manque de justesse de s'embarquer dans la voiture d'un inconnu ... D'où mes deux étoiles ... Cette lecture m'a vraiment dérangée par moments ... Mais bon, vous serez prévenus. Ceci n'est pas un manuel d'éducation pour jeunes filles et ceci n'est pas un manuel d'éducation pour les pères célibataires ou pour les familles monoparentales ou pour les familles aux parents gays ... Et ce n'est pas non plus un manuel d'éducation sexuelle (enfin j'espère, sinon ça serait bizarre d'impliquer une enfant là-dedans, bien que certains me diraient qu'il est important de faire de l'éducation sexuelle aux enfants ... mais ouais, non ... I would prefer not to ...)
Spoil : Alysia survit jusqu'à la fin. Alors certes, son père ne s'en sera peut-être pas si mal sorti que ça ? Même si Alysia dit elle-même qu'elle s'est sentie par moments délaissée, abandonnée (maltraitée, non, elle ne le dit jamais - elle n'adresse d'ailleurs pas vraiment de reproches à son père), et Alysia dit aussi qu'elle s'est sentie comme dissociée d'elle-même, à la fin ... Elle aura donc assez souffert de cette relation et moi aussi avec elle, et avec lui, d'où ma note douloureuse. Mais je comprends ceux qui n'auront retenu que le positif de cette histoire, car c'est un beau témoignage d'amour que ce livre, d'une fille à son père et d'un père à sa fille. Malgré les manquements et malgré les errances. Vraiment.