Alors là, babelionautes, on voit vraiment que c'est écrit par un mec, ce roman. Déjà, il est assez court. Hi hi hi. le personnage principal s'appelle Chagara, ce qui en arabe veut dire « arbre ». C'est parce que son papa (décédé depuis peu) voulait qu'il s'élève vers le ciel. En fait, le gars est effectivement très grand, il a presque trente ans et vit avec sa mère. Il rêve de se marier (« de trouver une femme ») et d'acheter une maison car il en a marre de cet appartement.
Son boulot aux Chantiers Navals d'Alexandrie lui permet de compléter son salaire par une combine géniale qu'il a trouvé. Nous sommes au début des années 1970, et Sadate reçoit beaucoup de visites de chefs d'État. Comme il faut un nombreux public pour faire bien, chaque entreprise envoi des employés, à qui on paye une petite rétribution en échange.
Chagara ayant été choisit pour conduire les ouvriers des Chantiers navals, il en libère plusieurs centaines pour la journée, gardant en échange pour lui et les chauffeurs de bus la moitié de la petite prime, qui, multipliée, devient une somme rondelette.
L'auteur évoque entre les lignes la guerre d'octobre 1973 contre Israël, où l'armée Égyptienne est laminée. Les visites de chef d'État se raréfient. Chagara a quand même acheté un autre appartement, mais sa mère est morte car elle ne l'a pas supporté. Chagara cherche désespérément une femme, et cela devient une obsession, une frustration.
A défaut, il fantasme sur «
la maison aux jasmins », où il aperçoit parfois une jeune fille, et il mate les femmes autant qu'il le peut, essayant de voir un sein, une cuisse, une peau dénudée. Il passe son temps libre avec ses copains, au café, où ils jouent au tric-trac et se payent des fou-rires mémorables. Car ce sont tous des trentenaires célibataires, sans copines, et incapables d'aligner trois mots devant une femme. Ils se regardent vivre tous les quatre, se racontant leur quête du mariage sans ne plus y croire eux-mêmes, et cela les fait se tordre de rire.
L'humour du livre tout au long du bouquin est agréable, de même que la description d'une Égypte où les femmes se promènent dans la rue et dans le métro en jupes et chemisiers. Pour autant, cela ne facilite visiblement pas les rapports entre les deux sexes ! L'amitié indéfectible entre les quatre copains trace un portrait des classes moyennes égyptiennes, qui sont un peu désabusées. L'Égypte se trouve à un moment charnière, entre abandon de l'économie planifiée et l'entrée dans une économie mondialisée. Cela ne va pas sans une forte contestation sociale, des grèves, des manifestations massives, par une classe ouvrière très revendicative. Mais dans le milieu de Chagara, certains partent travailler au Koweit, d'autres rêvent de partir en Autriche ou aux USA. Finalement, c'est de se marier qui s'avérera le plus facile...