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Critique de Woland


Die A Little
Traduction : Jean Esch

ISBN : 9782253151516

Il s'agit du premier roman publié par l'auteur. Et l'on y retrouve la "patte" qui fait de cette femme un écrivain de romans noirs d'une rare intensité. du coup, je vais me relire "Vilaines Filles" et même "La Fin de l'Innocence" : vous connaissez mon refrain, peut-être, la première fois que je les ai parcourus, n'était-ce pas la bonne heure pour eux.

Pour "Die A Little" - j'adore le titre original ;o) - c'était le moment, c'est sûr. Au départ, un frère et une soeur, Bill et Lora King. Ils ont toujours été très proches, tant dans leur enfance que durant leur adolescence et même quand a sonné pour eux l'heure de l'entrée dans l'âge adulte. Lui, en pleine préparation de son concours d'entrée dans la police et elle étudiant pour devenir enseignante, tous deux ont trouvé tout naturel d'emménager à L. A. dans le même appartement. Sans l'être vraiment, ils agissent un peu l'un envers l'autre comme le feraient de parfaits jumeaux.

Un jour, lors d'une aventure un peu rocambolesque, débarque dans leur vie Alice Steele, une jeune femme qui ne semble pas avoir de passé - en tous cas, son enfance fut certainement très différente de celle des King - qui est belle sans l'être et qui se trouve à l'aise dans n'importe quelle situation. Si l'on prend un par un les détails de sa personne, elle est maigrichonne et banale, voire laide. L'ensemble réuni, quand elle le fait bouger, rire, parler, chanter, fait d'elle une vraie beauté dotée de ce glamour que portent aux nues les films hollywoodiens. Bill est vite conquis. Sa soeur, moins facilement même si Alice la fascine, comme elle fascine tant de gens. Mais Bill est heureux et Alice, nullement hostile : n'est-ce pas ce qui compte ?

Ainsi s'écoulent les premiers temps d'un mariage-modèle. Et puis, peu à peu, Lora se met à enregistre les petits détails qui ne vont pas, ces petits plis qui marquent une robe parfaite là où ils ne devraient pas, ces taches infimes qui parsemaient si souvent les robes des vedettes de l'écran que retouchait Alice quand elle était costumière et que le studio finissait par céder gratis à ses employées parce qu'elles étaient trop usées, ou trop rêches, ou pas assez ceci, ou trop cela pour les stars ...

Alice a un passé. Comme tout le monde . Dans la jungle hollywoodienne, dans la jungle urbaine en général, ce n'est pas une tare : c'est pratiquement une nécessité . La première idée qu'on se fait, c'est que, en épousant Bill, Alice, comme toute jeune femme ayant un passé, cherchait à échapper à celui-ci. Là non plus, il n'y a pas grand mal à cela : c'est humain. Mais tout s'effondre lorsque, à la fin, le lecteur se rend compte, par les yeux et la voix de Lora, que la jeune femme rêvait en fait d'avoir les deux : la vie exemplaire d'une maîtresse de maison incomparable et celle, plus douteuse et s'effaçant dans les brumes de l'alcool et des drogues, d'une prostituée hau-de-gamme qui avait pour point de chute le "Red Room Lounge."

Le beurre et l'argent du beurre, dirait-on en français ... Mais nous savons bien que c'est impossible. Enfin, disons que, si l'on y parvient un temps, ça finit toujours mal. Et comme nous sommes dans un roman noir, ça finira forcément mal.

Dans son genre, Megan Abbott sait poser une ambiance : résolument américaine, résolument glauque, fourmillante de questions et de silhouettes qu'on aperçoit ou qu'on entr'aperçoit, avec une bonne dose de violence mais décrite du point de vue de la femme (on n'est pas obligé d'écrire comme un homme pour évoquer la violence dans un roman noir : au contraire, le point de vue féminin constitue un changement intéressant et incite le lecteur - y compris le lecteur mâle - à cogiter pas mal ) et toujours le rappel que, en chacun de nous, peut (et doit) se dissimuler un "ange noir." A nous de le faire vivre ou de réprimer ses pulsions mensongères et extrémistes.

Mais justement, après la disparition de sa belle-soeur, disparition qui la met en principe à l'abri du monde interlope qu'elle continuait à fréquenter en cachette et où avaient fini par l'entraîner ses mensonges et ses manigances, Lora King pourra-t-elle réprimer encore longtemps l'essor de son propre "ange noir" ? ...

A lire. Surtout que les vacances seront bientôt là. Mais n'oubliez pas que Megan Abbott fait dans la subtilité et que chaque mot compte. ;o)
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