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EAN : 9782330022280
176 pages
Actes Sud (06/01/2016)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Né à Alep, Syrie, en 1849, ‘Abd al-Rahmân al-Kawâkibî est l’une des grandes figures du réformisme musulman à la fin du xixe siècle et un précurseur de l’arabisme. Ce livre fondateur, dont la traduction française est depuis longtemps attendue, est une puissante charge contre le despotisme, soulignant ses conséquences désastreuses sur la religion, le savoir, l’économie, la morale, l’éducation et le progrès.
S’inspirant de la pensée libérale européenne, qu’il a ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Cet ouvrage mérite une courte introduction : son auteur, Abd al-Rahman Al-Kawakibi, est un intellectuel kurde syrien, né en 1855 à Alep, à l'époque partie intégrante de l'Empire ottoman. Journaliste, il critique vertement le despotisme du sultan Adbul-Hamid II, lui préférant un panarabisme basé sur un socialisme islamique promouvant la démocratie.

Son essai du despotisme et autres essais se veut une critique du despotisme et de ses moyens : religion, argent, gloire, éducation, progrès, modes de vie...

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Abd al-Rahman Al-Kawakibi est très attaché à la religion islamique ; il voit dans le Coran, dont il prône une interprétation contextuelle et continue, la révélation d'une religion raisonnée, accessible à tous et dont le caractère sacré n'est plus réservé aux élites :
"Ce n'est pas le cas des religions, comme l'islam, fondées sur la raison. Je ne parle pas de celui qui est pratiqué aujourd'hui par la majorité des musulmans, mais de l'islam du Coran, accessible à toute personne qui n'est pas sous l'emprise de telle interprétation ou telle autorité."
D'après lui, la religion ne doit pas se limiter à la foi, mais également à l'action ; il souligne combien il est simple pour un despote de s'emparer de la religion pour soumettre le peuple, qui tombe dans une adoration éperdue et irréfléchie.

Cette crainte de détournement de la religion lui fait affirmer que cette dernière doit être décorrélée de la gestion des affaires publiques, et on le sent admiratif d'une certaine laïcité occidentale, dont il déplore toutefois le détachement des valeurs chrétiennes et morales qui permettent de donner un sens à l'existence.

Si son chapitre sur le despotisme et la religion est pour moi le plus intéressant du livre, et particulièrement au vu des débats actuels autour de la place de l'Islam dans la société française, Abd al-Rahman Al-Kawakibi aborde également le lien étroit entre despotisme et lignées familiales, qui "s'élèvent" au-dessus d'une partie de la population et qui, pour conserver leur influence ou leur richesse, servent souvent le despote dont elles deviennent les courtisans. L'auteur souligne cependant que les "serviteurs" du despote se trouvent à tous les niveaux de la société, un grand nombre de personne pouvant trouver des avantages à servir le tyran.

Son argumentation autour de l'argent et du despotisme renvoie à la dangerosité des riches pour la démocratie : leur richesse leur permet en effet de corrompre une partie de la population, ou implique leur soumission au despote pour conserver leurs prérogatives. L'auteur se fait donc le partisan d'une société autosuffisante et égalitaire, où les richesses seraient équitablement réparties entre la population.

Enfin, du despotisme et autres essais se veut également un mode d'emploi pour faire chuter un despote ; après avoir appelé les populations arabophones chrétienne et juive à faire abstraction de leur religion dans le cadre de la construction d'un régime démocratique, Abd al-Rahman Al-Kawakibi liste les prérequis pour détruire le despotisme : En premier lieu et avant de combattre, s'assurer de construire et de préparer ce qui viendra remplacer le despote, et surtout combattre non par les armes ou la violence mais par une prise de conscience du peuple, dont plus des trois quarts doit souhaiter un changement, afin d'éviter le risque de contre-insurrection ou d'une invasion étrangère "à la rescousse" de ceux qui soutiennent le despote...

Des propos qui poussent à réfléchir, surtout quand Abd al-Rahman Al-Kawakibi soutient fermement qu'un peuple qui ne désire pas le changement est responsable de sa captivité, et "mérite" de vivre sous le régime du despote...Si la lecture est peu aisée par les tournures parfois alambiquées de l'auteur, son contenu est d'une modernité impressionnante : A LIRE !
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Après avoir lu "La Mère des Cités" de ce même auteur, j'ai eu l'occasion d'avoir lu cette traduction d'un de ses ouvrages.

Le réformisme musulman est généralement mal perçu par les adeptes car on l'associe souvent à un "changement" de la religion, et il est de coutume de prendre ce verset coranique en exemple pour argumenter cette position : "Le jour où nous avons parachevé votre religion, j'ai transmis mon entier bienfait et j'ai agréé l'Islam comme religion". Alors que le Prophète dit aussi : "Chaque siècle, Dieu envoie un réformateur pour permettre de revivifier Son culte dû", traduction rapprochée de sa parole, mais nous ne sommes pas dans un réquisitoire théologique.

Al-Kawakibi, comme expliqué dans l'autre avis posté, fut un des réformistes musulmans de la Nahda. Ayant côtoyé Mohamed Abduh et Jamal ad-Din al Afghani, il plaida pour une société arabe démocratique et libre, se détachant de l'empire ottoman. Il s'inspire beaucoup de la pensée occidentale, notamment sur la question de la laïcité, même s'il en regrette la suppression des valeurs religieuses. Son texte reflète son oeuvre pie vis à vis des textes religieux et sa grande fidélité aux prescriptions religieuses, prouvant d'ailleurs que l'Islam peut participer au développement humain.

Ayant une plume qui est engagée et qui peut être dure à certains moments, sa lecture doit être suivie attentivement et relue pour bien comprendre sa pensée. Al-Kawakibi l'avoue lui même dans "La Mère des Cités". Il existe une autre traduction du livre que nous notons actuellement aux éditions Al-Bouraq, mais je préfère lire celle de Sindbad car c'est le petit fils de Abd-el-Rahman Al-Kawakibi, Salam Kawakibi, qui a participé à la réalisation de cet ouvrage et donne donc une vision qui me paraît plus exacte de la pensée de son grand père à mon sens, même si n'oublions pas que la traductrice ici est Hala Kodmani, que je salue par ailleurs.

Mot d'ordre : à lire absolument et ne passez pas à côté !
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Les plus zélés vont jusqu'à dire que la religion et la raison sont antagonistes et que le premier pas vers le progrès commence quand la religion se meurt. Ils ajoutent que le degré d'avancement ou de décadence chez les hommes et les nations, d'hier et d'aujourd'hui, se mesure à la force ou à la faiblesse de leur attachement à la religion.
Toutes ces opinions sont valables, voire indiscutables, mais elles s'appliquent surtout aux religions mythologiques ou contraires à la sagesse, comme celle qui conçoit l'unité dans la trinité ou la trinité dans l'unité. L'acquiescement à l'irrationnel est une aberration et c'est pourquoi le monde civilisé en est venu à considérer la fidélité à une telle croyance comme une honte, car sa devise est insensée.
Ce n'est pas le cas des religions, comme l'islam, fondées sur la raison. Je ne parle pas de celui qui est pratiqué aujourd'hui par la majorité des musulmans, mais de l'islam du Coran, accessible à toute personne qui n'est pas sous l'emprise de telle interprétation ou telle autorité.
Il est certain que la religion fondée sur la raison est le meilleur rempart contre les superstitions et les excès, l'argument le plus fort pour l'élévation morale, le soutien le plus précieux face aux difficultés de la vie, la plus grande incitation à entreprendre une grande œuvre et le meilleur renfort des nobles principes. Elle permet en somme la plus juste mesure du progrès ou de la décadence des nations comme des individus.
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Le despotisme est le mal suprême par lequel Dieu Se venge de Ses créatures apathiques et qu’Il n’épargnera que lorsqu’ils se repentiront de s’être laissé humilier. Oui, le despotisme est le mal suprême, car il est la source permanente de sédition et de stérilité. C’est un incendie incessant de privations et de spoliations, un déluge emportant toute civilisation. Il installe une peur brisant les cœurs, une obscurité aveuglante, une douleur qui ne faiblit pas, une furie sans merci, un mal interminable. Me demande-t-on pourquoi Dieu inflige les despotes à Ses créatures ? La réponse évidente est que Dieu est juste et Sa justice, infinie. Il ne laisse le despotisme s’exercer que sur des despotes. Car si l’on observe attentivement les victimes du despotisme, on trouve au fond de chacune d’entre elles un tyran en puissance, prêt à soumettre sa femme, sa famille, sa tribu, son peuple et même son Créateur à ses ordres.

Les despotes se laissent dominer par un despote tandis que les hommes libres sont toujours gouvernés par des hommes libres. C’est bien le sens de ce hadîth du Prophète : ‘’Tels que vous êtes, vous serez gouvernés.’’

Celui qui se trouve assujetti quelque part ferait mieux de partir ailleurs, là où il pourrait jouir de sa liberté, car un chien libre vaut mieux qu’un lion enchaîné. (p. 27)
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L'Occidental est matérialiste, fort en caractère, dur à fréquenter, soucieux d'accaparer et de se venger, n'ayant rien conservé des grands principes et des nobles sentiments dictés par le christianisme oriental. Le Germanique par exemple est de tempérament sec, il considère que le faible mérite la mort, que toute vertu est fondée sur la force, elle même fondée sur la fortune. Il aime le savoir et la gloire, mais pour acquérir de l'argent. Le Latin est prétentieux et nonchalant, il confond raison et liberté, vie et indécence, noblesse et faste, courtoisie et profit, bonheur et domina tion, et ne trouve son plaisir qu'à table et au lit.
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En somme, c'est l'homme qui étudie, tandis que l'université et les enseignants ne sont que des outils pour comprendre. Ton aptitude personnelle, ton école et le temps dont tu disposes te permettent l'accès à tout ce que tu veux. Cela à condition que tu te consacres au travail sérieux sans perdre de temps dans les hésitations et que tu poursuives tout ce que tu commences jusqu'à le maîtriser et sans te lasser et passer à autre chose.
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Plus que cette corvée inutile, la conscription pervertit la morale de la nation en lui inculquant la violence, l'obéissance aveugle et la subordination, et en tuant en elle l'énergie et l'esprit d'indépendance, tout en lui coûtant financièrement un prix exorbitant. Tout cela pour soutenir le sinistre despotisme : celui, d'une part, des gouvernements qui dirigent les forces armées et celui, d'autre part, des nations qui oppriment d'autres nations.
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Video de `Abd ar-Rahmân Ibn Ahmâd al-Kâwâkibî (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de `Abd ar-Rahmân Ibn Ahmâd al-Kâwâkibî
Présentation du livre par Thomas Sibille de la Librairie al-Bayyinah "La Mère des Cités" de Abd al-Rahman Al-Kawâkibî (Sayyid al-Furati) aux Editions Héritage.
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